Chantal et sa science du pâturage au service des éleveurs

© G.C. Chantal Philippe est éleveuse à Chaux-lès-Passavant (Doubs), 142 âmes, quatre fermes destinées à la production de comté. Son intervention de 15 jours en Nouvelle-Calédonie, ainsi que celle de deux autres spécialistes, a été organisée par le Syndicat des éleveurs, avec le soutien de la Chambre d’agriculture et de la pêche, du projet PROTEGE et de l’Institut de formation à l’administration publique (Ifap). / © G.C.

Pour tenter de résoudre le problème de la faible natalité, le Syndicat des éleveurs bovins a invité Chantal Philippe, installée dans l’Est de la France. Sa formation s’est achevée vendredi 5 mai à la station zoologique
de Port-Laguerre, à Païta.

« Quand tu fais du foin, tu fauches au bout de combien de jours de beau temps ? », questionne l’experte. « Je fauche très tôt le matin, au bout de deux ou trois jours… Ça dépend… », tente Marc.

L’imprécision attire les foudres de Chantal Philippe. « Non, ça ne dépend pas. C’est du précis. Il faut savoir. Ce que fait Marc, c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. »

La bonne réponse était : le deuxième jour de beau temps, vers midi, à l’heure où le végétal est pleinement chargé du sucre dont la vache a besoin, après l’avoir mesuré au réfractomètre. Et sans faucher trop bas, pour ne pas fragiliser la plante, puis le sol.

Chantal Philippe insiste également pour que l’on cesse d’enrubanner le foin, technique chère aux éleveurs locaux, qui craignent les dégâts de l’humidité.

Sujet après sujet, elle les bouscule, pour leur bien. « Souvent, les agriculteurs ne connaissent pas la physiologie des plantes », constate la spécialiste du pâturage et du fourrage, qui élève dans le Doubs la race montbéliarde, dont le lait fait le comté.

Dans les quatre exploitations de la côte Ouest qu’elle a auditées, elle a constaté « des dysfonctionnements, de vrais problèmes de santé des animaux » qu’elle juge responsables du manque de fertilité récurrent ‒ un veau par vache et par an, beaucoup de troupeaux en sont loin.

UNE APPROCHE SCIENTIFIQUE

À Moindou, Stephen Moglia se creuse la tête depuis cinq ans. « Les vaches qui ne reprennent pas le taureau, c’est un vrai problème. Je me doutais que les animaux étaient carencés. Chantal l’a confirmé au premier regard. » Elle a pointé du doigt ses poils dressés sur la colonne vertébrale, signes que la vache fait fondre ses muscles pour y trouver le sucre manquant à l’herbe ou au foin.

Elle a ouvert sa mallette illico presto. Analyses de sang, d’urine, de fourrage, d’eau… En quelques minutes, confirmation, puis plan d’action. « Ces gens-là ont une approche scientifique, ils ont une solution à t’apporter. Et dans la journée, pas dans trois ans ! », apprécie Stephen Moglia. Dès le lendemain, il préparait la cure de compléments alimentaires pour son troupeau.

La solution durable consistera à rééquilibrer la structure des sols carencés en minéraux. « Ce sera un travail de longue haleine, on a énormément de choses à corriger. Son approche met en relation le sol, la plante et l’animal. Pour nous qui sommes aussi maraîchers, c’est très instructif. »

« EN QUANTITÉ, ON N’Y EST PAS, MAIS LA QUALITÉ EST LÀ »

Pierre-Yves Galliot, représentant du Syndicat des éleveurs lors de la journée de formation à Port- Laguerre, juge lui aussi « très enrichissants » les conseils de Chantal Philippe, mais doute qu’ils puissent tous être appliqués par climat tropical. « La lecture du sucre va beaucoup nous aider. Mais faire du foin mouillé ici, c’est impossible… » Et il n’adhère pas aux diagnostics trop pessimistes. « L’élevage calédonien se porte très bien. Ce sont vraiment de petits points pour atteindre la perfection, considère l’éleveur installé à Boulouparis. En quantité, on n’y est pas, mais la qualité est là. »

Pour Yoann Kerhouas, ingénieur conseil à la Chambre d’agriculture et de la pêche, la semaine de formation a atteint ses objectifs. « Le but, c’était d’expliquer aux agriculteurs qu’il y a des dimensions que l’on ne maîtrise pas bien, que l’on a besoin de mieux connaître. C’est novateur comme perception des choses. On a changé le cadre logique. »

Gilles Caprais