Jean-Pierre Djaïwé : « Nous souhaitons un véritable scrutin d’autodétermination »

Après plusieurs semaines de silence post-référendaire, les deux grands partis indépendantistes ont tenu des réunions politiques le week-end dernier. L’Union calédonienne était à Téné (Bourail) pour un comité directeur, et le Parti de libération kanak à Weelic (Voh) pour un 46e congrès. Ils refusent de s’inscrire dans le cadre fixé par l’État et vont défendre un référendum d’autodétermination pour 2024-2025. Les stratégies et convergences sur un projet de société restent à affiner. Le point sur ces questions avec Jean-Pierre Djaïwé, porte-parole du Palika.

(Lire également notre entretien avec Daniel Goa, président de l’Union calédoniennehttps://www.dnc.nc/daniel-goa-macron-est-en-train-de-faire-comme-si-laccord-de-noumea-nexistait-pas/)

♦ Positionnement port-référendaire

« Notre silence était une manière de montrer notre mécontentement, suite à la décision du gouvernement français de maintenir la date du 12 décembre. Nous avons fait le constat d’un État qui n’est plus, à nos yeux, le partenaire neutre, impartial, équidistant qui veillait à ce que la mise en œuvre de l’accord de Nouméa soit respectée. On ne va pas engager des discussions avant la présidentielle si c’est pour changer d’interlocuteur en cours de route. Après, il ne s’agira pas de boycotter les discussions. »

♦ Scrutin d’autodétermination

« La troisième consultation qui s’est déroulée sans la participation des indépendantistes, politiquement, n’a aucune légitimité. Nous souhaitons un véritable scrutin d’autodétermination. Sur le plan juridique, il y a une différence. Celui-ci ne pourrait pas se dérouler sans la participation d’une frange importante de la population et délivrerait un résultat acquis à la sortie. Nous ne sommes pas tenus par le calendrier issu des discussions de Paris. Nous allons jusqu’à la fin de l’accord, jusqu’à la fin de l’actuelle mandature en 2024. Il faut donc trouver un accord d’ici là. »

♦ Stratégie dans le cadre des discussions

« Le Palika a pris position officiellement pour une indépendance avec partenariat avec la France. On veut donc discuter d’abord avec l’État en bilatéral pour voir si une indépendance de la Nouvelle-Calédonie et les intérêts de la France peuvent être conciliables. On veut aller au bout de ces discussions.

On sent bien que les choses ont changé sur le plan géopolitique, stratégique. Au moment de la signature des accords, Jospin, Rocard et d’autres responsables avaient une autre ambition, de mener petit à petit la Nouvelle- Calédonie vers son émancipation. L’intérêt de la France est maintenant de la maintenir dans son giron, compte tenu de tout ce qui joue à travers le monde, de la montée en puissance de la Chine. C’est donc à la France de dire ce qu’elle est prête à faire dans le cadre d’un partenariat et ensuite d’apporter des garanties aux partis non indépendantistes. On a tous envie de vivre ensemble dans ce pays. Comment peut-on faire pour qu’il y ait un terrain d’entente ? Nous, nous disons que l’indépendance avec partenariat peut être cette solution. »

♦ Cadre de l’indépendance avec partenariat

« Les compétences régaliennes continueraient à être exercées par la France, l’ordre public, la défense, la justice, les affaires étrangères et la monnaie. C’est toute cette discussion qu’on veut mener, c’est-à-dire savoir jusqu’où on peut aller ? Et sur quelle période ? Ça peut être sur une période bien définie, ça peut être durable dans le temps… Il y a plusieurs exemples dans le monde. Et cela n’empêche pas ensuite d’autres partenariats avec des pays de la région. »

♦ Projet politique commun aux indépendantistes ?

« Il y a encore des discussions à mener jusqu’au congrès du FLNKS. On aimerait pouvoir parler d’une seule voix pour être plus forts et arriver à un projet commun. Le Palika et l’UPM sont pour l’indépendance avec partenariat. Jusqu’ici l’Union calédonienne n’a jamais souhaité parler clairement de cette option, mais depuis un moment, ils y viennent tout doucement même si les termes ne sont pas les mêmes. »

♦ Présidentielle

« L’élection présidentielle est importante pour la Nouvelle-Calédonie. Nous allons soutenir un candidat de gauche. Un certain nombre d’élus de l’UNI, dont moi-même, ont parrainé Jean-Luc Mélenchon parce qu’on le connaît et qu’il connaît aussi le dossier calédonien. Mais pour l’instant, ce n’est pas défini, nous souhaitons avoir une position commune au FLNKS. Après, on verra au deuxième tour. »

♦ Législatives

« L’Assemblée nationale est une tribune importante. C’est une opportunité. Nous avons participé aux dernières législatives, l’UC n’y était pas allée. Ce serait bien d’avoir des candidatures communes au FLNKS. »

♦ Gestion des institutions

« Nous sommes dans une situation compliquée avec une crise économique aggravée par la crise sanitaire. Il faut qu’on arrive à mettre en place les réformes qui s’imposent pour sortir le pays de cette situation difficile. On nous a prêté de l’argent avec un certain nombre de conseils. Il faut que la Nouvelle-Calédonie puisse s’inscrire dans une trajectoire pour pouvoir rembourser cet argent puis, pour subvenir à ses besoins. Cela nous préoccupe tout autant que l’avenir institutionnel. Il ne peut y avoir d’avenir institutionnel si ces problèmes du quotidien de nos populations ne sont pas résolus. »

♦ « Stratégie institutionnelle »

« Les institutions demeurent un outil incontournable pour apporter, dans la mise en œuvre des politiques publiques, le bien- être à nos populations. Certains remettent en cause les institutions nées de l’accord de Nouméa. Pour nous il n’en est pas question. Il y a néanmoins besoin de relancer des espaces comme le GTPE (NDLR : groupe de travail des présidents d’exécutif ) pour qu’il y ait plus de cohésion, de discussion sur les sujets transversaux. »

 

Propos recueillis par Chloé Maingourd (© C.M.)