Une mission test de reconstruction mammaire sans implant

Des chirurgiens de l’Institut Curie ont procédé cette semaine à des reconstructions mammaires sans prothèses (Diep) sur des patientes calédoniennes ayant subi un cancer du sein et une ablation. Un partenariat pourrait s’établir avec le CHT pour pérenniser ces missions.

L’équipe dirigeante du CHT continue de développer les collaborations avec les établissements parisiens. Après s’être rapprochée de l’Institut mutualiste Montsouris pour des missions de chirurgie cardiaque, voilà qu’une équipe de l’Institut Curie est venue réaliser six opérations de reconstruction mammaire sans implant. Ces interventions, programmables, ont en commun de nécessiter habituellement des Évasan, le volume de patients étant insuffisant pour instaurer et, surtout, maintenir la compétence localement. Dans les deux cas, quelques missions par an pourraient permettre de couvrir l’ensemble des demandes et d’offrir aux patients qui le souhaitent la possibilité d’être opérés « à la maison ».

L’Institut Curie, centre de pointe en cancérologie, collabore depuis plusieurs années avec le CHT, notamment en matière de génétique. Il accueille régulièrement des patients calédoniens à Paris et ses équipes ont apporté un appui technique pour la mise en œuvre du centre de radiothérapie. L’échange a ensuite porté sur la reconstruction mammaire. Car l’établissement propose une méthode indisponible en Nouvelle-Calédonie : la méthode « Diep » ( Deep Inferior Epigastric Perforator Flap ou lambeau de vaisseaux perforants épigastriques inférieurs). Cette opération, pratiquée à l’Institut « deux à cinq fois par semaine », consiste à reconstruire le sein en utilisant un lambeau de peau et de graisse voire de muscles peu utiles prélevés sur l’abdomen avec le système vasculaire associé, c’est-à-dire l’artère et la veine. Ils sont en quelque sorte « rebranchés » sur ceux de la paroi thoracique.

L’intervention présente l’avantage de pouvoir reconstruire un volume important, en n’utilisant que les tissus de la femme et non des prothèses. Au bout de quatre ou cinq jours d’hospitalisation, la patiente peut généralement rentrer chez elle. Le résultat est souvent plus naturel, plus satisfaisant et nécessite moins d’interventions ultérieures. Mais peu de chirurgiens pratiquent ce type de techniques nécessitant une grande expertise en microchirurgie. Les opérations imposent également de disposer d’un bloc opératoire au moins durant quatre heures, d’une importante équipe de chirurgiens et paramédicale aguerrie à la surveillance des suites opératoires. Quoi qu’il en soit, « vous ne pouvez pas développer les mêmes niveaux de technique avec 150 cancers du sein par an que quand vous en avez trois à quatre mille, comme c’est le cas à l’Institut Curie », résume le professeur Fabien Reyal, chef de service de chirurgie sénologique, gynécologique et reconstructrice.

Offrir plusieurs options

Après une ablation du sein, ou mastectomie, en Nouvelle-Calédonie, la moitié des patientes ne se font pas reconstruire. Peut-être y en auraient-ils davantage si elles avaient plus d’options. Ici, seule la pose d’un implant mammaire, parfois associé à un lipo-modelage, est proposée. L’opération est réalisée par deux chirurgiens, de chirurgie plastique, esthétique et réparatrice. Certaines femmes ne souhaitent pas porter de corps étranger, mais si elles veulent recourir à une opération sans implant, elles doivent partir en Métropole et beaucoup ne franchissent pas le pas d’un si long voyage et d’un tel dépaysement.

L’idée est donc d’offrir le choix à toutes les femmes, toutes les communautés et milieux sociaux, de répondre à toutes les envies, explique le docteur Erick Camus, chef du service de gynécologie du CHT, qui a œuvré pour la mise en œuvre de cette collaboration. Cette mission aux antipodes rentre par ailleurs parfaitement dans les préceptes de l’Institut Curie dont la « responsabilité » est de « participer à une médecine de qualité et de don », selon le professeur Fabien Reyal qui brandit « l’égalité d’accès à des soins de qualité en Nouvelle-Calédonie ». « Idéalement nous souhaiterions quelque chose de pérenne qui se fasse tous les six mois », ajoute-t-il.

Car cette mission ne constitue qu’un essai. S’il faut effectivement mesurer son impact social, il s’agira surtout de voir comment le projet peut tenir économiquement. La Cafat ne serait pas friande de ces missions dont le risque est de coûter plus cher que les Évasan. Mais selon la direction du CHT, la Cafat ne serait pas non plus très favorable aux Évasan pour les reconstructions mammaires alors qu’elles font pourtant partie intégrante du parcours des femmes victimes d’un cancer du sein. D’ici la mi-novembre, le CHT aimerait obtenir les bases du « plan santé » du gouvernement et d’un « plan cancer » local qui pourrait justement définir quels types de soins la Calédonie doit procurer.


Une appli et un espace patient

Les membres de l’Institut ont profité de leur passage en Nouvelle-Calédonie pour tester deux projets. La mise en place d’un espace patient au CRNC, centre de radiothérapie, géré par la Ligue contre le cancer.

Une application mobile d’aide à la décision en matière de reconstruction a également été expérimentée. Elle se base sur le type de corps, l’hygiène de vie, etc. Selon l’Institut Curie, certaines femmes ne se font pas reconstruire par manque de connaissances sur ce qu’il est possible de faire et la communication est essentielle.


En chiffres

150 cancers du sein chaque année en Nouvelle-Calédonie.

50 mastectomies.

20 à 25 reconstructions mammaires.

C.M.