Renouer avec les gestes oubliés

Écrire demande d’être équipé : plume, porte-plume, encrier, buvard... « Moi, j’ai appris comme ça à l’école », raconte Marie-Claire Mary, responsable de la maison Célières. / © SANC collection Louis Lorcin

S’éclairer à la lampe à pétrole, écrire à la plume, tourner la manivelle du gramophone… Des actions d’autrefois qui, pour la plupart, n’existent plus. L’association Témoignage d’un passé y consacre une journée avec exposition, atelier et démonstration à l’occasion du Mois du patrimoine, à la maison Célières.

Les gestes du quotidien, à force de répéti- tion, ont été intégrés. Comme s’ils avaient toujours existé. Allumer la lumière, lancer une lessive, prendre une douche. Or, il n’y a pas si longtemps encore, ces actions prenaient davantage de temps, nécessitaient du matériel, un effort physique. Les maisons n’étaient pas éclairées à l’électricité, mais avec des lampes à pétrole. Le linge se lavait au lavoir, les gens dans des bassines.

Ces gestes, certains les ont pratiqués, d’autres les ont oubliés, les jeunes générations ne les connaissent pas. L’association Témoignage d’un passé y consacre une journée à l’occasion du Mois du patrimoine, mercredi 30 août. « Les visiteurs s’intéressent à la manière dont cela se passait avant », souligne Marie-Claire Mary, responsable de la maison Célières.

Une exposition présentera les objets d’antan et leur utilisation. Comment on écoutait de la musique, on téléphonait, on s’habillait et se parfumait, etc. L’art de la table avec l’utilisation de la vaisselle en porcelaine ou de l’argenterie, les ronds de serviette, l’huilier, le vinaigrier, ou bien la soupière, ustensile désormais inconnu des enfants. « L’intérêt est de les regarder et de songer à des choses auxquelles on ne pense plus, et peut-être faire remonter des expériences, des souvenirs. »

« DES HABITUDES DE VIE »

Et puis, il y a les pratiques, à l’image de la lessive, qui ont profondément changé. Les femmes utilisaient le lavoir, souvent installé dans le jardin, jusque dans les années 1960 et 1970. Tout se faisait à la main : frotter, rincer, essorer, étendre, repasser. Une des tâches les plus pénibles et physiques. Les premières machines font leur apparition dans les années 1940, après l’arrivée de l’électricité à Nouméa en 1932 ‒ « une révolution ». Marie-Claire Mary se souvient, sa grand-mère en possédait une. « Il fallait remplir une cuve qui tournait. Après, on passait le linge dans deux rouleaux, une sorte de presse, pour enlever l’eau. Il fallait faire attention, on y mettait les plus grosses pièces, comme les draps. »

EXPO

Le 30 août, l’association Témoignage d’un passé proposera une exposition d’objets anciens avec, entre autres, des fers à repasser à essence, des lampes à pétrole et des téléphones.

 

La toilette d’aujourd’hui ne ressemble pas non plus à celle d’hier. Sans arrivée d’eau dans les habitations, pas de salle de bains. Pour se nettoyer, direction le lavoir. « On se lavait dans une grande bassine. Des personnes racontent qu’on la mettait à chauffer au soleil pour ne pas qu’elle soit trop froide. Je me rappelle de ma grand-mère qui faisait chauffer une énorme bouilloire dans la cuisine avant de la descendre dans la dépendance pour préparer mon bain », raconte Marie-Claire Mary. Ce qui est devenu simple exigeait alors une sacrée organisation, prenait du temps, de la place. Un contraste saisissant avec notre confort moderne. Pour faire ses besoins aussi, cela se passait dehors, dans une cabane munie

d’une planche avec un trou et, en dessous, un récipient. La tinette ‒ « elle se glissait par l’arrière de la cabane » ‒ était collectée par un service municipal chargé de la remplacer par une propre, deux à trois fois par semaine. « On a vécu dans un confort assez minimum à Nouméa jusque dans les années 1960, témoigne Marie-Claire Mary. Les anciens étaient bien comme ça, c’était des habitudes de vie, la cuisine dans le jardin, etc. Et nous, les enfants, nous connaissions les deux, on s’y faisait. »

FAIRE DIALOGUER LES GÉNÉRATIONS

Des démonstrations et des ateliers sont également programmés. De quoi permettre aux visiteurs de s’essayer à reproduire ces usages. Moudre du café, tourner la manivelle du gramophone, téléphoner, s’éclairer, calligraphier à la plume et sténographier avec une machine à écrire… « Des choses qui vont donner lieu à la découverte et à l’amusement. » Une façon de « perpétuer et préserver la mémoire, souligne la responsable. Avant, quand on arrivait chez soi, il faisait noir, et il ne suffisait pas d’appuyer sur un bouton pour que tout s’éclaire. Il fallait allumait sa lampe à pétrole, la transporter : toutes ces manipulations, ça surprend et c’est bon de le rappeler. Je pense que ça fait une continuité dans l’esprit des enfants ».

Une constante dans les animations organisées par l’Atup. « Profiter d’un moment en famille et attiser la curiosité des plus jeunes pour qu’ils interrogent les anciens. » Et, ainsi, créer une passerelle et faire dialoguer les générations.

Anne-Claire Pophillat