Union calédonienne : Daniel Goa joue la surenchère : d’abord l’article 27, ensuite le référendum

L’Union calédonienne et l’Union progressiste mélanésienne tenaient le week-end dernier leurs premiers comités directeurs de l’année, respectivement à Pouembout et Ponérihouen. La stratégie du FLNKS s’éclaire : pousser le bouchon au maximum pour aller au bout des transferts de compétences, article 27 compris, avant d’aller au scrutin référendaire. Des divergences subsistent néanmoins…

Daniel Goa entame son discours d’ouverture par un vibrant « Cette année, le peuple kanak a rendez-vous avec son histoire », référence au référendum, bien évidemment. Pourtant, au fil de son discours, le président de l’UC n’utilisera pas une fois le mot « indépendance », mais douze fois le terme de « souveraineté » et une fois celui de « souveraineté partagée ».

L’appel du pied à Gomès

Un appel du pied au parti gomésien en réponse au nationalisme que développe actuellement Calédonie ensemble ? Possible. Une chose est sûre, en revanche, les dirigeants de l’UC doivent estimer que le mot « indépendance » pourrait effrayer un électorat que le parti espère séduire en lui parlant plutôt de « souveraineté ».

Alors, Daniel Goa la joue rassurant : « Nous cheminons sereinement vers la sortie de l’Accord de Nouméa, dit-il. Mais quelques points importants restent encore en suspens et doivent être réglés. La restitution de l’identité kanak est inscrite dans le préambule de l’Accord. » Selon lui, « elle équivaudra à notre souveraineté préalable à la fondation d’une nouvelle souveraineté partagée dans un destin commun ». Voilà une formule bien ambiguë !

Les souverainetés de l’UC

D’abord une « souveraineté préalable » ensuite, « une souveraineté partagée », qui équivaudrait donc à un accord entre deux États indépendants. Dans son esprit : la France et Kanaky. Une périphrase bien laborieuse pour parler « d’indépendance » sans la nommer directement.

Le propos s’éclaire quelques lignes plus tard : « Inscrire la souveraineté pleine et entière demeure un objectif à atteindre que l’on soit en dedans ou en dehors de l’Accord de Nouméa. » Bref, l’objectif ultime n’a donc pas changé d’un iota : le reste est affaire de vocabulaire. Par contre, cet habillage permettrait de jeter des passerelles entre les indépendantistes, qui parlent désormais de « souveraineté », et Calédonie ensemble de Philippe Gomès, qui parle, lui, de « nationalisme calédonien ». Les deux partis, opposés sur le papier, acquiesçant tous les deux au terme de « peuple calédonien ».

« Avec la mise en conformité des listes électorales et la restitution de cette identité, poursuit Daniel Goa, l’État doit finir de remplir ses obligations et nous attendons ce geste fort de sa part. » Finir le travail en quelque sorte : mais de quoi s’agit-il ?

L’article 27 avant le référendum : « un geste fort et attendu de l’État »

Réponse : « Durant cette année de sortie, nous attendons la concrétisation de l’ensemble des transferts prévus dans l’Accord, y compris celui de l’article 27 qui n’est pas négociable. » Et Daniel Goa d’ajouter : « Pour être conforme à l’Accord, il devra être réalisé avant le référendum, car il est précisé très clairement que la question portera bien sur le transfert des compétences régaliennes, ce qui implique que toutes les autres compétences prévues par l’Accord soient auparavant réalisées, y compris celles de l’article 27 et de l’Adraf. »

Le patron de l’UC laisse donc clairement entendre que sa formation pourrait ne pas participer à la consultation référendaire si l’article 27 notamment (audiovisuel, enseignement supérieur et contrôle de légalité) n’était pas transféré au préalable. En off, le plus vieux parti du territoire dit « beaucoup compter » sur la venue du Président Macron pour le « convaincre » de sa lecture de l’Accord de Nouméa. Alors que ces transferts étaient, faut-il le rappeler, « optionnels » et non « obligatoires », dans l’esprit du législateur.

Un président pour le FLNKS ?

Dans cette optique, Daniel Goa estime « temps » de ressusciter la présidence unique du FLNKS et en fera la proposition au prochain congrès du Front, prévu les 3 et 4 février, à Poum. « Des divergences persistent », reconnaît l’ancien maire de Hienghène.

On sait, par exemple, que Paul Néaoutyine et l’Uni-Palika y sont plutôt opposés, surtout si c’est un membre de l’UC qui prend la présidence. Évidemment. Idem pour Victor Tutugoro, qui réunissait le bureau politique de l’UPM à Ponérihouen. Pour lui la situation actuelle ne présente « que des avantages et moins de tensions » et surtout favorise l’expression de petits mouvements, comme le sien. Donc, pas touche !

Trois lignes pour un avenir

En définitive, on croyait que le Premier ministre, Édouard Philippe, avait parfaitement déminé le terrain avant l’arrivée d’Emmanuel Macron, toujours prévue début mai. En fait, l’UC, mais pas qu’elle, met la pression sur le président de la République pour « engranger » quelque bénéfice avant le scrutin d’autodétermination. L’Élysée doit déjà savoir, aussi, que les lignes du paysage institutionnel calédonien ont bougé. Et que désormais, on y dénombre trois composantes. Deux seraient compatibles : les indépendantistes du FLNKS, prêts à partager la souveraineté, et les nationalistes Calédonie ensemble de Philippe Gomès, prêts à y souscrire aussi (mais est-ce l’avis de la plateforme ou celui de son leader ?). Les loyalistes, qui restent pour une solution dans la France, qu’incarnent les Républicains calédoniens de Sonia Backes au Congrès.


Une citoyenneté à deux vitesses ?

Dans son propos, Daniel Goa fait sienne la phrase du grand chef de Gaïca, Puiono Zeoula, lors de son discours d’accueil du Premier ministre à Lifou : « Il est temps, disait-il, que l’État rétrocède la souveraineté du pays aux grandes chefferies kanak… Il est temps de considérer les représentants authentiques du peuple kanak. Le temps est venu pour nous, État, partis politiques locaux et coutumiers, de construire ensemble une autre voie de discussion ».

Plutôt que « d’éradiquer le colonialisme », selon ses termes, le patron de l’UC cherche-t-il une revanche de l’Histoire ? Un futur où les Kanak seraient plus citoyens que les autres ? Une société de castes à la fidjienne ? On a peine à le croire. Et pourtant la souveraineté du peuple kanak est totalement contradictoire avec le concept de peuple calédonien. Alors, s’il fait clairement le distinguo entre « peuple kanak » et « peuple calédonien », chaque loyaliste devrait raisonnablement s’inquiéter. D’autant que la Constitution ne reconnaît qu’un seul peuple : le peuple français.

L.N.