Zika : des recherches aussi à Nouméa

Le virus du Zika se déploie de manière très inquiétante en Amérique du Sud. Le Brésil connaît la plus importante épidémie jamais décrite et dix pays de la zone tropicale américaine et caribéenne sont également touchés. Pire, il semble que le Zika s’accompagne de complications neurologiques sévères comme la microcéphalie. La recherche internationale est mobilisée, jusqu’à Nouméa.

Depuis mai 2015, le Brésil a connu entre 440 000 et 1,3 million de cas suspects de Zika. Depuis octobre, le virus est également présent du Mexique au Paraguay en passant par le Venezuela, la Colombie et l’Équateur. Plus récemment encore, il a fait son entrée au nord, en Guyane, en Martinique, en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy, en Haïti où des débuts d’épidémie ont été confirmés. Aux dernières nouvelles, une personne a été touchée à Hawaï, infectée lors d’un voyage au Salvador.

De son histoire, jamais le virus, transmis par les moustiques Aedes, ne s’était propagé de la sorte. Détecté pour la première fois en Ouganda en 1947, il avait provoqué en 2007 une première épidémie en Micronésie avec 5 000 infections, puis une deuxième en 2013 et 2014 en Polynésie française avec cette fois 55 000 cas signalés et une propagation dans d’autres îles du Pacifique, en Nouvelle-Calédonie (11 000 cas), aux îles Cook et à l’île de Pâques. Bien loin, donc, des centaines de milliers de cas qui concernent désormais l’immense Brésil et ses voisins d’Amérique du Sud.

Des complications sévères et irréversibles

Cette propagation fulgurante inquiète : au contact de populations très nombreuses, le virus ne semble pas avoir de limites. Mais c’est surtout les possibles conséquences de cette épidémie massive qui interpellent. Jusqu’à récemment, le virus du Zika était présenté comme étant plutôt bénin. « Le sentiment général était qu’il provoquait plutôt moins de fièvre et moins de complications que les autres arbovirus », commente le docteur Anne Pfannstiel, chargée à Nouméa des programmes de santé publique à la DASS, avant d’ajouter « qu’il avait été aussi moins étudié que les autres. »

Or, il s’avère que le Zika pourrait être bien plus dangereux qu’on ne le croyait. Au Brésil, en pleine épidémie, 3 000 cas de microcéphalie ont été détectés sur des nouveau-nés dont les mamans avaient été infectées lors de la grossesse, soient 20 fois plus qu’en temps normal. La malformation congénitale se manifeste par un périmètre crânien inférieur à 33 cm et un retard mental irréversible. Même si le lien direct entre le seul virus et la maladie n’est pas officiellement avéré, le pays a décrété l’état d’urgence sanitaire. Et partout en zone d’épidémie, on demande aux femmes « de ne pas tomber enceintes ».

Souche polynésienne

Dans ce contexte, tous les chercheurs qui s’intéressent aux arbovirus sont sur le qui-vive. « Ces anomalies sont-elles uniquement dues au virus Zika ? À la circulation conjointe avec d’autres agents infectieux ou à d’autres facteurs ? Voilà les questions qui se posent », nous dit Anne Pfannstiel.

L’Institut Pasteur, qui combine les connaissances sur le sujet et une capacité de mobilisation sur un réseau étendu, est particulièrement mobilisé. Des chercheurs de l’Institut de Dakar ont été envoyés à Sao Paulo. Dans le même temps, une étude entreprise par l’Institut de Guyane à la demande du Suriname en novembre, a donné ses résultats fort à propos, cette semaine. Les chercheurs sont parvenus à établir la séquence génétique complète du Zika des Amériques, une première et « un point de départ important pour mieux comprendre l’évolution et le comportement de ce virus », a fait savoir Dominique Rousset, responsable du laboratoire de virologie et du Centre national de référence des arbovirus à Cayenne, en Guyane.

Important également, l’affirmation que la souche circulant actuellement en Amérique du Sud est semblable à celle qui avait sévi en 2013 et 2014 en Polynésie française, avec « plus de 99 % d’homologie ».

Recherches à Papeete et à Nouméa

Avec ces nouvelles informations, on a appris qu’en fait, des inquiétudes avaient déjà émergé au sein de la communauté scientifique lors de l’épidémie polynésienne. Il avait été fait état à l’époque d’une augmentation chez les adultes du nombre de cas du syndrome de Guillain-Barré, une complication neurologique occasionant dans quelques cas la paralysie. 42 personnes étaient concernées. « Des patients ont été placés en réanimation et on a soupçonné des problèmes chez des nouveau-nés », a raconté au JDD le professeur Xavier de Lamballerie, virologue au CHU de Marseille.

Seulement, on ne connaissait rien du Zika ou d’un lien éventuel avec des maladies neurologiques. Avec l’épidémie brésilienne, la Direction de la santé polynésienne s’est replongée dans ses registres et a trouvé 18 cas d’anomalies congénitales, détectées sur des foetus ou des enfants*. Des tests ont été mené, une publication est attendue prochainement mais le Zika est fortement suspecté.

Quand la situation polynésienne a été mise à jour, la DASS, le CHT Gaston-Bourret et l’Institut Pasteur se sont également mobilisés à Nouméa. « Lors de l’épidémie, on avait relevé une très légère augmentation du nombre de cas du syndrome Guillain-Barré, une quinzaine, contre neuf habituellement, précise Anne Pfannstiel. Mais des tests ont été envoyés en fin d’année dernière et nous n’avons pas encore la confirmation que ces personnes ont eu le Zika. » Depuis, on cherche à savoir si les décès liés aux malformations, les interruptions thérapeutiques de grossesse ont été plus importants lors de l’épidémie par rapport aux années antérieures ou ultérieures, si des foetus ont été touchés. « Les pédiatres n’ont pas l’impression d’une augmentation… Mais une étude est en cours en pédiatrie » poursuit-elle.

À l’Institut Pasteur, Myrielle Dupont-Rouzeyrol, responsable de la recherche sur la dengue et les arbovirus, consacre tout son temps à ses recherches sur le Zika, comme ses collègues un peu partout dans le monde. « C’est inquiétant de se rendre compte que les conséquences de ce type d’arbovirus peuvent être très graves. Tous nos travaux sont boostés », explique la scientifique. Elle travaille sur deux axes de recherche « l’évolution moléculaire du virus » et teste par ailleurs « la compétence du vecteur (le moustique) à transmettre le virus ». Objectifs : mieux connaître le virus et comprendre son évolution et sa transmission.

En Nouvelle-Calédonie, il n’y a désormais qu’une « petite circulation » du Zika. Mais mieux vaut rester vigilant, en période chaude une reprise n’est pas impossible. À la Direction de la santé, on continue d’inciter la population à se protéger contre toutes les arboviroses à l’aide de répulsifs. Et on rappelle que certains de ces produits sont parfaitement adaptés aux femmes enceintes pour qui les risques sont décuplés.

 

* Sur ces 18 cas, 10 interruptions de grossesse ont été réalisées et deux enfants sont décédés après leur naissance. Parmi les six qui ont survécu, trois souffrent d’une microcéphalie et sont dans un état végétatif. Les trois autres souffrent d’anomalies du tronc cérébral qui provoquent des troubles de la déglutition.

 

C.Maingourd.

Photo : AFP

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Le Zika, sexuellement transmissible ?

Polynésie 1ère a publié mercredi un reportage sur le Zika affirmant de manière alarmante qu’il était le seul arbovirus sexuellement transmissible. Anna-Bella Failloux, entomologiste à l’Institut Pasteur (Paris) précise dans ce reportage que c’est une « possibilité » parce que du Zika a déjà été retrouvé dans le sperme. Mais  elle évoque des cas vraiment « anecdotiques », et insiste sur le fait que la voie de transmission principale et majoritaire est bien le moustique. Il existe en fait deux publications relatives à cette hypothèse de contamination par voie séminale. Un cas supposé aux États-Unis et un travail réalisé en Polynésie française où des chercheurs ont détecté du virus Zika dans le sperme qui était infectieux. Chez les arbovirus (dengue, chikungunya, fièvre jaune, Zika, virus du Nil…), il y a une voie de contamination majeure, la piqûre d’insecte, et des voies très minoritaires décrites ou supposées (accidents de laboratoire, via des contacts de muqueuses, lait maternel…).