Un hip-hop endémique fier de son identité

Les associations Caba et Résurrection Crew organise l’événement Battle 125 à la tribu de Tchamba, samedi 19 août. Les six générations qui ont construit le mouvement calédonien seront donc réunies. Plus qu’une simple manifestation, le rendez-vous a vocation à réfléchir sur l’avenir du mouvement et tracer la voie pour un hip-hop endémique, mélange de tradition et de modernité.

L’âge de la maturité ou nouvelle naissance ? Le mouvement hip-hop calédonien a, dans tous les cas, bien grandi. Né dans les années 80, pendant les Evénements, il voit actuellement pousser en son sein la sixième génération de danseurs, rappeurs et graffeurs. A l’époque, les grands frères sont largement influencés par l’émission télévisée H.I.P.-H.O.P. sur RFO. Elle sera à l’origine de la diffusion de cette culture, qui n’est pas encore reconnue comme telle, dans les quartiers populaires de Nouméa.
Après quinze années à couver, le hip-hop calédonien sort des quartiers pour se structurer. Le festival Equinoxe, en 2000, est une date importante à partir de laquelle de grands noms de la scène internationale comme Storm ou encore K-Fik sont devenus des références. Les associations se créent et permettent l’explosion de cette culture née dans le béton des ghettos new-yorkais. En Calédonie, le chemin est assez différent. Au début des années 2000, le groupe Lorena, à l’origine de Luecilla 3000, mais aussi du groupe Yanes, dessine les bases d’un hip-hop qui mélange déjà le tchap et le rap.

Lié à la coutume
La prise de conscience des institutions, de la mairie de Nouméa d’abord, puis de la province Sud, de la vague de fond marque une nouvelle étape. A partir de 2005, puis 2008-2009, les aides des collectivités donnent une nouvelle dynamique aux associations. Au-delà de la danse, la mairie pousse les jeunes à se former à la médiation. Plus qu’un simple mouvement artistique, le hip-hop commence à revendiquer ce qu’il était dès l’origine : un mouvement culturel qui contribue de façon importante au développement du pays, en particulier auprès de la jeunesse, parfois en mal de reconnaissance des aînés et pratiquant de fait l’interculturalité.
Vient ensuite le temps des premiers grands rendez-vous qui deviendront la Quinzaine du hip-hop et le début des départs pour la Métropole à l’occasion du Battle of the Year. Pour les Calédoniens, c’est le moment d’affirmer un « hip-hop endémique » qui, comme à l’origine, mêle des passes d’une danse très urbaine au tchap traditionnel. Si le lien a toujours existé, le mouvement hip-hop veut désormais formaliser, en quelque sorte, cette relation particulière qui existe entre lui et la coutume. A l’occasion de la dernière Quinzaine du hip-hop, un grand geste a ainsi été présenté à la chefferie Drubea-Kapumë. Une édition au cours de laquelle une causerie a été organisée autour de la question de l’existence d’un hip-hop calédonien.

Un laboratoire pour construire le hip-hop de demain
De nombreux projets ont vu le jour dans la foulée et notamment un premier travail de reformulation de la légende de Téâ Kanaké, en partenariat avec le chorégraphe Richard Digoué, et avec l’idée de marcher dans les pas de Melanesia 2000. En janvier dernier, des membres du groupe Résurrection Crew se rend à la Tchamba afin de présenter le projet. Un projet qui doit se tenir à la tribu de Ponérihouen pour rendre hommage aux clans à qui appartient la légende. La vocation de Battle 125 est d’aller encore plus loin dans la démarche de reformulation en proposant une résidence pendant une semaine à la Tchamba, en compagnie d’enfants, mais aussi des groupes qui ont construit le mouvement et continue de le construire.
« Notre volonté est de créer la matrice de ce que pourrait être notre mouvement en 2050, avance Hassan Xulue, un des initiateurs du projet et personnage incontournable du mouvement hip-hop et plus largement de la culture calédonienne. Un travail sera mené autour, du funk, du jazz, du kaneka ou encore du ae-ae. Nous voulons créer un nouveau concept dans ce laboratoire qu’est le chemin kanak version 2.0 ». Le spectacle sera présenté la veillele rassemblement du samedi 19 août, mais la finalité est de pouvoir être prêt pour les 30 ans de l’ADCK, en 2018. Une manière de retourner le geste présenté par Emmanuel Tjibaou au mouvement hip-hop à Rivière-Salée, à l’occasion des 40 ans de Melanesia 2000.