Recensement 2019 : La Nouvelle-Calédonie n’attire plus

Ville de NoumÈa (97 000 habitants en 2009), capitale de la Nouvelle-CalÈdonie

L’Institut de la statistique et des études économiques vient de présenter de nouvelles analyses des chiffres du recensement de 2019. Un travail qui met en lumière le manque d’attractivité du territoire vis-à-vis de l’extérieur ainsi que des dynamiques internes de population qui évoluent.

La Nouvelle-Calédonie compte 271 400 habitants en 2019, soit 2 600 personnes de plus qu’en 2014, année du précédent recensement. Cette progression, de 0,2 % en cinq ans, est nettement inférieure à celle de la période précédente qui était de 1,8 % entre 2009 et 2014. En prenant un peu de recul, on mesure la signification de ces chiffres. Le solde naturel (naissances) n’a jamais été aussi faible depuis cinquante ans, tout comme le solde migratoire qui est l’autre composante de la croissance démographique. D’ailleurs pour le solde migratoire, on retrouve le niveau négatif des années 1976-1983, qui correspondaient à la montée des tensions liées à l’émergence des revendications indépendantistes.

L’Isee détaille qu’entre 2014 et 2019, 27 600 personnes ont quitté l’archipel, soit près d’un habitant sur dix, ou formulé autrement, 10 % de la population. Le flux inverse sur la même période a « seulement » été de 17 300 personnes, soit un solde migratoire négatif net de 10 300 personnes. Selon l’Institut, ce phénomène est aussi observé en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Les principales raisons tiennent au faible dynamisme de l’économie calédonienne depuis 2015, aux incertitudes autour de l’avenir institutionnel ainsi qu’à la loi sur la protection de l’emploi local, adoptée en 2010. Ce solde migratoire négatif ne sera pas sans conséquence pour l’économie et ce n’est pas un hasard si la CCI a été à l’origine de la création de l’association Talents calédoniens, le 2 mars, et si le gouvernement a lancé Choose Caledonia, ayant tous deux pour objectif d’améliorer l’attractivité du territoire. Conséquence mécanique, le nombre de natifs progresse et représente en 2019 78 % de la population contre 75 % en 2014, tandis que le nombre de non-natifs passe de 67 300 à 60 100. Ces derniers résident pour l’immense majorité dans le Grand Nouméa (neuf non-natifs sur dix).

Poursuite de la transition démographique

La démographie poursuit, par ailleurs, sa transition avec le vieillissement de la population. Un processus qui a commencé il y a maintenant trente ans. La pyramide des âges se rétrécit à sa base pour s’étoffer à son sommet. Cette évolution marque le ralentissement de la fécondité des Calédoniens, qui est d’ailleurs un des facteurs de réduction de la croissance démographique, mais également la plus importante mobilité des jeunes pour leurs études, selon l’Isee. Le vieillissement est également le fruit de l’allongement de l’espérance de vie, qui a progressé de près de dix ans en trente ans, atteignant aujourd’hui 75,3 ans pour les hommes et 80,4 ans pour les femmes. L’âge moyen passe ainsi à 34,7 ans en 2019 contre 33 ans en 2014. Aux deux extrêmes, on retrouve un recul de la part des moins de 20 ans qui passe de 32 % à 30,1 % et une augmentation de celle des plus de 60 ans, 12,5 % en 2014 contre 14,5 %.

Sur la question de la répartition de la population, les équilibres n’ont pas changé, la province Sud concentre toujours près de trois Calédoniens sur quatre (75 %), la province Nord comptant pour 18 % et 7 % pour la province des îles Loyauté. Les populations ont néanmoins légèrement évolué au sein de chaque province. Celle de la province des Îles ne change pas (+ 0,3 %), ce qui indique, selon l’Isee, que l’accroissement démographique de cette province a été absorbé par des déplacements vers les deux autres provinces. Pour la province Nord, l’Isee souligne que la réduction de 1,1 % de la population correspond surtout au départ des non-natifs après des arrivées massives liées à la construction de l’usine du Nord. Entre 2009 et 2014, les non-natifs étaient passés de 3 000 à 4 500. Ce nombre est désormais retombé à 3 700. On est donc loin d’un exode rural des provinces Nord et Îles vers la province Sud.

La communauté kanak se renforce

Sur le sujet de la répartition des populations, on observe également un renforcement des centres urbains de VKPP (Voh-Koné- Pouembout-Poya) et du Grand Nouméa qui s’étend au-delà, puisque Boulouparis connaît une forte croissance de sa population. Ce dernier élément traduit la poursuite de l’étalement urbain qui pose tant de problèmes aux aménageurs, en raison des coûts importants liés aux réseaux d’eau et d’électricité. Des constats qui traduisent un certain échec des politiques de rééquilibrage ces quarante dernières années ou du moins un manque de résultats. Par ailleurs, l’étalement urbain et l’attrait des jeunes pour des logements moins chers dans les communes de l’agglomération font que, pour la première fois, la population de Nouméa est en perte de vitesse. De 99 900, elle passe à 94 300, soit 5,6 % de sa population. Le gros de la baisse est dû au départ de près de 5 000 personnes des quartiers Nord de la ville, quartiers populaires pour la plupart, ainsi que de celui des non-natifs. Nouville est un des rares quartiers à voir sa population progresser, de l’ordre de 700 personnes, résidant majoritairement dans des squats. Autre élément intéressant, l’Isee relève que le nombre de logements inoccupés dans la capitale a été multiplié par deux entre 2014 et 2019 sans pour autant que l’on observe un effondrement du marché de l’immobilier, comme on aurait pu s’y attendre (lire l’étude de l’Isee sur les transactions immobilières de 2019 consultables sur le site www.isee.nc).

Ce recensement de 2019 marque le retour de la question d’appartenance communautaire qui n’existe pas en Métropole. La première communauté du territoire demeure la communauté kanak avec un effectif de 111 860 personnes. Fait notable, la part de la communauté progresse pour la première fois depuis les Accords de Matignon-Oudinot, en passant de 39,1 % en 2014 à 41,2 %. Selon l’Isee cette progression est principalement due au départ des non-natifs. Sur le plan provincial, les Kanak représentent 95 % de la population des Loyauté, 72 % de celle de la province Nord et 29 % de celle de la province Sud. Autre élément notable, 52 % de la communauté kanak vit en province Sud en 2019contre49%en2014et39%en1989. En parallèle, la proportion de personnes vivant en tribu diminue à chaque recensement, 65 % de la population kanak vivait en tribu en 1989 contre 48 % en 2019 (si les populations se rendent dans les centres urbains pour trouver du travail, elles conservent des liens étroits avec leur lieu d’origine, comme l’ont montré les travaux de Pierre-Christophe Pantz qui, de fait, ne parle pas véritablement d’exode rural).

Pour sa part, la communauté européenne qui est concentrée à 90 % en province Sud voit sa population totale passer de 27 % à 24 % (une fois encore, en raison du départ des non-natifs). La communauté wallisienne et futunienne reste, quant à elle, stable avec un effectif de 22 500 personnes qui vivent à 95 % dans le Grand Nouméa. Les autres communautés pèsent près de 8 % de la population. Enfin, à la question de l’appartenance à la communauté calédonienne, il est intéressant de voir que les Kanak se sentent davantage calédoniens que les non-Kanak (90 % des Kanak se sentent Calédoniens alors que 75 % des non-Kanak expriment ce sentiment).

M.D.