Même parti, différentes intentions

Des dossiers portés par l’UNI Louis Mapou ou les UC Gilbert Tyuienon et Mickaël Forrest ont reçu récemment un accueil réservé de leurs groupes dans l’hémicycle. © Archives / Y.M.

Le décalage d’opinions sur des textes entre des membres indépendantistes du gouvernement et leurs groupes politiques respectifs au Congrès interroge, à l’heure où les urgences fleurissent.

Les gouvernements Martin et Ligeard ont connu l’amère expérience. L’audience est cette fois particulière, vu les forts enjeux à Nouméa et à Paris. Mercredi 3 avril, le projet de pacte sur le nickel défendu par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, est examiné au Congrès. Le président UNI du gouvernement, Louis Mapou, déclare à la tribune être prêt à signer le document, avec l’État, les métallurgistes et les provinces. « De quoi avez-vous peur ? », lance le chef de l’exécutif à ses troupes dans l’hémicycle. Auteurs d’une motion préjudicielle, les groupes indépendantistes ainsi que Calédonie ensemble et l’Éveil océanien renvoient en fait le texte en commission pour une révision.

Jeudi 2 mai, les membre UC du gouvernement en charge respectivement de la fiscalité et de la promotion internationale du tourisme, Gilbert Tyuienon et Mickaël Forrest, présentent le projet de loi du pays qui instaure la taxe sur l’activité de croisière.

Après deux heures d’attente, un amendement soutenu par Les Loyalistes et Le Rassemblement mais aussi l’UC-FLNKS et Nationalistes et l’UNI corrige l’affectation du produit : un fonds de développement et de promotion du tourisme de croisière est créé et les provinces sont ajoutées dans la liste des bénéficiaires.

Ces épisodes témoignent d’un décalage, dans des dossiers récents, entre l’intention du représentant de l’institution collégiale et celle de son groupe de cœur au Congrès. « Nous arrivons [au sein de l’hémicycle] avec une dynamique globale », a souligné l’UC Mickaël Forrest lors de la séance sur la taxe croisière. « Concernant l’avis du gouvernement sur les amendements, nous restons à notre devoir d’exécutif. Nous suivrons les décisions de l’assemblée. »

Un respect en quelque sorte de la procédure institutionnelle. En l’absence de terrain d’entente au sein d’une majorité d’élus du Congrès, une motion préjudicielle aurait été posée sur la table. Avec le risque de repousser le vote du projet de loi du pays à une date inconnue.

Posture d’équilibre

Quant au pacte sur le nickel, « le gouvernement central met la pression sur celui de la Nouvelle-Calédonie pour le signer rapidement » estime, en son nom personnel, l’UNI Jean-Pierre Djaïwé. « Or, nous ne pouvons pas l’adopter en l’état. » L’apport voulu de 8 milliards de francs par le territoire est un point bloquant, tout comme l’ouverture des réserves géographiques métallurgiques à l’export de minerai brut.

L’élu indépendantiste, originaire de Hienghène, ne voit pas du tout une cassure avec ses collègues du gouvernement, mais davantage « des incompréhensions éventuelles quand les sujets doivent être traités avec urgence à des moments difficiles ».

Des conseillers du Congrès parlent eux de « réalités différentes ». Pourquoi ? Les membres de l’exécutif collégial, et plus encore leur président, s’expriment au nom de la Nouvelle-Calédonie, ont les yeux sur les comptes publics, et adoptent en général une posture d’équilibre, même si la sensibilité politique n’est jamais oubliée. Alors que les groupes du boulevard Vauban sont normalement tenus par la ligne du mouvement et « remontent » les préoccupations des électeurs. « Une question de pragmatisme » expliquerait donc le décalage, selon des observateurs.

L’écho est plus fort parce que ces variations interviennent sur des dossiers phares de la mandature : l’économie du nickel et la réforme fiscale. Et le durcissement de ton de la CCAT dans la rue ‒ la cellule de coordination des actions de terrain qui s’est emparée du sujet des usines ‒ rend encore plus visible ces écarts de vote au sein de l’hémicycle. Cette CCAT, qui regroupe des membres de l’Union calédonienne, de l’USTKE, du Parti travailliste ou encore du MOI, occupe une place de plus en plus prégnante, jusqu’à voiler le message du FLNKS. Jusqu’où ?

Yann Mainguet

Allers et retours

Le coup de théâtre était survenu le 21 mars, en amont du renvoi en commission du projet de la taxe pour l’équilibre tarifaire prévue sur les carburants. « Nous, Loyalistes et Rassemblement, ne siégerons plus dans les institutions non démocratiques. Nous serons désormais dehors pour les séances publiques, sur les marches du Congrès. Ça suffit, ça a assez duré », avait déclaré Sonia Backès, cheffe de file et présidente de la Maison bleue, avant de quitter l’hémicycle du Congrès avec ses collègues.

Ces groupes étaient toutefois de retour le jeudi 2 mai pour l’examen de la taxe croisière au cours duquel un amendement favorisant le versement d’une partie du rendement aux provinces a été adopté. Ce qui a amené Philippe Gomès, de Calédonie ensemble, à évoquer « un boycott à géométrie variable ».

Le lendemain, les textes d’application de la fiscalité minière ainsi que celui de la taxe sur les produits sucrés ont été adoptés, en l’absence des Loyalistes et du Rassemblement. Où en sont alors ces élus ? « Compte tenu d’une part de la reprise sérieuse des discussions » sur l’avenir institutionnel, et « d’autre part de la prise en compte de nos positions sur les derniers textes, nous revenons au Congrès », a indiqué mercredi Sonia Backès, contactée.