La prison de Nouméa, un bol d’air… tardif

Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti s’est rendu, jeudi 22 février, sur le terrain devant accueillir le futur centre de détention à Nouméa. Un projet « indispensable » et « nécessaire ». (© A.-C.P.)

Annoncé à 60 milliards de francs, soit le plus important investissement de l’État en Nouvelle-Calédonie, le projet de construction d’un centre pénitentiaire en baie de Koutio-Kouéta promet des retombées économiques considérables. Mais le calendrier ne répond pas à l’urgence du BTP.

La courte voie en terre débouche pour l’instant sur un terrain vague. En baie de Koutio-Kouéta à Nouméa, jeudi 22 février, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti, accompagné de ses confrères Gérald Darmanin et Marie Guévenoux, a annoncé la construction d’un centre pénitentiaire d’une capacité de 600 places ici même, au bout de la zone industrielle de Ducos. Relais attendu du Camp-Est tristement réputé pour ses conditions de détention indignes, le nouvel établissement, qui réservera une place conséquente à la réinsertion, doit s’étendre sur 18 hectares.

Le budget, entièrement soutenu par l’État, est colossal : 60 milliards de francs. « C’est énorme, c’est le plus gros investissement de l’État en Nouvelle-Calédonie », s’est félicité le garde des Sceaux. De nombreux corps de métier seront sollicités. « Nous sommes contents que le gouvernement national investisse un tel montant », note Benoît Meunier, président de la Fédération calédonienne du BTP. Cet engagement financier « relancerait beaucoup le secteur », ajoute Christophe Hervouet, secrétaire général du comité d’entreprise de Colas route et délégué syndical du Soenc BTP.

Prudent sur le planning du chantier le jeudi matin, Éric Dupond-Moretti a dévoilé une base de calendrier, un peu plus tard, devant les caméras de NC La 1ère, puis par communiqué officiel du ministère : après un temps réservé aux études, la mise en chantier est estimée en 2029 et la livraison du centre de détention, en 2032.

« LA CRISE INTERVIENT MAINTENANT »

Benoît Meunier et Christophe Hervouet sont unanimes, « la crise intervient maintenant ». Conclusion, « il va y avoir de la casse d’ici là », bien avant le premier coup de pioche pour la réalisation de la prison, déplore le dirigeant de la FCBTP. « Les petites entreprises vont commencer à tomber », confie le syndicaliste, qui signale que la direction de Colas va déposer une demande de chômage partiel pour une centaine de salariés sur un effectif total de 250 employés. « Il faut que tout le monde se mette autour de la table pour assurer une relance du BTP. »

Selon les professionnels du bâtiment et travaux publics, il paraît bien difficile d’accélérer le programme en vue de la construction de la prison de Nouméa en baie de Koutio-Kouéta. Pourtant, ce projet d’une ampleur unique promet un vrai bol d’air, à condition que les grandes mais aussi les petites entreprises locales bénéficient des retombées économiques. Le centre de détention de Koné, doté de 120 places réservées aux hommes majeurs condamnés et inauguré par le ministre de la Justice vendredi 23 février, a boosté la région. « Un véritable moteur économique », avait indiqué le ministère de référence au début des travaux, le chantier de construction mobilisant entre 20 et 30 entreprises et intégrant un volet social grâce à la clause d’insertion des marchés publics. Et encore, le coût de la réalisation dans le Nord, après trois années de travaux, s’est élevé à 6,4 milliards de francs. Donc bien inférieur au budget de 60 milliards de francs annoncé à Nouméa.

Des patrons dans le BTP craignent un double effet de la crise : au-delà de la disparition de sociétés, des salariés formés et expérimentés peuvent quitter le territoire ou trouver du travail ici dans un tout autre domaine. Ce secteur spécifique perdrait ainsi en compétences.

Yann Mainguet