Violences à l’école : « Il faut davantage de moyens »

Les responsables de la CFE-CGC étaient reçus mercredi après-midi au gouvernement puis à la province Sud en réaction au mouvement initié pour dénoncer les violences à l’école. D’autres manifestants relayaient également le mouvement dans le Nord et les Îles. Selon le syndicat, le phénomène est en augmentation et est marqué par une aggravation des actes. Les autres organisations n’ont pas répondu à l’appel de la CFE-CGC. Certaines estiment que ce sont des solutions de long terme qu’il faut rechercher. Un groupe de travail sera toutefois mis en place afin de réfléchir à des actions à mettre en œuvre à court terme. Questions à Fabienne Kadooka, secrétaire générale SFA-CGC pour l’enseignement secondaire public.

 

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Comment s’est passée votre réunion avec le président du gouvernement, le Vice-recteur et la directrice de la DENC ?

Fabienne Kadooka : Très bien, nous sommes très satisfaits. Le gouvernement va dans le même sens que nous. Nous souhaitons qu’une réflexion soit menée afin que nous trouvions des solutions aux problèmes des violences. Un groupe de travail va être créé et il sera justement chargé de travailler sur les actions que l’on pourrait mettre en œuvre rapidement.

L’augmentation de ces violences est- elle une réalité qui se traduit au niveau des chiffres ?

Oui, tout à fait. Les chiffres montrent clairement une augmentation des violences dans les établissements scolaires. Et aujourd’hui, on observe qu’elles ne concernent plus seulement les élèves entre eux mais aussi les surveillants, les professeurs et même les proviseurs. On a même des enseignants en primaire qui sont victimes de violences.

Y a-t-il des mesures que l’on peut mettre en œuvre rapidement ?

Il faut que l’on redonne déjà ne serait qu’un cadre, au niveau de la tenue par exemple, la tenue correcte. Après, on a aussi les patrons qui nous disent qu’ils aimeraient bien que l’école apprenne à s’habiller correctement. Lors des entretiens d’embauche, ils voient encore très souvent des gens venir en claquette, avec une capuche. Si on ne leur apprend pas ça, comment voulez-vous que dans le monde du travail ils fassent autrement et soient reçus à un entretien d’embauche.

L’idée générale qui est donc ressortie de la réunion est la mise en place d’un groupe de travail…

Ce qui nous a rassurés aussi, c’est que le président du gouvernement a assuré qu’il voulait redonner de l’autorité à l’école, à l’enseignant, ce que l’on a connu nous. Notre génération a connu ça, nous avions le respect de l’enseignant et l’on craignait un peu tous l’enseignant parce que nous craignions nos parents derrière. Il veut absolument redonner cette autorité et estime que c’est très important de travailler là-dessus. Nous avons aussi retenu de son discours qu’il apportait tout son soutien aux enseignants. Il l’a bien répété au vice- recteur et à la directrice de DENC (direction de l’enseignement de Nouvelle-Calédonie) qu’il était important que les supérieurs hiérarchiques soutiennent les enseignants et c’est un point important.

Avez-vous justement le soutien des parents d’élèves. Parmi les manifestants devant le gouvernement, il y a des membres de l’association des parents d’élèves du lycée Lapérouse…

On les remercie d’ailleurs. On ne sait pas s’il y en a d’autres mais en tout cas cette APE s’est présentée pour nous dire qu’elle soutenait notre mouvement. Il faut le dire, ces élèves qui posent problème sont une minorité et je pense que même si les parents d’élèves ne sont pas là, ils soutiennent ce mouvement et les élèves aussi. Ils le disent eux aussi, ils sont choqués par ce qui se passe dans les établissements. Donc même si les parents et les élèves ne sont pas là, je pense que quelque part, ils sont victimes de ces agressions et soutiennent ce mouvement.

Hasard du calendrier ou pas, Hélène Iékawé présentait les détails des mesures concrètes du nouveau projet éducatif au moment où vous rencontriez le président du gouvernement. En attendez-vous quelque chose sur le plan des violences scolaires sur un plus long terme ?

Oui, nous en attendons beaucoup de ce projet éducatif ne serait- ce que sur le décrochage scolaire. Le décrochage fait partie de ce qui entraîne la violence. Parce que les gamins qui ne sont pas à l’école un moment donné ils sont aussi dans la rue. Dans ce projet, on parle beaucoup de décrochage scolaire, de lutte contre l’absentéisme et on espère vraiment que les mesures proposées par le projet vont être mises en place et qu’il y a aura vraiment des résultats sur le terrain. Après, ce sont des résultats à long terme car dans le projet éducatif on ne met plus de pansement. On réagit dès le début de la scolarité, dès l’école maternelle. On peut déjà cibler les enfants pour lesquels on sait qu’il y aura des risques de décrochages scolaires à un moment donné. Et du coup, de prendre à la racine, cela va certainement porter ses fruits et l’on aura dans les années à venir moins ce problème-là.

Avant cela, vous attendez davantage de moyens pour agir à plus court terme ?

C’est clair qu’il faut davantage de moyens. Dans les établissements du second degré, on a, par exemple, un quota de surveillants par rapport à un nombre d’élèves. On n’aime pas trop cette manière de dispatcher les surveillants. Ici vous avez 120 élèves vous avez droit à un surveillant, ici 240, vous avez le droit à 2. On ne peut pas réfléchir comme ça. Il faut aussi prendre en compte la situation des établissements. La situation géographique, les milieux sociaux des élèves, il faut aussi que l’on joue là-dessus.


Le nouveau projet éducatif à l’heure de la mise en œuvre

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Après des années de travail, le projet éducation calédonien est arrivé à sa dernière phase. Les élèves verront des différences dès la rentrée 2017 mais avant cela, le texte devra être approuvé par les élus du Congrès le 16 octobre prochain.

Après plus de 100 réunions et plusieurs années de travail, l’adoption par le Congrès au mois de janvier de la philosophie de ce nouveau projet éducation, le cabinet d’Hélène Iékawé est prêt à passer aux choses sérieuses. La membre du gouvernement en charge de l’enseignement a présenté, mercredi, la charte d’application du projet éducatif. Une charte qui comprend les actions concrètes à mettre en œuvre sur trois ans mais aussi les conventions à passer avec les différents acteurs.

C’est toute l’originalité du projet que d’impliquer les acteurs. Comme la rappelé la membre du gouvernement, ce plan est le résultat de la consultation de l’ensemble des territoires calédoniens et reflète les besoins de chacun. Le projet devrait donc permettre à tout le monde de s’y retrouver. En fonction des besoins, les acteurs, communes ou encore établissements scolaires, pourront choisir les mesures prioritaires dont ils ont besoin. Sur les 17 communes où a été présenté le projet, deux ont déjà présenté leurs intentions.

Du concret dès la rentrée 2017

Mais si chacun peut mettre en œuvre des dispositifs particuliers qui devront être inscrits dans les projets d’établissement, une base commune concernera l’ensemble des établissements. C’est notamment le cas pour l’introduction d’un enseignement des fondamentaux de la culture kanak, une des premières mesures que les élèves découvriront à la rentrée 2017, sous réserve du vote par le Congrès. À partir de la 6e, les élèves auront une demi-heure par semaine dédiée à cet enseignement. Autre changement d’importance, la correction locale du baccalauréat et ce, dès l’année prochaine, du moins en partie pour commencer.

L’éventail de dispositifs qui va se décliner sur trois années est assez large et prend la forme de 36 fiches actions qui seront suivies et évaluées. En dépit de leur éclectisme, leur convergence vise la prise en compte de la diversité, de façon à améliorer la réussite scolaire de tous. Une nécessité face au constat des nombreux échecs de la politique d’éducation actuelle. Au-delà d’une meilleure prise en compte de la culture kanak à l’école, le projet vise également à inscrire davantage l’école calédonienne dans son environnement régional. Une des illustrations de cette volonté va se traduire par l’ouverture d’une section internationale au sein de deux collèges, a priori ceux de Dumbéa-sur-mer et Baudoux.

Des élèves mieux encadrés

En matière de lutte contre les violences, le plan apporte des réponses de long terme en matière de décrochage scolaire en travaillant notamment sur l’environnement des élèves. Une étude sur le transport scolaire sera ainsi menée en 2017 pour une grande réforme les années suivantes. Un observatoire de la vie scolaire sera également mis en place dès 2017 et un gros travail sera effectué sur le parcours d’orientation des élèves, sans compter que de nombreuses places de BTS seront ouvertes et permettront aux élèves d’intégrer les filières qu’ils souhaitent. La promotion de la santé à l’école et la lutte contre les addictions seront une autre des priorités dans ce domaine. Autre dispositif mis en œuvre dès 2017 : la mise en place du parcours civique scolaire. Ce parcours accompagnera les élèves tout au long de leur scolarité et prévoit l’acquisition d’un référentiel commun comme le fait que tous les élèves de cycle 2 doivent avoir visité au moins une fois le Congrès.

Le projet prévoit aussi la création de l’agence calédonienne du service civique. Cette agence doit permettre de proposer un service dès la sortie de l’école afin d’éviter aux jeunes de se retrouver en situation de traîner et de mettre un doigt dans l’engrenage de la délinquance. Le projet est donc plutôt ambitieux et sans l’engagement de l’État, il aurait probablement été d’une tout autre nature. Le protocole d’accord entre l’État la Nouvelle-Calédonie est toutefois encore en négociation et ne sera signé qu’à l’occasion de la venue de Najat Vallaud- Belkacem, la ministre de l’éducation nationale, du 25 au 28 octobre. L’État a finalement accepté de mettre deux milliards de francs en plus sur la masse salariale et doublera les budgets de formation, de façon à rendre possible la mise en œuvre du projet sur des points particuliers, comme l’inclusion pendant quelques heures d’élèves handicapés dans des classes ordinaires, par exemple. En dehors de ces mesures, c’est toute une réflexion sur la gouvernance qui est engagée. Une réflexion qui devrait conduire à plus de cohérence, notamment au travers d’un suivi des mesures et de leur évaluation.

M.D.