L’immobilier en Nouvelle-Zélande pas si fermé

La Nouvelle-Zélande a entériné la semaine dernière une loi réduisant les possibilités d’investissement immobilier pour les étrangers non résidents. Mais cette mesure n’est pas si radicale qu’elle ne l’a été décrite. Le point avec Domaines NZ un professionnel du secteur.

« La Nouvelle-Zélande interdit aux étrangers d’acheter de l’immobilier » « La Nouvelle-Zélande verrouille son immobilier », « Les étrangers ne pourront plus acheter d’immobilier »… Certains titres de presse sur la nouvelle loi néo-zélandaise ne laissent que peu de place au doute.

Le gouvernement travailliste, souhaitant lutter contre l’augmentation des prix de l’immobilier devenu inabordable pour ses citoyens, a concrétisé mercredi 15 août sa promesse de campagne : une loi interdisant aux étrangers, notamment de Chine, et à quelques exceptions près, d’acheter des résidences en Nouvelle- Zélande. Coup dur pour les investisseurs, nombreux dans cet archipel, perçu comme un nouvel eldorado et sujet de questionnement en Nouvelle- Calédonie où l’on lorgne bien volontiers sur ce pays voisin, magnifique, en pleine croissance et paisible.

Lutter contre la hausse des prix

Si la loi a bien été votée, elle mérite néanmoins que l’on s’y attarde. Car elle n’est pas si fermée qu’on le laisse à penser.

Mais d’abord un point sur le contexte.
Dans un rapport rendu public il y a quelques mois, le gouvernement a indiqué que l’immobilier résidentiel avait augmenté de 30 % ces cinq dernières années : une hausse deux fois supérieure à la croissance des salaires, quatre fois supérieure à Auckland, l’un des taux les plus importants au monde. Conséquence, le nombre de propriétaires dans le pays est au plus bas depuis 60 ans. Selon le Real Estate Institute, le prix médian d’un bien immobilier à Auckland est de 835 000 dollars néo-zélandais (57,7 millions de francs) contre 550 000 dollars (38 millions de francs) dans le reste du pays.

Le gouvernement impute effectivement cette situation à l’appétit grandissant des étrangers. L’investissement extérieur représente 3 % du total des ventes annuelles, mais jusqu’à 22 % dans le centre d’Auckland. Problème, souvent, le pouvoir d’achat de ces investisseurs est supérieur à celui des Néo-Zélandais. On trouve en particulier de riches acheteurs de la Silicon Valley ou chinois « faisant des offres plus élevées que les résidents ».

L’idée de l’exécutif est donc celle-ci : permettre de « s’assurer que le marché soit fixé en Nouvelle-Zélande et pas sur les marchés internationaux », comme l’a fait valoir le ministre du Développement économique, David Parker, qui voit dans cette mesure « un pas vers la restauration du rêve néo-zélandais d’accès à la propriété », l’affirmation du « droit de naissance des Néo-Zélandais d’acheter des biens immobiliers à des prix convenables ».

Toujours possible d’investir

La loi, qui sera mise en application dans les prochaines semaines, contient tout de même quelques exceptions non négligeables. Elle ne concernera pas les Australiens ou les Singapouriens, protégés par des accords de libre-échange. Par ailleurs, les étrangers ayant le statut de résidents pourront toujours accéder à la propriété. Il est surtout primordial de préciser que cette mesure est limitée aux propriétés résidentielles existantes et qu’elle laisse par conséquent beaucoup de marge aux investisseurs.

En effet, explique Jérôme Gavelle, consultant pour Domaines Nouvelle-Zélande, société spécialisée dans la vente de biens dans l’archipel en Nouvelle-Calédonie, à Tahiti et en Métropole, il sera toujours permis aux non- résidents d’investir dans les biens immobiliers suivants : les appartements hôteliers (neufs ou anciens), les appartements résidentiels neufs (jusqu’à 60 % des appartements dans les immeubles), les locaux commerciaux et les terrains à condition de construire dans le but de louer. L’impact sur les biens existants des étrangers concernés sera le suivant : il ne sera plus possible de les céder à ses enfants qui seront obligés de revendre.

« Les indicateurs restent au vert »

L’opposition néo-zélandaise a jugé que cette loi n’était pas nécessaire et le Fonds monétaire international (FMI) a émis des doutes sur le fait qu’elle puisse réduire le problème de hausse des prix immobiliers. C’est également l’avis de Jérôme Gavelle. Premièrement, tient-il à expliquer, si l’investissement étranger est bien de 3 % du total des ventes annuelles, les Australiens et les Singapouriens – non concernés par cette nouvelle loi – représentent pas loin de la moitié des investisseurs extérieurs. On est donc davantage dans l’effet d’annonce.

Par ailleurs, selon lui, les Néo-Zélandais eux- mêmes ne sont pas étrangers au problème. « Les investisseurs locaux achètent ces appartements pour se faire un revenu pour leur retraite. Il n’y a pas de système de retraite en Nouvelle-Zélande et les Kiwis se constituent un patrimoine immobilier pour s’assurer des revenus pour leurs vieux jours. L’immobilier est le sport national après le rugby ! Pas de frais de notaire, une plus-value pas taxée sur la résidence principale et peu sur les autres, ils passent leur temps à acheter et à revendre. Une maison est d’abord, ici, un moyen de gagner de l’argent. »

Plus globalement, analyse-t-il, « ce sont les loyers qui font les prix du marché. Or les projections démographiques pour la ville d’Auckland sont de deux millions d’habitants d’ici 2030. Actuellement, il est déjà très difficile de trouver un studio à louer à Auckland pour moins de 350 $ par semaine. La demande restant, et encore pour de nombreuses années, plus forte que l’offre, les prix des loyers continueront d’augmenter, donc les prix des appartements aussi ». Pour le professionnel, au final, le discours politique est certes fort, mais la réalité risque d’être différente. « Demandez aux habitants de Sydney si cette loi (encore plus drastique) a fait baisser le prix de l’immobilier ! »

Face à cette annonce qui a fait grand bruit, les professionnels se veulent en tout cas rassurants. « Pour le monde, la Nouvelle- Zélande représente un pays de cocagne sans chômage avec de la croissance économique et une qualité de vie exceptionnelle. Et les indicateurs économiques du pays sont au vert. » Pas de quoi donc, estiment-ils, refroidir les investisseurs…

C.M.

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