La rentrée sociale s’annonce chaude

Après un an de silence radio, l’intersyndicale contre la vie chère a tenu une conférence de presse afin de faire le point sur la situation en cette période de rentrée. Le mouvement entend contribuer aux réformes à venir, mais se montrera intransigeant sur plusieurs dossiers comme la Cafat et la TGC, taxe générale sur la consommation. Au cas où les élus prendraient une « mauvaise direction », l’intersyndicale rappelle que la bâche bleue n’a pas été jetée et qu’elle est « simplement rangée ».

L’intersyndicale en a ras-le-bol et elle l’a fait savoir lors d’une conférence de presse à la fin de la semaine dernière. Les responsables des principaux syndicats sont restés bien polis, mais n’en sont pas moins déterminés. Et s’il y a bien une chose qui les énerve, c’est d’être pris pour des irresponsables qui gèrent n’importe comment les organismes paritaires tels que la Cafat. C’est du moins la lecture qu’ils font de la manière d’agir du gouvernement, plus prompt à utiliser les réseaux sociaux qu’à solliciter les partenaires sociaux. Une méthode que les syndicalistes ont peu appréciée, tout particulièrement sur le dossier de la retraite complémentaire.

C’est avec une certaine stupéfaction qu’ils ont appris de la bouche de Philippe Germain, à l’occasion de son discours de politique générale du 22 décembre dernier (en ligne dans son intégralité sur www.congres.nc), que les partenaires sociaux avaient mené des négociations contre les intérêts des salariés il y a vingt ans. Didier Guénant-Jeanson s’est presque étranglé, rappelant qu’en 1995, au moment de l’adhésion aux caisses Agirc et Arrco, seule l’Usoenc souhaitait une caisse complémentaire locale. Les politiques ont pesé de tout leur poids pour ne pas avoir de caisse attachée à la Cafat. Au même titre que l’Union des retraités, les syndicalistes sont conscients des inconvénients du système actuel, mais aussi des avantages.

Pour les responsables de l’intersyndicale, il aurait été plus constructif que le gouvernement communique ses chiffres afin que les représentants syndicaux et patronaux puissent renégocier l’accord, au besoin, plutôt que de vouloir renverser la table sans aucune concertation. Les syndicats s’interrogent, par ailleurs, sur la note à régler en cas de sortie, de l’ordre de 200 à 300 milliards de francs, et la capacité du territoire à assurer une retraite complémentaire du niveau actuel avec une population relativement faible qui commence par ailleurs à vieillir.

Un fonctionnement opaque

Le constat est plutôt similaire concernant le Ruamm, régime unifié d’assurance maladie et maternité. Son caractère universel avait impliqué, à l’origine, un financement par la fiscalité et pas seulement par les cotisations sociales. Comme le font valoir les syndicats, en 2005, on observait déjà un déficit, de l’ordre de cinq milliards de francs. Dix ans plus tard, il a été multiplié par quatre. Les partenaires sociaux refusent de porter le chapeau de ce dérapage, renvoyant aux élus à leurs responsabilités.

Le collectif dénonce en particulier l’affectation de taxes à l’Agence sanitaire et sociale, comme la TSS, taxe sur les services, et celles sur les alcools et le tabac depuis 2009. Ce nouveau fléchage fait qu’aujourd’hui, elles ne servent plus uniquement à financer le Ruamm, mais d’autres programmes n’ayant rien à voir. De fait, ce changement a ajouté de l’opacité au fonctionnement du système. L’intersyndicale pose plusieurs préalables à toute participation aux travaux pour faire des économies, à commencer par le fléchage de ces taxes au Ruamm, comme cela avait imaginé au départ.

Des préalables non négociables

Le deuxième préalable sur lequel aucune négociation ne sera possible concerne les exonérations de charges décidées par le gouvernement. Dans le cadre de sa politique de soutien à l’économie, l’exécutif a décidé d’exonérer certains secteurs d’activité de cotisations patronales sur les emplois à bas salaire. C’est le cas du tourisme, de l’agriculture ou encore de certains services comme les entreprises de nettoyage dans le but de pousser les employeurs à créer de l’emploi.

Ces exonérations ont toutefois un coût pour le Ruamm puisque ce sont autant de cotisations en moins, alors que la caisse couvre les dépenses de santé de ces salariés. Selon les syndicats, les exonérations atteignent les 11 milliards de francs, dont quatre relèvent des exonérations accordées aux travailleurs indépendants que le gouvernement doit rembourser à la Cafat. Pour les sept milliards restants, le gouvernement estime ne pas être tenu de payer.

Selon Jean-Pierre Kabar, le président de la Cogetra, la Cafat a reçu une note du gouvernement avec les résultats d’une étude montrant que ces exonérations avaient fait gagner de l’argent à la caisse grâce à la création d’emplois. L’intersyndicale y voit une justification pour ne pas honorer ses dettes. Elle juge l’étude partielle et partiale puisqu’elle ne prend pas en compte les impacts négatifs pour la caisse, sans compter qu’elle attribue l’ensemble des emplois créés à la mesure gouvernementale, ce qui reste à démontrer.

Des politiques publiques financées par les partenaires sociaux

Pour faire simple, les syndicats reprochent au gouvernement de financer ses politiques économiques avec de l’argent qui ne lui appartient pas : les cotisations sociales ne sont pas des taxes, elles appartiennent aux partenaires sociaux. C’est le cas pour les exonérations de charges, mais également pour des programmes tels que l’aide au logement. Au départ, cette dernière était financée de manière importante par les provinces. Dorénavant, c’est essentiellement l’ASS qui a pris le relais. Le rapport de la Chambre territoriale des comptes sur l’Agence sanitaire et sociale de 2015 avait d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme quant à l’explosion de l’enveloppe de l’aide au logement et le risque de conséquences pour le Ruamm.

Le Ruamm n’est pas le seul problème de la Cafat qui oppose les partenaires sociaux au gouvernement. Le dossier des prélèvements dans les caisses occasionne de nombreuses interrogations. Pour les syndicats, le principe d’étanchéité des régimes ne saurait être remis en cause, ce qui n’empêche pas le gouvernement d’y contrevenir allègrement depuis près de deux ans. Sur les deux derniers exercices, pas loin de 7 milliards de francs ont été pris dans le fonds de réserves de la caisse de retraite. Des prélèvements qui pourraient faire passer le fonds de réserve en dessous des ratios prudentiels.

Ces ponctions font d’autant plus tousser l’intersyndicale que les partenaires sociaux travaillent actuellement à une réforme des retraites. « Comment pourrons-nous dire qu’il faut rallonger l’âge du départ ou augmenter le montant des cotisations parce que le gouvernement prend dans la caisse ? Ça ne passera pas », prévient David Meyer, le secrétaire général de la Fédération des fonctionnaires.

Dernière fenêtre de tir pour la TGC

La branche famille de la Cafat, qui sert les allocations familiales, également bénéficiaire, n’échappe pas à la règle. Depuis deux ans, elle sert d’amortisseur des déficits, alors qu’elle pourrait servir au financement d’une véritable politique de la famille, à commencer les aides aux familles ou aux crèches, objet de nombreuses promesses, mais jamais financé.

Autant d’inquiétudes qui ne sont pas sans lien avec le sujet principal porté par l’intersyndicale. Du côté de la vie chère, le calendrier pourrait rapidement devenir un problème. Depuis quelque temps, les rumeurs de report de la mise en place de la TGC flottent dans l’air. Pour l’intersyndicale, les choses sont simples, un report de la TGC rimerait avec blocages. Le mouvement assure ne jamais avoir conditionné la TGC aux accords de compétitivité sur lequel achoppent les partenaires sociaux. Si des accords ne sont pas trouvés pour éviter l’effet inflationniste mécanique, les syndicats rappellent qu’il existe l’article 19 permettant de contrôler les marges.

Des résultats des réformes incertains

La réforme de la TGC est hautement symbolique. Pour l’intersyndicale, y renoncer serait un échec cuisant. Si les représentants syndicaux estiment que certains dossiers ont avancé, ce n’est pas le cas de tous et notamment le fait que les prix n’ont pas cessé de grimper depuis la première grève de 2006. Le rééquilibrage de la fiscalité du travail et du capital est également en demi-teinte.

La réforme de l’impôt sur les valeurs mobilières, qui touche notamment la redistribution des dividendes, a fait augmenter la taxation du capital (le taux d’IRVM est passé de 11% à 18 %). Mais l’augmentation trop faible, selon les syndicats, et l’assortiment de nouvelles niches fiscales ont réduit l’assiette de l’impôt et paradoxalement contribué à une forte baisse du rendement fiscal. Avant la réforme, l’IRVM a rapporté 7,2 milliards de francs en 2014. En 2015, ce ne sont plus que 4,3 milliards et 3,4 milliards l’année d’après. Une baisse qui est également imputable au ralentissement de l’économie au travers de la baisse des distributions de dividendes.

Au final, la réduction des inégalités est plutôt incertaine. Les études permettant de les mesurer font cependant défaut. De même que les évaluations des politiques publiques qui sont au mieux parcellaires et le plus souvent inexistantes. Ces contradictions et ce manque de réponses à la problématique de la vie chère contribuent d’une certaine manière à nourrir la grogne sociale qui monte. D’autant plus que le dialogue social est aujourd’hui au point mort…

M.D.