L’ultimatum du monde économique

Agissons Solidaires regroupe la Chambre de commerce et d’industrie, la Chambre des métiers et de l’artisanat, la Chambre de l’agriculture et de la pêche, les organisations patronales (Medef, CPME, U2P-NC), le syndicat des rouleurs et du BTP et la Fédération calédonienne du bâtiment. Le collectif se veut être « une force de proposition et d’accompagnement ». (© A.-C.P.)

« On est en train de mourir lentement », ont martelé les acteurs économiques regroupés au sein d’Agissons Solidaires, mardi 27 février. Le collectif donne jusqu’à vendredi aux représentants politiques pour annoncer des mesures et fixer un calendrier. Sinon, la suite se passera dans la rue.

Il y a un an, c’était la réforme du Ruamm qui les avait poussés à se mobiliser. Aujourd’hui, c’est l’économie, la mise en veille de KNS étant « le coup fatal » porté à une situation compliquée depuis plusieurs années, « le raz-de-marée qui va tous nous emporter ». Là, « on ne peut plus attendre, insiste Christophe Ramadi, représentant du syndicat des rouleurs et du BTP. Environ 60 % des camions sont à l’arrêt depuis le mois de novembre et c’est de pire en pire. Beaucoup de sociétés de roulage ont mis des salariés en congés forcés. Moi, j’ai été obligé de licencier du personnel ».

Ce n’est pas la première fois que les organisations économiques alertent sur leurs difficultés. « Industrie, commerce, restauration, mine… Tout le monde souffre », précise Mimsy Daly, présidente du Medef. Les mots des membres d’Agissons Solidaires, réunis en conférence de presse mardi 27 février, révèlent l’urgence, parlent de « chronique d’une mort annoncée », selon Stéphane Yoteau, vice-président de la CCI, « écœuré » parce que « rien ne se passe », l’avenir institutionnel occupant tout l’espace, sans visibilité sur l’avenir. « On ne peut plus supporter cet attentisme politique parce que ça pourrit la vie des Calédoniens », renchérit Élizabeth Rivière, présidente de la CMA.

Stop aux taxes

L’inertie des politiques, justement, les pousse à « se soulever collectivement », explique Jean-Christophe Niautou, président de la CAP-NC. « Nous peinons à entendre une prise de conscience sur la réalité de ce que nous vivons au quotidien », souligne Mimsy Daly qui réclame « de l’écoute ». Les conséquences se font déjà durement sentir : suppressions d’emplois, liquidations de sociétés. « Des sous-traitants à qui on a demandé, dimanche, de partir avec leurs machines, leurs salariés et de ne rien laisser sur le site de KNS parce que c’est terminé pour eux. Des entreprises de formation sur VKP ou Yaté qui ferment, faute de gens à former. » Et le chômage partiel. Un système que la Nouvelle-Calédonie ne pourra financer au vu de l’état des comptes sociaux. « Il y a 2 500 chômeurs, sûrement plus depuis le mois de janvier et probablement le double dans le courant de l’année, et nous n’avons pas les moyens. Donc il faut un plan. »

Agissons Solidaires exige également la mise sur pause des réformes fiscales « qui alourdiraient les charges sur le pouvoir d’achat et la compétitivité des entreprises » : taxes sur le sucre, l’électricité, le carburant, Ruamm, impôt sur le revenu… « Ne plus prélever un franc de plus sur les entreprises, appuie Nicole Moreau, présidente de la CPME. Les petites et moyennes structures ne peuvent plus payer quoique ce soit. » À la suite du communiqué, la province Sud aurait d’ailleurs déclaré renoncer à la taxe sur les emballages.

Un plan Marshall

Parmi les autres revendications : le paiement, par les collectivités, de leurs factures aux entreprises et aux comptes sociaux, des mesures d’économies sur les dépenses, la simplification administrative, un état des lieux du budget de la Nouvelle-Calédonie, ou encore l’utilisation qui pourrait être faite des 1,5 milliard de francs du Fonds nickel. Et surtout, la relance, presse Nicole Moreau. « Il faut trouver une solution immédiatement, on n’a plus de temps. » Le plan devrait d’abord concerner la formation – « des activités vont s’arrêter et il va falloir assurer des reconversions », avance la présidente du Medef, et le chômage – « les 120 salariés pris en charge par la SLN sur le site de Poum jusqu’en avril » sont par exemple concernés.

À l’image de ce qui est prévu pour le nickel, Jean-Christophe Niautou imagine un programme similaire pour l’ensemble des secteurs économiques, « un plan Marshall qui devrait être initié et accompagné par l’État » car, interroge-t-il, « qui va être capable de payer la relance économique et le maintien du tissu socio-économique ? ».

Plus globalement, Mimsy Daly regrette un manque d’accompagnement dans cette période de transition. « L’économie de la Nouvelle-Calédonie va changer et on n’entend personne nous dire comment y faire face. Le nickel, c’est 13 000 salariés. Même si les usines restent ouvertes, ce ne sera plus 13 000, ce sera peut-être 10 000 ou moins. Qu’est-ce qu’on va proposer ? »

Agissons Solidaires attend une réponse du gouvernement très rapidement, d’ici la fin de semaine. « Sinon, on ira les chercher dans la rue malheureusement, parce qu’on n’aura pas d’autres choix », avance Mimsy Daly, déterminée. « On durcit un peu le ton et on envisage tous les moyens de se faire entendre. Maintenant, ça suffit. »

Anne-Claire Pophillat