Daniel Goa : « Macron est en train de faire comme si l’accord de Nouméa n’existait pas »

Après plusieurs semaines de silence post-référendaire, les deux grands partis indépendantistes ont tenu des réunions politiques le week-end dernier. L’Union calédonienne était à Téné (Bourail) pour un comité directeur, et le Parti de libération kanak à Weelic (Voh) pour un 46e congrès. Ils refusent de s’inscrire dans le cadre fixé par l’État et vont défendre un référendum d’autodétermination pour la fin de la mandature (2024). Les stratégies et convergences sur un projet de société restent à affiner. Le point sur ces questions avec Daniel Goa, président de l’UC. 

(Lire également notre entretien avec Jean-Pierre Djaïwé, porte parole du Palika : https://www.dnc.nc/25509-2/)

♦ Repositionnement

« Le Conseil des ministres a maintenu la date du 12 décembre contre l’avis des indépendantistes. Macron, c’est une autre génération de dirigeants, pas celle des vieux qui ont fait l’accord de Nouméa. Ils sont offensifs. Après, c’est un tort partagé puisque nous, on a commis l’erreur d’avoir déposé trop tôt la demande d’organisation du référendum. Après, on a appelé à ne pas aller voter pour ne pas donner une légitimité au résultat de ce vote. On a laissé le référendum se passer, on les a laissés se contenter. Ça n’a pas toujours été compris en termes de communication. Mais maintenant, on se repositionne et on va faire le véritable débat avec l’État. On a vu ce que chacun représentait. »

♦ Référendum de souveraineté

« L’État n’est plus un arbitre neutre. Il a amené son drapeau. Il revient comme véritable colonisateur. Il y a un rapport de force. La Cour internationale de justice sera saisie au travers du FLNKS afin de faire valoir nos positions et confirmer l’invalidité, l’illégitimité du vote. Ensuite, l’État vient nous imposer une période de transition qui doit aboutir à un référendum de projet. Macron est en train de faire comme si l’accord de Nouméa n’existait pas, comme si la citoyenneté, la nationalité en devenir n’existaient pas.

Le calendrier, c’est nous qui le validerons, qui l’imposerons. Et on discutera de notre projet dans la finalité de l’accord de Nouméa. Il n’y aura pas de discussion sur le référendum de projet. On ira imposer un référendum sur le projet d’indépendance, de souveraineté. Et la transition, ce n’est pas 18 mois. Notre calendrier va jusqu’en 2025, après la mandature. »

♦ Défendre les fondamentaux

« On restera droits dans nos fondamentaux : le droit inné et actif à l’autodétermination, le processus de décolonisation, le gel du corps électoral, la citoyenneté, l’irréversibilité des transferts, les transferts résiduels ainsi que les transferts des compétences régaliennes. »

♦ Présidentielle

« On ne participera pas à la présidentielle, ni au vote, ni à la campagne. Ceux qui veulent aller voter iront, mais ce n’est pas notre cheval de bataille. On attend celui qui sera élu pour discuter. Ce sera sûrement Macron. Pour nous ça ne change rien, on sait où on va. Mais on avait besoin de discuter avec quelqu’un qui soit en début de mandat. »

♦ Législatives

« C’est une erreur qui a été faite de ne pas participer aux dernières législatives. Je me suis trouvé un peu en contradiction avec mes structures de base, qui avaient décidé de ne pas y aller. Pour moi, on avait besoin d’y aller pour défendre notre combat parce qu’on n’a pas gagné et que l’issue n’est pas assurée. C’est ce qui nous arrive aujourd’hui. La question se repose. Je défends toujours cette position. Si on a un député, il vient se rajouter aux communes indépendantistes, au Congrès, au gouvernement, même si là tout peut basculer. Malgré tout, on peut être plus offensifs, avoir des projets plus en adéquation avec nos populations. La décision sera prise durant notre congrès. »

♦ Projet de pays

« La discussion est menée au sein du FLNKS. Nous, on est sur l’indépendance pure et simple. Le Palika est sur le partenariat. En définitive, les deux versions se valent. Mais le problème pour nous, c’est que si on met le pantalon sur les genoux pour partir, on finit avec le pantalon sur les chevilles. On connaît l’État. Il ne faut pas mettre la barre à ce niveau quand on est en discussion avec l’État. Quand on part avec le partenariat, solution A, où est la solution B, l’autonomie ? »

♦ Parti agité ?

« Il y a, comme à chaque période importante, des questions qui nous opposent. Le congrès de l’UC doit renouveler les instances. On sera sûrement dans le ‘dégagisme’ des vieux. En Calédonie, il faut faire attention. Des deux côtés, on s’inquiète. Les vieux, les partenaires historiques, arrivaient à se mettre d’accord, mais qui va porter cela ensuite ? Ils vont refaire les bagarres que nous, on a vécues ? »

 

Propos recueillis par Chloé Maingourd (©archives DNC/C.M.)