Usines et Ruamm : où trouver l’argent ?

L'accord du prêt pour Prony est passé au Journal officiel le 1er mars. (© Archives G.C.)

Le budget 2024 ne règle pas l’épineuse question du financement de deux contributions majeures. Hausse des cotisations, baisse des dépenses, aide de l’État… Les options devront être étudiées dans les plus brefs délais.

En 2023, la subvention annuelle d’équilibre au Régime d’assurance maladie (Ruamm) avait été particulièrement élevée : près de 10 milliards de francs. Le gouvernement a fait voter 3 milliards dans le cadre du budget de reversement (lire par ailleurs), mais ce montant nécessitera certainement un complément dans le cadre du budget supplémentaire. Après clôture des comptes 2023, Yannick Slamet, membre du gouvernement chargé du budget, pourra utiliser « 1,2 à 1,5 milliard » non dépensés. D’autres facteurs influenceront le montant du déficit à combler : adoption ou non de la réforme du Ruamm portée par l’Éveil océanien, qui doit apporter plusieurs milliards, réduction des dépenses du régime, dynamisme de l’économie et donc des cotisations sociales, etc.

Pour corser une équation déjà complexe, le sauvetage des trois usines pourrait nécessiter une intervention d’ampleur équivalente : l’État insiste pour que la Nouvelle-Calédonie participe aux 24 milliards de subvention à l’énergie, une somme très importante au regard des moyens de la collectivité. Comment financer la quote-part de 8 milliards ? Comment assurer l’équilibre du Ruamm ?

UN BUDGET « ÉQUILIBRÉ ARTIFICIELLEMENT »

Philippe Michel (Calédonie ensemble) souligne ces questions mais se refuse à critiquer le gouvernement. « Il est vrai que la Nouvelle-Calédonie doit gérer des difficultés financières [qui] rendent quasiment impossible, en un claquement de doigts, de dégager 15 milliards […] sans l’aide de l’État. » Côté nickel, le gouvernement espère mettre à profit un report d’échéances des prêts Covid, note Philippe Michel, « mais à la minute où l’on parle, aucune certitude ».

Les Loyalistes sont moins indulgents. « Le budget est équilibré artificiellement », assène Françoise Suvé. « Nous ne pouvons que regretter, une nouvelle fois, que le gouvernement nous présente un projet de budget qui n’apportera aucune relance économique et ne rétablira pas la confiance des opérateurs économiques », insiste Naïa Wateou, déplorant également la « hausse de la pression fiscale ».

« Cessez de faire croire aux Calédoniens que personne ne paiera », rétorque Veylma Falaeo. Pour l’élue de l’Éveil océanien, qui se positionne en défenseuse des services publics, les difficultés financières viennent surtout des niches fiscales et sociales votées « sans aucune évaluation ni suivi », et sans financement. « Omettre cette vérité fait partie pour certains du jeu politique », estime-t-elle.

Virginie Ruffenach, pour sa part, regrette le rejet des amendements déposés par son groupe, qui « avaient le mérite de proposer un travail en commun pour la santé, pour Enercal, pour une véritable politique de lutte contre les violences faites aux femmes ». Le Rassemblement proposait notamment de réduire le budget de Nouvelle-Calédonie Tourisme afin d’augmenter d’autant le soutien à Enercal. « Nous avons fait face à une porte close », déplore Virginie Ruffenach.

FRAIS DE DÉPLACEMENT, LE GOUVERNEMENT RÉPOND

Les Loyalistes et le Rassemblement ont lourdement insisté sur les 59 millions de francs dépensés en 2023 par les 11 membres du gouvernement, estimant le total trop élevé, demandant le détail par déplacement et par élu, et la preuve de retombées concrètes. « J’ai fait un déplacement en Métropole. J’ai obtenu 4 milliards pour le budget supplémentaire 2023 », répond Yannick Slamet. « Je crois que c’est un bon investissement », confirme Louis Mapou, pour qui les dépenses du 17e gouvernement sont « dans la moyenne ». Il précise que le moins dépensier a été le gouvernement Santa, de 2019 à 2021, avec seulement 63 millions de frais de déplacement en deux ans, dont une marquée par les restrictions de mouvement liées au Covid.

 

Gilles Caprais