Scorie : un marché à creuser

La Société Le Nickel dispose d’un stock de scories évalué à 25 millions de tonnes. (© Y.M.)

Les anglophones les appellent « slags ». Les Calédoniens les voient partout, dans les tranchées, sur les parterres, et surtout à Doniambo où la hauteur des dunes impressionne.

La Société Le Nickel dispose d’un stock de scories évalué à 25 millions de tonnes. Des collines nées de la fusion du minerai de nickel dans les fours à très haute température. Plus d’un million de tonnes sont produites chaque année depuis des décennies. La verse monte, et monte encore. La filiale calédonienne d’Eramet a pris conscience de l’intérêt de valoriser ce résidu depuis une dizaine d’années. Son utilisation n’est pas nouvelle, la ville de Nouméa est assise sur un tas de scories, dit-on couramment. Doniambo, la baie de la Moselle, la liaison vers Nouville en sont des exemples concrets. Sauf que l’enjeu est aujourd’hui à la fois spatial, sociétal avec le voisinage des habitations à Ducos, mais aussi environnemental.

Parce que « le sable est la deuxième ressource naturelle la plus consommée après l’eau dans le monde », observe Yves Veran, chef de projet. Cette matière recherchée peut céder sa place au coproduit laissé de côté, la scorie, telle est l’idée travaillée à la SLN, qui a étudié différentes voies de valorisation : le remblai, application archiconnue en Nouvelle-Calédonie, la pose de réseaux, le sablage, ou encore le béton. « Nos référents techniques ont validé que la scorie peut remplacer entre 40 et 50 % de sable naturel dans une formation de béton », ajoute le cadre de l’historique société métallurgique, par ailleurs directeur de Doniambo Scories, entreprise dédiée à la commercialisation du résidu bleu-vert.

« UN MATÉRIAU TRÈS PARTICULIER »

Si des professionnels du BTP approuvent l’utilisation du coproduit pour le remblai, d’autres y voient « un matériau très particulier » dans la réalisation d’ouvrages, « qui nécessite un respect obligatoire des consignes ». Des représentants du bâtiment demandent « une garantie sur le long terme ». La SLN explique avoir procédé, l’an passé, à des carottages dans le mur de l’infirmerie bâtie avec de la scorie, et « il n’y a aucun problème structurel ».

Yves Veran en est convaincu, « mon objectif est de faire de la scorie un produit pour le territoire, un produit d’export ». Le regard se tourne vers les États insulaires du Pacifique Sud confrontés à la montée des eaux et au défi d’une meilleure résistance aux catastrophes naturelles. La fixation du prix de la tonne exportée repose sur un principe : la vente ne doit rien coûter à la filiale d’Eramet. Le but étant d’ouvrir le marché. Devant l’étroitesse du budget de ces nations, l’ambition est aussi d’attirer des bailleurs de fonds.

Y.M.