Un accord, de tous leurs voeux

Les députés Tematai Le Gayic, Davy Rimane et Philippe Gosselin publieront un rapport sur la Nouvelle-Calédonie en avril.© Y.M.

Les députés de la mission d’information sur l’avenir institutionnel des outre-mer et les sénateurs de la commission des lois souhaitent voir un accord se dessiner entre politiques calédoniens, gage de stabilité pour le futur.

Les uns ont passé plus de 50 heures en audition dans les trois provinces, à Nouméa, Koné et Wé. Les autres ont multiplié les entretiens, 26 au total, le temps d’un séjour express limité à un week-end. Tous, les députés de la mission d’information sur l’avenir institutionnel des outre-mer et les sénateurs de la commission des lois, ont appelé de leurs vœux, la semaine passée, à un accord entre politiques calédoniens sur les dispositions futures.

Et en premier lieu, sur le corps électoral provincial. Parce que, l’histoire du territoire, avec son lot de drames, l’a démontré : la discussion « c’est la méthodologie depuis plus de 30 ans, il faut la garder », a insisté Philippe Gosselin, député Les Républicains de la Manche.

Ce thème du dégel du corps électoral, seul objet d’un projet de loi constitutionnelle, est ultrasensible, et « il ne faut pas contraindre, il ne faut pas provoquer », prévient son collègue Nupes de Guyane, Davy Rimane, par ailleurs président de la délégation aux outre-mer à l’Assemblée nationale. Si, après l’examen du Sénat le 26 mars, et de l’Assemblée nationale le 13 mai, « le Parlement français tranche » en Congrès à Versailles, « il y aura des heureux et des déçus malheureusement. Et ensuite… ? ».

L’État propose une révision du corps électoral provincial gelé au 8 novembre 1998. À la lecture de son texte, les électeurs qui, inscrits sur la liste électorale générale de Nouvelle-Calédonie, y sont nés ou y sont domiciliés depuis dix ans, pourront prendre part au prochain scrutin. Cette éventuelle modification irrite les bancs indépendantistes, notamment les membres de l’aile dure de l’Union calédonienne.

Pour le député polynésien Nupes Tematai Le Gayic, il faut donner le temps de la discussion, afin que « la solution soit calédonienne et non parisienne ». Et donner du temps au temps « ce n’est pas jouer la montre », avance le confrère Philippe Gosselin, très inquiet de la dégradation de l’environnement économique et d’un possible télescopage des difficultés de premier ordre.

Si, d’après la délégation sénatoriale, la démocratie doit fonctionner par le vote et un dispositif de secours doit être prêt en l’absence d’une solution concertée, toutes les questions inhérentes au présent et à l’avenir du territoire méritent d’être traitées dans la recherche d’un accord global. Le Républicain Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois, pense à « l’évolution du statut et des institutions calédoniennes », aux « modalités de l’exercice du droit à l’autodétermination » ou encore à « l’évolution du corps électoral ».

Entouré de Corinne Narassiguin, Philippe Bas et Philippe Bonnecarrère, le sénateur et président
de la commission des lois François-Noël Buffet veut donner les meilleures chances à la possibilité d’un accord.© Y.M.

« La suspension du débat »

L’État a néanmoins posé un calendrier très serré. La révision constitutionnelle entrera en vigueur le 1er juillet, sauf si un accord politique a été conclu entre les partenaires avant cette date. Et les élections provinciales pourront être programmées le 15 décembre au plus tard, au lieu de mai.

Toutefois, « si les parties reprennent sérieusement leurs discussions, le gouvernement proposera la suspension du débat constitutionnel pour qu’un accord puisse prévaloir », a indiqué le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer Gérald Darmanin, le 12 mars, devant la commission des lois de l’Assemblée nationale. Autrement dit, l’examen du texte à valeur constitutionnelle par le Parlement pourrait être repoussé, le président de la République ayant toute liberté à ce niveau.

Le positionnement des différents groupes au Sénat donnera d’ailleurs à l’exécutif une indication sur la majorité requise des 3/5e des parlementaires réunis en Congrès à Versailles. Selon le Conseil d’État, les élections provinciales peuvent être de nouveau reportées, au plus tard au 30 novembre 2025. Si et seulement si les politiques calédoniens s’entendent.

« Nous avons tous les moyens juridiques, s’il y avait un accord, à quelque date que ce soit, de voter une loi organique qui permettrait de reporter, dans une mesure limitée, les élections », confirme le sénateur Philippe Bas, qui a annoncé vouloir formuler des propositions en ce milieu de semaine. Les députés de la délégation sont eux décidés, à leur retour à Paris, à auditionner le ministre Gérald Darmanin. « Nous avons des questions précises à lui poser. »

Yann Mainguet 

Pas de « votes politiques »

L’hémicycle de l’Assemblée nationale était bien vide lundi pour le vote du projet de loi organique dédié au report des élections provinciales. Quelques jours plus tôt, à Nouméa, l’élu guyanais Davy Rimane n’avait pas mâché ses mots. « Je ne veux pas que le Parlement tranche » le projet de loi constitutionnelle, « parce que les trois-quarts des députés ne connaissent rien des territoires d’outre-mer ». Le risque ? « Des votes politiques ! Les députés ne prendront pas le temps d’en savoir plus. »