Référendum : Les maires en séminaire

Organisé à l’Université, le séminaire annuel des maires de Nouvelle-Calédonie était cette année en grande partie consacré aux questions électorales et à la préparation du référendum.

Ambiance studieuse sur les bancs de l’amphithéâtre Guy-Agniel, lundi. Les maires des 33 communes de Nouvelle-Calédonie, leurs représentants, les secrétaires généraux ou responsables de services étaient conviés à l’UNC pour leur traditionnel séminaire, un rendez-vous rendu un peu particulier, année référendaire oblige. Outre les dossiers habituels sur le contrôle de la légalité ou budgétaire, ils ont ainsi pu échanger avec le secrétaire général du haut- commissariat, Laurent Cabrera, sur les dernières avancées relatives au référendum et les actions à mener dans le cadre de la préparation de la consultation.

Clarifications

Même s’ils sont au cœur de la vie institutionnelle et que leur rôle, nous le verrons, est déterminant dans le bon déroulement du scrutin, les maires sont finalement comme tous les autres Calédoniens… en attente de réponses tandis que les détails de l’organisation du référendum se dessinent entre Nouméa et Paris.

Ils sont impatients, avant toute chose, de connaître la date du scrutin. L’échéance du 4 novembre, a semble-t-il obtenu la préférence du G10 et devrait être officialisée par le Congrès, lors d’une session extraordinaire le vendredi 9 mars. Les maires sont aussi, sans surprise, en attente de la question qui sera posée. Des clarifications ont même été demandées sur le sens du fameux terme « binaire » et le secrétaire général a répondu un laconique : « C’est oui ou non ». Plus précisément dans les bureaux de vote : un choix entre deux bulletins. Mais là encore, les discussions se poursuivent.

Ont ensuite été mentionnées les mesures prévues par la modification de la loi organique qui suit actuellement son processus institutionnel à Paris et qui devrait être promulguée en avril : la procédure d’inscription d’office sur les listes générales pour 11 000 Calédoniens encore non inscrits ou encore la question de la délocalisation des bureaux de vote.

La mesure est saluée par les maires des îles : pour la première fois en Nouvelle-Calédonie, les électeurs originaires des cinq communes de Belep, de l’île des Pins et des Loyauté, résidant sur la Grande Terre, pourront voter à Nouméa au sein de bureaux de vote dédiés (11 au maximum selon les hypothèses « hautes »), évitant ainsi le désagrément de devoir rentrer aux îles à grands frais ou simplement de ne pas voter. Ils devront faire savoir s’ils souhaitent voter dans ces bureaux ou dans leur commune d’origine et ce choix sera irrévocable. L’idée de pérenniser un tel système pour de prochaines élections a été, pour le moment, écartée même si des maires ont promis de « revenir à la charge » sur cette « problématique permanente ».

Enfin, il a été question des procurations qui seront pour ce scrutin, rendues plus difficiles pour qu’un maximum de personnes puisse voter personnellement. On sait que les citoyens véritablement empêchés qui voudront voter par procuration devront apporter des preuves justifiant leur incapacité à se déplacer personnellement, contre une simple attestation sur l’honneur par le passé. Reste à définir officiellement la liste de ces preuves « recevables ».

Toujours dans cette volonté visant à permettre à chacun d’exprimer sa voix, M. Cabrera a mentionné le cas des étudiants – soient environ 3 000 jeunes en Métropole — qu’il faut réussir à sensibiliser sur ces démarches. Un travail est effectué entre la Maison de la Nouvelle-Calédonie et le gouvernement. Le Camp-Est est aussi passé au peigne fin, sans mauvais jeu de mots : seuls dix détenus sur 540 sont privés de leurs droits civiques. 300 ont déjà fait connaître leur intérêt pour le vote. Encore une fois, c’est la règle des procurations qui s’applique.

La technique… Et l’humain

Les édiles le savent, ils sont en première ligne. Ils sont garants avec l’aide du haut-commissariat, de l’établissement des listes électorales, ont la charge d’organiser les commissions administratives spéciales (CAS) qui débutent ce jeudi, et la mise en œuvre de la révision de ces listes. Ils doivent par ailleurs veiller au bon déroulement du référendum, à la sécurisation des bureaux et des opérations de vote. Ils sont aussi concernés par la communication, la sensibilisation, doivent veiller à la campagne, aux affichages…

Et puis, ce sont surtout vers eux et leurs services que se tournent déjà les populations qui s’interrogent. Ce sont eux qui font face au mécontentement des uns, aux réclamations des autres et il faut savoir faire preuve de tact, être à l’écoute et renseigner précisément les administrés.

Globalement, si le principe du scrutin n’est pas nouveau, ni ses aspects logistiques, les maires ont bien conscience que la symbolique est cette fois sans commune mesure, que la tâche sera lourde et la responsabilité tout autant. Mais tous se disent plutôt confiants. Du côté de l’État, deux consignes générales pour les Calédoniens : « Allez-vous renseigner sans perdre de temps sur votre place ou non sur les listes, inscrivez-vous si besoin et plus tard, quoi que vous souhaitiez voter,… Allez voter ».


Robert Xowie, maire de Lifou et président de l’Association des maires

« Nous attendons que la loi organique passe officiellement, que l’on définisse la date et la question. Après, nous veillerons à l’organisation des bureaux décentralisés. Ils représentent des charges supplémentaires pour nous et nous ne pouvons pas non plus être en même temps dans nos îles et à Nouméa pour continuer à gérer l’ensemble des bureaux de vote. Ce seront des choses dont nous devrons discuter. Après, j’espère vraiment que les gens feront les démarches pour voter là-bas.

Plus largement, le souci que tous les maires partagent, c’est la sincérité et la transparence de ce scrutin pour que le résultat soit le moins contestable possible. Et aussi que cela se passe dans de bonnes conditions. »

Hervé Tein-Taouva, maire de Kaala-Gomen

« Ce séminaire marque un point de départ et va nous permettre de mieux préparer la logistique, le personnel. Mais cela arrive un peu tard, à mon sens, parce qu’à partir du 1er mars, nous entrons déjà dans le tunnel des listes, des vérifications… et allons être très sollicités par les commissions. »

À Kaala-Gomen, il y a encore beaucoup de questions sur listes électorales. Beaucoup de nos administrés, qui habitent à Nouméa, posent par ailleurs des questions sur les procurations et nous attendons de pouvoir leur fournir des informations sur les délais et les pièces dont ils auront besoin. Pour les bureaux délocalisés, la priorité, c’était les îles, et en ce qui nous concerne, je pense que les populations pourront faire le nécessaire pour rentrer même si ça leur coûte un peu. J’espère en tout cas que nos administrés ont compris toute l’importance de cette consultation. »

Corinne Voisin, maire de La Foa

« Les sujets abordés semblent une évidence pour certains, mais des rappels ne sont pas non plus inutiles, cela nous permet de nous remettre dans les clous. L’établissement des listes électorales est ce qui inquiète le plus. C’est beaucoup de réunions, nous ne sommes pas nombreux et il faut surtout que l’on soit très vigilants. Il est aussi très important de bien renseigner nos administrés. Pour l’instant, les gens n’arrêtent pas de nous alerter sur les procurations, car ils n’ont pas de consignes. Globalement, il est vrai que les gens semblent perdus, mais c’est très humain. On en parle dans les médias, tous les partis politiques en parlent. Mais on ne va pas forcément chercher ces informations. Au final, nous ne sommes pas du tout inquiets pour l’organisation de ce référendum, mais davantage pour le climat général… »


Début des travaux en commission

Les commissions administratives spéciales (CAS) débutent ce jeudi. Elles sont en charge de la révision de la liste électorale spéciale provinciale et de la liste spéciale de consultation. Les commissions sont présidées par un magistrat et composées par un délégué de l’administration désigné par le haut-commissaire, le maire de la commune ou son représentant, deux électeurs de la commune désignés par le haut-commissaire, après avis du gouvernement. Les observateurs de l’Onu participent à ces CAS en tant qu’experts qualifiés et indépendants mais n’ont pas de voix délibératives.


Branle-bas de combat aussi chez les magistrats

La consultation référendaire est aussi au centre des préoccupations de la justice. Lors de l’audience solennelle de rentrée de la cour d’appel, le premier président, Thierry Drack, a assuré que la mobilisation des magistrats était « sans faille ». Les magistrats siègent dans les commissions administratives spéciales et statuent sur les recours. Les délais seront, une fois encore, très courts pour faire face à un volume de contentieux dont on ignore encore l’ampleur. Des mesures ont déjà été prises au tribunal de première instance avec le déplacement de fonctionnaires de Métropole, le recrutement de vacataires, etc. « Soyez convaincus que nous mèneront notre mission pleinement sur cet événement de première importance pour la Nouvelle- Calédonie », a conclu Thierry Drack.

C.M. ©Haut-commissariat, C.M.