Sarah Hébert, sur l’eau « tout le temps et toujours »

Le plus beau souvenir de Sarah Hébert sur l'eau ? Lorsqu’à 16 ans elle s’entraîne pour les championnats de France sur le lagon de Poé et qu’elle se fait suivre par deux immenses raies manta.© Marine Reveilhac

La championne de windsurf n’a jamais laissé sa passion de l’océan mettre les voiles. Ce fil rouge anime son quotidien à cent à l’heure en tant que réalisatrice, professeure de yoga, podcasteuse et, bien sûr, sportive aguerrie. Cap sur cette fille de l’eau qui a toujours su avancer contre vents et marées.

Sarah Hébert nous a donné rendez-vous dans un café à l’anse Vata. À notre arrivée, elle s’est déjà installée face à la mer. L’élément qu’elle ne quitte jamais des yeux. Pourquoi cette interview ferait office d’exception ? L’heure de notre tête-à-tête n’a pas non plus été choisie par hasard. Elle essaie autant que possible de programmer ses rencontres en matinée. Car l’après-midi, l’océan l’appelle.

Une fois sur sa planche, elle s’évade avec lui. Celui qui l’a vue grandir, s’épanouir, gagner, voyager. Celui qui fait vibrer son cœur, muni d’un défibrillateur depuis 2006. Qui la fait simplement se sentir en vie. Il l’accompagne dans tout ce qu’elle entreprend. La glisse, les cours de yoga, l’animation de son podcast Oleti, la réalisation de son émission Femmes du lagon diffusée sur Caledonia. C’est son socle commun dans sa vie très (très) remplie.

Si on lui demande de définir son métier, elle répond qu’elle est réalisatrice et professeure de yoga. « Ce qui peut paraître original », reconnaît-elle. Sarah Hébert ne se cantonne pas à une étiquette et s’autorise à réaliser « tout ce (qu’elle a) envie de faire ». Dans l’audiovisuel, elle s’éclate. Elle a ce truc, cette aisance qu’elle a développée au fil des années.

Que ce soit en tant que présentatrice télé, conférencière lors d’un TEDx, à travers sa chaîne YouTube Poussé par le vent ou dans un livre pour raconter ses aventures. C’est aussi une grande curieuse qui aime aller vers les autres. « J’adore toujours raconter mon histoire, mais on a un super pouvoir avec ce micro et il ne faut pas hésiter à le tendre à ceux qui rayonnent. »

Quand elle pose sa caméra, la réalisatrice apporte du bien-être aux « water lovers », comme elle les nomme. Sarah Hébert enseigne le stand up paddle yoga et le yoga. Elle décèle les bienfaits de cette discipline lors de sa première vie, celle de sportive de haut niveau.

DU CŒUR À L’OUVRAGE

Difficile d’oublier ses dix ans de carrière parmi les plus grands. Lorsqu’à 16 ans, elle monte sur cette planche à voile qui va la propulser championne de France de windsurf en 2000, championne d’Europe en 2006, vice-championne du monde en 2007. Difficile d’oublier son exploit de 2012 lorsqu’elle tente de traverser l’Atlantique en planche à voile pour montrer qu’avec du cœur tout est possible, six ans après s’être fait implanter son défibrillateur cardiaque.

Sarah Hébert a l’impression de rêver durant cette expérience « incroyable » où elle compte en baleines, en dorades, son avancée. « Quitter les côtes, ça avait vraiment du sens. Me retrouver complètement immergée dans cet océan qui m’a englobée, dans lequel j’ai vécu. » On pourrait presque dire dans lequel elle est née.

Le 26 novembre 1984, jour de sa venue au monde, elle n’a pas mis longtemps à prendre le large. « C’était pendant les événements. Il y avait le couvre-feu et comme l’accouchement de ma mère s’était bien passé, elle a été escortée par les policiers car il ne fallait pas rester à l’hôpital au cas où il y aurait de vrais blessés. »

Elle monte à bord du voilier qui deviendra sa résidence principale durant 12 ans. Son frère arrive sur la route, à l’île de la Réunion. Cette enfance l’inspire. En juin 2017, Sarah Hébert largue les amarres avec son compagnon Aurélien et leur petit Naël, qui n’a alors que quatre mois, pour un tour du monde à la découverte des spots de glisse. Cap sur le Caillou. « Ce que je veux, c’est être sur l’eau, tout le temps et toujours. Je n’ai pas besoin d’une ligne de départ, de concurrents pour ça. Rentrer en Nouvelle-Calédonie en ayant un bébé, c’est ce qui me semblait le plus logique. »

La navigatrice a voyagé toute sa vie
et pense qu’un jour « ça va (la) reprendre ».© DR

RETOUR AUX SOURCES

Après un voyage de cinq ans, l’arrivée de Mia en 2019 sur l’île de Bonaire et un stop de deux ans en Polynésie, la petite famille débarque à Nouméa, fin 2022. Enfin, pas sur la terre ferme. À la marina. « Dès que je me retrouve dans une maison ou un appartement, je me sens déconnectée de la nature. » Le simple fait d’être ballotée dans son bateau la comble de bonheur.

Si Sarah Hébert n’est pas en train de naviguer les week-ends, elle se prépare à briller à un futur événement de glisse. Lors de notre rencontre, elle était en pleine préparation (et bien partie) pour les Jeux du Pacifique aux Salomon, en novembre. Le résultat des sélections sera connu très prochainement. « Allez aux Jeux avec les Cagous, c’est porteur de sens, c’est vraiment un retour aux sources, à mes racines. Porter les couleurs du Caillou par le sport, ce serait une belle expérience. »

La rideuse revient de la Manatai, compétition de glisse à Wallis dont elle est la marraine. Son frère Tom Hébert, ambassadeur de l’événement (et champion de kitesurf par la même occasion), se trouvait à ses côtés. « C’est tellement un cadeau de vivre ces moments avec lui. J’ai envie de célébrer le fait que j’ai un frère qui est aussi passionné par la même discipline. »

La relève est déjà assurée. Son fils Naël, biberonné à l’océan, pourrait bien surfer sur la même vague. Il compte déjà pratiquer le kitesurf comme son oncle. Peut-être lorsqu’il sera un peu moins accro à la trottinette.

Edwige Blanchon