Parc de la mer de corail : Un consensus à trouver

Les acteurs locaux du parc naturel de la mer de Corail ont adopté mardi un projet de plan de gestion contenant les grands objectifs du comité en matière de gouvernance, de protection et d’utilisation raisonnée du parc. Un consensus doit encore être trouvé avec les pêcheurs et les ONG sur la mise en réserve intégrale de zones supplémentaires…

Après un an et demi de travaux, les 32 membres du comité répartis en quatre collèges (institutions, coutumiers, acteurs sociaux professionnels, société civile et ONG) ont validé le projet de plan de gestion du Parc, un document « stratégique » décrivant les grands objectifs à atteindre dans les cinq prochaines années (2017-2021). Est désormais inscrite noir sur blanc la volonté de protéger un patrimoine naturel et culturel dont la Nouvelle-Calédonie est « dépositaire » non seulement pour sa population mais à l’échelle de la planète puisque cette zone énorme de 1, 3 millions de km2 qu’est notre ZEE contient 30 % des récifs vierges de la planète (sachant qu’il n’en reste qu’1,5 % de la sorte dans le monde).

Autre volonté gravée dans le marbre, celle de garantir et d’accompagner des usages responsables, en clair de soutenir un développement économique tant qu’il est responsable ou encore la volonté d’œuvrer pour que les bonnes pratiques que nous avons ici soient appliquées à terme au-delà de notre zone, à une échelle régionale.

« Ajustements »

Des propositions ont été faites sur les zones de protection supplémentaires  à mettre en place dans le parc naturel de la mer de Corail sachant qu’à l’heure actuelle, seul Entrecasteaux est classé réserve intégrale. Un consensus a été trouvé sur une zone de 46 421 km2 précisément qui comprend le plateau des Chesterfield, des Bellona, le banc de Lansdown, le récif Pétrie, les récifs de l’Astrolabe, mais aussi Walpole, Matthew et Hunter. Mais certains points précis restent en discussion.

Les ONG veulent protéger intégralement toutes les parties émergées jusqu’à 12 milles nautiques (22,2 km) alors que les pêcheurs s’intéressent aux zones situées à 1 000 m isobares autour des endroits sur lesquels ils se sont accordés et les 12 nautiques. Pour cause : c’est là qu’ils pêchent le thon jaune, pilier économique du secteur.Les professionnels de la pêche réclament également de la « souplesse » dans le temps. Aujourd’hui, en effet, il est envisagé de mettre sous cloche toute la zone située au sud-est, sous prétexte qu’ils n’y travaillent pas actuellement. Eux soulignent qu’ils pourraient être amenés à le faire un jour si les conditions de pêche évoluaient…

Étendre les bonnes pratiques à la région

Un autre travail à faire, dans la durée cette fois, c’est que les bonnes pratiques de pêche appliquées ici (lire encadré) le soient aussi chez nos voisins, dans la grande mer de Corail en particulier, les ressources migratrices étant par définition partagées. À l’heure actuelle, des pays comme le Vanuatu, les îles Cook ou la Papouasie, qui n’ont pas notre développement économique, vendent des droits de pêche, voire des jours de pêche aux armateurs étrangers venus du Vietnam ou de Chine. Le gouvernement calédonien parle de « braconnage organisé ». Il faut dire que les proportions sont énormes : les 2 800 tonnes de capture effectuées par an en Nouvelle-Calédonie (60 % de thon) peuvent être autorisées sur une seule licence ailleurs et sur toutes les espèces..

Ces pays de la région n’ont pas les règles que nous avons : une pêche hauturière labellisée « responsable », des navires suivis en temps réel par GPS, le contrôle du produit de la pêche, la pêche à la palangre horizontale (« 1 hameçon, 1 poisson ») (et non des filets qui ratissent large), la limitation des licences (à 21). L’idée du comité serait d’apporter un « élan », une « expertise », de « trouver des accords politiques ». Et surtout de trouver des moyens auprès de la communauté internationale, l’Europe en première ligne, pour aider à sécuriser l’espace maritime de la région et préserver la ressource dans la durée, une ressource si chère et importante au cœur des habitants du Pacifique. Une série de plates-formes régionales a déjà été identifiée pour porter le message de la Nouvelle- Calédonie (FIP, Fer de lance, Unesco…).

Le comité de gestion du parc naturel de la mer de Corail prévoit de créer deux nouveaux collèges : un collège régional qui s’occupera justement de ces questions et un collège scientifique qui pourrait se pencher notamment sur les façons d’attirer la recherche internationale, génératrice de retombées économiques.

Sensibilisation

Une fois ce document stratégique entériné, un plan d’action sera établi chaque année avec différents secteurs. La première année pourrait concerner par exemple, en priorité, l’accompagnement aux pêcheurs « qui ont déjà bien avancé », la suivante, le tourisme… Et il s’agira en même temps, selon l’exécutif, de « sensibiliser les Calédoniens sur la ZEE, un patrimoine mal connu, à forte valeur environnementale et économique ». Le public aura l’occasion d’en apprendre davantage sur les ambitions du territoire lors de la présentation, en février prochain, de la mouture finale du plan de gestion qui rassemblera tous les sujets évoqués ci- dessus. Il pourra soumettre son avis et ses propositions.


La pêche locale jugée « exemplaire » dans la région

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La pêche hauturière locale représente actuellement 624 emplois directs et indirects pour un volume de 2 800 tonnes de capture par an, dont 30 % de la production est exportée principalement au Japon et en Europe. Elle se concentre ici sur les pélagiques comme le thon blanc, trois types de marlin, le saumon des dieux… Depuis 2013, six armateurs, regroupés au sein de la Fédération des pêcheurs hauturiers, sont intégrés dans la démarche « Pêche responsable », un label, renouvelé tous les trois ans, qui permet aux entreprises certifiées de garantir, au- delà de la réglementation en vigueur, une bonne gestion de la ressource, une pêche respectueuse de l’environnement (déchets jetés à quai, huiles pompées, etc.), des règles d’hygiène (ex : produits bio pour le nettoyage) et de traçabilité garantissant la qualité des produits et des bonnes conditions de travail et de sécurité à bord, le tout impliquant souvent de gros investissements matériels. Face à la pression exercée sur les ressources marines à l’échelle régionale, la filière hauturière revendique également un rôle de sentinelle du parc naturel de la mer de Corail puisqu’elle rapporte tout ce qu’elle pourrait y trouver d’anormal ou d’illégal. Cette bonne gestion des armateurs a été saluée récemment lors de la réunion annuelle de la commission des pêches du Pacifique central et occidental à Fidji. La Nouvelle-Calédonie figure d’ailleurs au rang des rares pays qui ont été déclarés conformes à l’intégralité des règles de gestion établies par cette commission.


Et la prospection minière ?

C’est un point sensible et particulièrement discuté entre les différentes parties impliquées. Doit-on laisser faire ou au contraire interdire les prospections d’hydrocarbures ? Pour l’instant, aucune porte n’est fermée et cette décision, si elle devait être prise, dépendrait du Congrès. « Des recherches ont lieu et les richesses en sous-sol sont connues même si elles ne sont pas quantifiées », a commenté le président du gouvernement, Philippe Germain. « Maintenant, en ce qui concerne le comité, il s’agit de connaître la richesse des fonds marins que l’on a à découvrir sur toute cette zone pour peut-être démontrer que la préservation a plus d’intérêt, y compris économique que l’exploitation », ajoute-t-il.

En gros, il s’agit de mieux comprendre les enjeux et les risques liés à l’exploration des ressources profondes avant d’envisager des prospections ou explorations géologiques. Ici, les pêcheurs ont fait remarquer qu’ils souhaitaient que tout le monde suive les mêmes règles du jeu. Comment imaginer en effet d’autoriser la prospection, tout en posant des restrictions sur la pêche…


Quelques objectifs

Sanctuariser les récifs isolés

Développer un réseau de réserves naturelles ou intégrales

Lutter contre les espèces envahissantes

Créer ou renforcer les statuts de protection de certaines espèces patrimoniales, rares et migratrices.

Porter une attention privilégiée aux espèces emblématiques

Recenser et préserver le patrimoine culturel matériel (épaves, ruines, vestiges, archéologiques et industriels).

Encadrer la fréquentation des particuliers, prise en compte de la grande plaisance en développement.

Encadrer l’activité de pêche lagonaire.

Interdire la pêche récifale et profonde.

Adapter la circulation maritime aux enjeux.

Prévenir les risques de pollution et lutter contre les pollutions.

Encadrer et valoriser les activités de recherche et de prélèvement de matériel biologique au profit de la Nouvelle-Calédonie.

Faire connaître et reconnaître le parc dans les instances internationales.

 

C.Maingourd