Ruamm : l’Éveil océanien en appelle au « bon sens »

Le Congrès examinera en janvier la proposition de création d’un taux unique de cotisation à 13,5 % dans le privé, et d’une même couverture sociale pour tous. Les patrons sont fermement opposés à ce texte qui n’est, estime Milakulo Tukumuli, qu’une réponse pragmatique à une situation critique.

L’assurance maladie était déficitaire de 14 milliards de francs en fin d’année 2021. Sa dette totale approchait les 38 milliards. Le plan Do Kamo doit améliorer la santé des Calédoniens et donc diminuer les dépenses, mais ses effets se font attendre.

Le Ruamm, créé en 2002 mais jamais pérennisé, est au plus mal.

Pour l’Éveil océanien, cette situation impose d’augmenter les recettes dans les plus brefs délais. « On présente une réforme qui vient régler les déficits structurels et la dette. »

Milakulo Tukumuli propose d’instaurer une protection sociale identique pour tous les travailleurs et un taux de cotisation unique fixé à 13,5 % dans le privé. Ce qui revient à une diminution des cotisations sociales pour les salaires inférieurs à 513 900 francs (le taux actuel est de 15,52 % du salaire brut) et à une augmentation sur la tranche supérieure (5 % de cotisation actuellement). Soit une augmentation du salaire net pour les bruts « allant jusqu’à 830 000 francs ».

« ÇA M’EMPÊCHE DE DORMIR LA NUIT »

Pour les travailleurs indépendants, les taux actuels vont de 5 % à 16 %, selon le montant des revenus et la couverture sociale choisie. L’Interpatronale insiste sur leur cas : même étalée sur trois ans, la réforme ferait peser une charge « insupportable » sur les patentés. « Des gens vont payer plus, oui, confirme Milakulo Tukumuli. On ne peut pas espérer un rendement supplémentaire si tout le monde paie moins. »

Mais tous les travailleurs indépendants ne sont pas pauvres. « Un médecin libéral qui fait 1,5 million par mois, s’il cotise moins qu’un salarié, c’est grâce à la fiscalité calédonienne. Des gens qui n’ont aucun revenu paient de la TGC pour compenser ses cotisations. Moi, ça m’empêche de dormir la nuit. »

Quant à ceux qui peinent vraiment à payer leurs cotisations, le président de l’Éveil océanien estime qu’il s’agit « surtout d’une affaire de délais de paiement », à régler du côté des grandes entreprises et des collectivités qui « paient trop tard » leurs prestataires.

Il estime même que sa réforme est « ultra favorable » aux patentés, dans la mesure où elle améliore sensiblement leur protection sociale. « Et est-ce que la Cafat a les moyens de contrôler un indépendant qui se met en maladie et travaille quand même ? On a été obligé de prendre en compte ce risque. »

OÙ PRÉLEVER, TRAVAIL OU CONSOMMATION ?

L’Interpatronale (Medef, CPME et U2P) défend une réforme très différente basée sur la suppression pure et simple des cotisations au Ruamm (- 58 milliards) et de l’impôt sur le revenu (- 21 milliards).

Le gain de « compétitivité » et la consommation supplémentaire doivent générer à terme 3,4 % de croissance, 2 000 créations d’emplois, et de la consommation en conséquence. L’assurance maladie serait financée par de fortes augmentations de la TGC (+ 29 milliards de rendement) et de la CCS (+ 59 milliards).

« Ce projet initial, c’était uniquement pour les patrons, pour augmenter leurs gains. Et leur couverture, c’était de dire qu’on allait créer de l’emploi », s’agace Milakulo Tukumuli, attaché à un financement de la protection sociale par le travail et par la consommation. Il attend le projet « intermédiaire » annoncé par l’Interpatronale, et assure que les deux visions ne sont pas complètement incompatibles.

« On n’oppose pas notre réforme du Ruamm à leur projet de société. Mais on n’a pas le temps d’attendre ! Le Ruamm est étranglé, il faut agir tout de suite, c’est une question de bon sens, et ajuster ensuite. »

Une « culture de la dépendance à l’État »

Les différents déficits publics (Ruamm, Nouvelle- Calédonie…) sont largement compensés par l’État. Pour Milakulo Tukumuli, ce schéma doit être dépassé. « On est dans un débat de Oui et de Non. Il y a une culture de la dépendance à l’État. En quoi être responsable ferait de nous des gens moins attachés à la France ? On accepte que le Français de Métropole paie plus d’impôt pour que le Français de Calédonie en paie moins.
Il faut avoir du bon sens, de la cohérence. »

Gilles Caprais

©G.C.