Une situation très fragile, les Calédoniens appelés à la vigilance

Alors que les mesures de confinement ont été assouplies lundi, les autorités du gouvernement n’ont cessé depuis d’appeler la population à la prudence. La situation du Médipôle reste particulièrement tendue.

S i les Calédoniens ont recouvré un peu de leur liberté, « les mesures d’adaptation prises par le gouvernement ne doivent pas nous inciter à faire n’importe quoi, a prévenu lundi le porte-parole de l’exécutif Gilbert Tyuienon. La maladie est toujours présente. Et les indicateurs que surveille le gouvernement, à savoir le taux d’incidence, le niveau de vaccination et surtout le taux de saturation du système hospitalier, nous conduisent à appeler la population à la prudence et au respect des gestes barrière. »

De fait, les conséquences de cette semaine à haut risque, puisque potentiellement synonyme de relâchement, seront scrutées de près. « La portée de ces mesures nous permettra de prendre une décision pour la suite dans un sens ou dans l’autre », a précisé Gilbert Tyuienon. Mardi, Yannick Slamet réitérait : « Il ne s’agit pas d’un déconfinement, mais d’un confinement adapté. »

 

Pouvoir soigner aussi les non-Covid

Concrètement, le Médipôle, « bon marqueur de l’activité de l’épidémie au sein de la population » est toujours en grande difficulté. « Les projections montrent que le taux actuel de 90 % de saturation du service de réanimation, où les patients restent généralement plusieurs semaines, devrait se maintenir encore longtemps », a expliqué lundi le Dr de Greslan, président de la commission d’établissement du CHT.

Et dans ce contexte déjà très critique, l’allègement du confinement va sûrement engendrer un nouveau flux de patients non-Covid, suite à des accidents, des maladies ou des phénomènes de décompensation liées à des maladies chroniques non suivies avec de probables besoins en réanimation, mais aussi des Covid mal soignés, par peur de se rendre à l’hôpital.

Et avec 10 lits pour la réanimation non-Covid, l’offre de soins est actuellement « insuffisante ». C’est la raison pour laquelle, sollicitée par le CHT, la Nouvelle-Calédonie a officiellement demandé l’aide des services de santé de l’armée pour la réanimation. L’idée serait de pouvoir installer, au deuxième étage du Médipôle, une unité de dix lits de réanimation supplémentaires qui permettrait de traiter 30 à 60 patients sur plusieurs semaines, probablement deux mois. Reste à voir si cette mission sera faisable (lire page 4), l’armée étant déjà bien sollicitée par ailleurs.

 

Transport de malades vers la France

Dans l’intervalle, et afin de soulager immédiatement les services du CHT, un pont sanitaire aérien va donc être établi avec la France et le soutien de France Assistance. Un système d’évacuations sanitaires déjà mis en œuvre aux Antilles ou en Polynésie française.

Un avion A320 d’Aircalin est en cours d’aménagement pour le transport de cinq malades couchés en état de voyager (intubés, sous assistance respiratoire et stables, avec l’autorisation des familles), de leurs accompagnants médicaux et de quelques malades assis supplémentaires. Pour l’instant, il a été difficile de trouver des patients aptes à pouvoir faire ce trajet. Mais « cette évacuation peut notamment avoir un intérêt pour qu’ils puissent bénéficier d’une rééducation post-Covid en Métropole », a souligné le Dr de Greslan.

De fait, actuellement, les capacités de prise en charge des malades en post-réanimation sont également insuffisantes. Le CHT travaille à la mise en place d’une unité spécifique de réadaptation post-réanimation pour gérer les conséquences de la maladie. « 100 % des patients pris en charge en réanimation, 70 % de ceux en soins critiques et 20 % tous secteurs confondus auront des séquelles », a-t-il expliqué. Des séquelles qui peuvent aller de la difficulté à marcher, à monter des escaliers, à faire du sport, à respirer ou encore aux maux de tête persistants, etc. Cette rééducation précoce est jugée « nécessaire pour améliorer le pronostic des patients et éviter l’apparition des formes de Covid long ».

 

La probabilité d’une deuxième vague est redoutée par les équipes.

 


 

La peur d’une deuxième vague

En un mois, le Médipôle a pris en charge 1 300 patients. 200 environ y sont toujours dont 45 en réanimation, (avec une légère baisse ici ces dernières 24 heures). Plus de 180 y sont décédés. Tous les autres sont à présent sortis. « C’est, en soi, un bilan exceptionnel et très réconfortant quant à la bonne prise en charge des patients », a commenté le Dr de Greslan.

En réanimation, 61 lits sont dédiés aux malades du Covid et 10 aux malades hors Covid. 236 lits de médecine sont aussi réservés aux malades du Covid. Selon l’évolution des contaminations, ce quota pourrait descendre à 180 puis à 100, mais avec la possibilité de les remobiliser à la moindre alerte. « La probabilité d’une deuxième vague – le fameux rebond – est très forte et, bien sûr, redoutée par des équipes déjà sous tension et fatiguées par un mois de travail intensif. »

 

Quelques chiffres

• 225 décès ont été enregistrés depuis le 9 septembre.

• 9 665 cas ont été confirmés.

• 45 patients sont en réanimation et 223 sont hospitalisés en unité Covid sur l’ensemble du territoire.

• 71 patients sont accueillis dans les hôtels.

• Près de 8 000 personnes sont considérées comme guéries.

• Plus de 1300 patients ont été pris en charge au Médipôle en un mois.

 

Il faut se faire tester

Chaque jour, environ 200 Calédoniens sont testés positifs au Covid 19. Les médecins alertent sur le besoin de tester toute personne présentant un syndrome grippal pour à la fois isoler leur entourage, prendre en charge rapidement les malades et mesurer le niveau épidémique.

 

Chloé Maingourd (© C.M.)