Aurélie Konhu, la tête haute

Aurélie Konhu ne considère pas le sport comme un milieu à part. « C’est pareil dans toutes les sphères. Beaucoup d’auteurs de violence passent au travers des mailles du filet parce qu’ils ont le bras assez long, parce qu’il faut protéger leur notoriété, parce qu’ils peuvent s’en sortir avec un pardon. » (© G.C.)

L’ancienne volleyeuse parle publiquement du viol subi au début de sa carrière ainsi que de sa reconstruction personnelle. Ses interventions sont autant de coups dans le mur du silence, autant de messages d’espoir pour la jeunesse calédonienne.

Une conférence sur la contraception des jeunes, un mardi soir  l’année dernière. Aurélie Nyuekaare Konhu s’y rend pour accompagner son amie Laura Vendegou. En simple spectatrice, pense-t-elle. Mais l’élue de la province Sud l’invite au pied levé à prendre place dans le cercle des oratrices. Elle accepte. Les participantes évoquent les tabous de la sexualité chez les jeunes filles en tribu.

À son tour de parole, l’ancienne volleyeuse évoque pour la première fois son viol, subi il y a près de 20 ans, au pôle espoirs de Châtenay-Malabry. Quelques mois plus tard, devant les caméras du JMX, les yeux dans les yeux du public, la tête haute, elle raconte en détail le drame dont elle a pris conscience il y a seulement trois ans, lorsque s’est fissurée son amnésie traumatique, puissant mécanisme de défense du cerveau.

« Parler faisait partie du cheminement, de la reconstruction. Je savais depuis longtemps que j’allais le faire, d’autant que j’ai toujours eu des facilités. J’ai pensé à celles qui ne peuvent pas parler, en tribu. » Aurélie Konhu prend désormais la parole régulièrement. En parallèle de son travail à la Direction de la jeunesse et des sports, elle s’engage pour la prévention des comportements déviants, pour la condition féminine et « pour la jeunesse en général ».

« Ceux qui ont vécu des traumatismes peuvent planter de bonnes graines, faire prendre conscience aux jeunes des dangers, des réalités du monde. » À 15 ans, elle ne savait rien du monde qu’elle rejoignait, à l’autre bout de la planète. « Si j’avais eu un adulte pour me conseiller, ma vie aurait été complètement différente. »

UNE VOIX « FORTE » POUR CHANGER LA TRISTESSE EN ESPOIR

Quand Aurélie Konhu s’exprime, « on boit ses paroles ». Laura Vendegou a été bouleversée par son intervention lors d’une journée de prévention du suicide, à l’Île des Pins, chez elles. « Des tantes, des cousines l’ont entendue poser des mots forts. Une personne d’origine mélanésienne qui prend la parole sur des sujets encore tabous, ça permet de casser le mal-être des femmes. » Elle voit en elle « un exemple », un modèle de « résilience ».

« Elle porte avec force et grand charisme la parole des femmes calédoniennes », salue une autre amie, pour qui le tour de force d’Aurélie Konhu consiste, partant d’une histoire « qui ressemble tristement à beaucoup d’autres », à insuffler l’espoir. « Avoir des modèles de proximité, c’est très important. Par la force de sa voix, elle autorise de nombreuses jeunes femmes à imaginer une construction personnelle plus forte et plus stable. »

« ELLE IRA LOIN »

Aurélie Konhu œuvre actuellement à la création du Haut conseil de la jeunesse et de l’animation socio-éducative, qui rassemblera les institutions ainsi qu’un grand nombre d’acteurs œuvrant pour la jeunesse. La mission lui plaît, elle correspond parfaitement à ses convictions. « Les jeunes ne naissent pas délinquants, ni victimes de viol. Ils ont tous de la valeur », insiste celle qui repartira en Métropole dans quelques mois afin de poursuivre ses études.

À Rennes, elle visera un bachelor dans les carrières sociales, puis un master. La suite de son parcours professionnel s’écrira ici. On pourrait encore entendre parler d’Aurélie Konhu. « Elle a beaucoup de projets, et elle ira loin », prédit Laura Vendegou.

 

La passion avant la performance

En équipe de France jeunes de volleyball, Aurélie Konhu n’a pas aimé le fonctionnement « robotisé » de la sélection. « On voulait me mettre dans
des cases. Ça a éteint ma passion. » Le plaisir du volleyball, elle l’a trouvé en club, au cours d’une longue carrière professionnelle en 2e et 3e division, passant par Châtenay-Malabry, Le Plessis-Robinson, La Rochelle, Poitiers puis Chamalières, où elle a participé à la montée du club en 1ère division. Mais « le paraître, les talons pour attirer les sponsors » l’ont dissuadée de poursuivre à ce niveau. « J’ai toujours suivi mon cœur. J’ai fait passer ma passion avant la performance », explique celle qui a joué ses dernières saisons en pro à Val-de-Travers et à Rennes.

 

Gilles Caprais