Nos ancêtres, ces Irlandais

Robert O’Hara Burke © Institute of Australian Culture

Jean-François Burck, membre de l’amicale des Calédoniens descendants d’Irlandais, devait donner, ce jeudi 18 avril au musée maritime, une conférence sur « Les Irlandais dans les mers du Sud aux XVIIIe et XIXe siècles ». De quoi illustrer le type d’aventures qu’ont connu leurs ancêtres.

« De bons gars, aventuriers, marins, voire guerriers, au fort caractère. » C’est ainsi que Jean-François Burck décrit la réputation que se sont forgés les migrants irlandais ayant quitté les côtes venteuses de leur terre natale pour sillonner le globe vers Caen, New York, Adélaïde, Nouméa et bien d’autres contrées.

Ce passionné, membre du groupe des descendants d’Irlandais depuis sa création il y a trois ans, membre également de la Société d’études historiques de Nouvelle-Calédonie, est lui-même descendant d’un marin arrivé sur le territoire en 1867 qui fut ensuite caboteur. Pour cette conférence dédiée aux aventuriers, il a choisi quatre personnages celtiques dont l’histoire n’est pas des plus connues, mais qui se lancèrent courageusement dans l’exploration du Pacifique.

Jean-François Burck © C.M.

« Armoire à glace »

Le premier est Robert Sutton de Clonard dont l’aventure se déroule au XVIIIe siècle. Ce chevalier, exilé d’Irlande en France et descendant de jacobites, combat les Anglais avec les Français à Pondichéry, puis dans le cadre de la guerre d’indépendance américaine. Proche de La Pérouse, il est commandant en second de La Boussole au départ de l’expédition de 1785 autour du monde et remplacera le commandant Fleuriot sur L’Astrolabe, deux navires qui feront naufrage en 1788.

C’est un autre aventurier irlandais, Peter Dillon, qui retrouvera la trace de cette expédition en 1827 à Vanikoro (îles Salomon). Né en Martinique où était stationné un régiment de la Brigade irlandaise toujours aux côtés des Français, il grandit néanmoins sur son île d’origine. Il intègre la Marine et rejoint le Pacifique par Calcutta. Cette « armoire à glace, a priori roux comme beaucoup d’Irlandais », bourlingue en Australie, à Fidji pour chercher du bois de santal « bien avant l’Anglais Paddon ». Cet aventurier commerçant recueille sur l’île Tikopia des témoignages et des objets provenant de l’expédition de L’Astrolabe qui permettront de futures recherches. « Il retrouve les traces de La Pérouse avant Dumont d’Urville », note Jean-François Burck.

Plus tard, James Meehan, géomètre « né dans le même village qu’un ancêtre du président américain Obama », est déporté en Australie en 1802 après avoir participé à la révolution en Irlande. Mais ses qualités professionnelles lui permettent de travailler et d’explorer notamment Port Phillip (qui deviendra Melbourne) et King Island en Tasmanie. Il sera gracié.

Enfin, Robert O’Hara Burke (illustration) ‒ une branche éloignée du conférencier ‒ est aussi un sacré personnage. Cet ancien militaire et policier, arrivé en 1853 en Australie, s’éprend d’une actrice et, « peut-être pour l’impressionner », postule à l’expédition de la Royal Society of Victoria. En 1860, il est nommé à la tête de cette épopée qui prévoit la traversée du sud au nord de l’Australie avec 18 hommes. Il réussira mais, au retour, perdu dans le désert après des jours de marche et une équipe réduite à trois personnes, il décèdera après avoir ingéré une plante mortelle. De multiples expéditions sont envoyées sur leurs traces pour les retrouver et permettront de découvrir l’île-continent.

« Saga irlandaise »

Par ces histoires, Jean-François Burck explique pourquoi beaucoup d’Irlandais, hommes et femmes, ont émigré : l’invasion par les protestants en 1600, le bagne à partir de 1799 suite à la révolution irlandaise, la famine de 1840. Il cite aussi à Melbourne la ruée vers l’or (Ballarat). Et explique qu’un grand nombre d’hommes engagés dans la marine et épris d’aventures s’installèrent au gré de leurs voyages.

En Nouvelle-Calédonie, plusieurs lignées mènent à des ancêtres irlandais : les Daly, Newland, Burch, les frères O’Connor, O’Callaghan, Cheval, Idoux et Mercier avec les O’Donoghue, Fayard (marié à une fille Craven), Creugnet (marié à une fille Casey). « Le plus gros contingent est arrivé d’Australie le 18 juillet 1862 », explique Jean-François Burck. L’ancêtre Cheval a eu une concession à Païta à condition d’installer du monde. Il a ramené ses beaux-frères O’Donoghue. « C’est la saga irlandaise, et c’est la raison pour laquelle nous avons une fête le 18 juillet. » L’histoire est similaire pour Joubert qui a installé Newland, O’Callaghan et Casey.

« Ici comme ailleurs, note le conférencier, les Irlandais s’intègrent facilement et montèrent généralement dans l’échelle sociale. » De nombreuses histoires restent à explorer, Jean-François Burck poursuit ses recherches.

Chloé Maingourd

« On doit frôler les 6 000 descendants »

Le groupe informel des descendants d’Irlandais a été créé il y a trois ans, à l’occasion de la Saint-Patrick. Il est né spon- tanément sur Facebook et est très actif. « Pour y accéder, on doit prouver son ascendance irlandaise », précise Catherine Régent, l’une des responsables. Ce groupe se réunit tous les ans le 18 juillet pour l’arrivée du plus grand contingent.

Il organise des rencontres de lecture mensuelles, plusieurs conférences par an, et a obtenu de la mairie de Nouméa l’illumination en vert de la fontaine céleste pour la Saint- Patrick. Il cherche maintenant à développer des activités pour les jeunes.

« On est 340 sur Facebook mais on doit frôler les 6 000 descendants, estime Catherine Régent. De toutes les ethnies et de toute la Nouvelle- Calédonie. Je ne pensais pas qu’on était autant. Mais vous savez, souvent les arrivants irlandais étaient présentés comme des sujets britanniques. »