Un référendum sous haute sécurité

A French police officer stands guard on the side of a road in Mont-Dore, a suburb of Noumea, in New Caledonia, on May 25, 2014, after the road was blocked by local residents the night before. Angry residents from the Saint Louis tribal group created roadblocks overnight to protest the pollution caused by a nikel mine run by the Vale company. After calling for backup French police were able to clear the roadblocks in the morning but a police officer suffered a gunshot wound in the process. AFP PHOTO / FRED PAYET (Photo by Fred PAYET / AFP)

Alors que les indépendantistes restent fermes sur leur volonté de ne pas participer au référendum s’il était maintenu au 12 décembre, l’État fait preuve de la même détermination pour le préparer. Les forces de sécurité ont fait le point vendredi 22 octobre sur l’important dispositif prévu pour cette période.

Jusqu’à début décembre, 2 000 renforts humains vont arriver. Ils sont constitués de 1 400 gendarmes dont 15 escadrons de mobiles, une composante d’intervention spécialisée (GIGN), 60 enquêteurs, environ 100 policiers et 250 militaires, en plus des forces de l’État déjà présentes sur le territoire (600 gendarmes, 500 policiers, 1 500 militaires).

Du matériel est également acheminé : 160 véhicules, 30 engins blindés de type VBRG, deux hélicoptères Puma, un avion Casa, le Bougainville pour remplacer le D’Entrecasteaux, des équipements d’information et de communication, 110 bases radio numérique, du matériel de protection individuelle. Voilà pour l’impressionnant dispositif.

« La troisième consultation est particulièrement regardée, a précisé le haut-commissaire, Patrice Faure. Et l’État se tient prêt pour assurer un déroulé sincère et sécurisé du scrutin. » L’opération permettra par ailleurs de lutter plus efficacement sur cette période contre la délinquance du quotidien, mais aussi de renouveler l’équipement des forces de sécurité intérieure, comme s’y était engagé le gouvernement.

« Pas un envahissement, mais un renforcement »
Cette manœuvre, qui est largement montée en puissance par rapport aux précédents scrutins, a nécessité « un travail de très longue haleine qui a commencé depuis plus d’un an », a expliqué Patrice Faure. Concrètement, il faut s’attendre à voir « bleuir le territoire de manière ponctuelle », selon le haut-commissaire, qui tient à préciser que ce n’est « pas un envahissement, mais un renforcement ». La mission principale des forces de sécurité intérieure sera le maintien de l’ordre public et de la sécurité des Calédoniens.

Les renforts de gendarmerie, qui sont les plus nombreux, participeront largement à ces actions. « Ce n’est pas un scrutin classique au regard des enjeux et des attentes (…) Nous avons estimé qu’il était nécessaire d’avoir un dispositif bien plus important en volume et en capacité avec un effort notoire sur le centre et le sud du territoire », souligne le général Christophe Marietti, ancien patron de la gendarmerie, qui commande l’opération de sécurité du référendum.

La gendarmerie devra pouvoir faire face à des évènements inhabituels et être en mesure d’empêcher toute propagation des troubles s’ils devaient survenir. Elle va notamment mettre en place un dispositif sécuritaire renforcé aux abords des bureaux de vote afin de s’assurer du bon déroulement du scrutin. Et elle sera présente, avec des missions quotidiennes accrues pour « rassurer la population et garantir la sérénité », selon le colonel Spinetta, commandant de la gendarmerie. Le dispositif pourra au besoin être maintenu dans le temps.

Le colonel Fabrice Spinetta, commandant de la gendarmerie en Nouvelle-Calédonie, le général Christophe Marietti, commandant les forces de gendarmerie pour le dispositif de sécurité du référendum, et le général Valéry Putz, commandant supérieur des forces armées.

« Calme et sérénité »

La Direction territoriale de la police nationale déploiera également ces missions à Nouméa. Elle fera monter en puissance ses effectifs début décembre avec des patrouilles de la brigade anti-criminalité pour lutter contre la délinquance, les violences urbaines « afin d’aborder le scrutin dans un climat de calme et de sérénité », explique le commissaire général, Jean-Marie Cavier. Partout sur le territoire, une vigilance particulière sera apportée aux sites sensibles, notamment à l’aéroport de La Tontouta.

Enfin, les forces armées de Nouvelle-Calédonie auront pour mission « dans le cadre légal habituel » de soutenir et appuyer les forces de sécurité intérieure sur le maintien de l’ordre public tout en assurant leurs missions de souveraineté et d’appui à la population. « Les Fanc ne se substitueront pas aux forces de sécurité intérieure », a précisé le général Valéry Putz, c’est-à-dire que le maintien de l’ordre public reste du domaine de la gendarmerie et de la police.

Les Fanc participeront ponctuellement aux opérations de vote par exemple pour le rapatriement des délégués. À noter qu’un détachement de la Sécurité civile sera par ailleurs acheminé pour, en cas de besoin, apporter du secours à la population. Il y aussi des capacités renforcées au niveau judiciaire. Et des cellules de cyberdéfense seront activées pour lutter contre les ingérences étrangères, mais aussi la manipulation de l’information, les appels à la haine sur le net.

Interrogé sur la préparation de l’échéance et d’éventuelles inquiétudes, le haut-commissaire a fait savoir que, logiquement, plusieurs scénarios avaient été travaillés, « jusqu’aux plus terribles ». Mais il dit ne pas craindre de tels troubles, les parties ayant « fait la preuve de leur volonté d’agir dans la paix et le respect des uns et des autres ».

« Il n’y a aucune raison que le référendum se passe mal » assure le haut-commissaire, qui souhaite faire œuvre de « transparence ». Il indique que les élus, les coutumiers sont au courant de longue date de ce dispositif.


Une attention sur les bureaux de vote

Compte tenu de la polémique sur les agissements observés en 2020 aux abords des bureaux de vote, une attention particulière sera observée sur ce point. Ainsi, tous seront visités ces prochaines semaines avec les représentants politiques et municipaux. Des barrières ou des interdictions d’accès pour les voitures pourront être mises en œuvre.

Patrice Faure a profité de rencontrer la presse pour une mise au point sur ce qu’il était permis de faire ou non. « Il n’y a aucune loi qui interdit de brandir un drapeau et donc je n’interdirai pas à des enfants, des familles, des adultes d’en agiter. Pour autant, il est hors de question que l’accès à des bureaux soit obstrué par une sorte de manifestation populaire (…) Il sera aussi interdit tout affichage des couleurs à l’intérieur. »

Au total, le 12 décembre, 243 bureaux de vote accueilleront les électeurs. Un travail a été effectué à Nouméa pour désengorger les sites. Trois espaces délocalisés sont prévus à Ko We Kara (pour Lifou), salle Anewy (Maré et l’île des Pins) et salle Ernest-Veyret à Rivière-Salée (Ouvéa et Bélep). 250 délégués de la commission de contrôle seront répartis sur l’ensemble des structures.


Trois milliards de francs injectés dans l’économie

La manœuvre est organisée de façon à ne pas interférer sur la vie socio-économique du territoire, font savoir les responsables. Les renforts sont affrétés par des vols spéciaux contractualisés avec Aircalin. Le soutien sanitaire sera réalisé par le Service de santé des armées et le soutien de proximité, autant que possible par des moyens propres pour ne pas peser sur la capacité hôtelière en période de crise.

Rien que pour la partie gendarmerie, trois milliards de francs seront directement injectés dans l’économie locale. Les renforts humains sont tous vaccinés et soumis aux règles sanitaires en vigueur.

C.M.

©C.M./DNC

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