Quid du jour d’après ?

À un peu plus de deux semaines du deuxième référendum, la campagne bat son plein. Les deux camps, loyaliste et indépendantiste, multiplient leurs rencontres avec la population, leur projet de société sous le bras. Pourtant, la question « Que va-t-il se passer au lendemain du 4 octobre ? » reste sans réponse précise pour nombre de Calédoniens.

L’ enjeu du deuxième scrutin d’autodétermination est simple : arriver à conquérir les 18 000 voix qui se sont abstenues en 2018. À cela s’ajoutent les nouveaux électeurs, ceux qui n’étaient pas inscrits sur la liste spéciale et les jeunes natifs qui ont atteint leur majorité entre les deux scrutins. Conquérir, pour les loyalistes comme pour les indépendantistes, reste la priorité de cette campagne, encore faut-il arriver à répondre aux indécis sur ce qui va arriver le lendemain, le 5 octobre, en fonction du résultat des urnes.

Une volonté plus qu’une solution

Chez les indépendantistes, si le oui l’emporte, la pleine souveraineté est acquise. Soit, mais ils sont forcés de reconnaître qu’ils se posent encore la question de savoir comment il va falloir « gérer le bébé ». Daniel Goa a d’ores et déjà martelé qu’il faudra nécessairement et rapidement que la France les épaule dans leur démarche d’accession à la pleine souveraineté. Comme si les trente dernières années n’avaient pas suffi au camp indépendantiste pour être prêt le jour de la décolonisation voulue.

Mickaël Forest (UC- FLNKS), interrogé la semaine dernière sur NC La Première, a d’ailleurs préféré éviter le sujet en répondant : « Nous, on reste dans le cadre des différentes motions que nous avons adoptées aux différents congrès pour faire en sorte que Kanaky Nouvelle-Calédonie devienne souveraine et indépendante le 4 octobre au soir. » Rien de plus, rien sur le jour d’après. Seul Victor Tutugoro (UNI) a tenu à dire, et dans le cas cette fois où le non l’emporterait à nouveau, qu’il y aura « toujours quelque chose d’inachevé. Et donc, oui, il faudra aller au bout du processus de la décolonisation pour accéder à la souveraineté de la Nouvelle-Calédonie, une souveraineté pour non seulement les Kanak, mais tous les citoyens ».

En résumé et en cas de nouvelle défaite, les indépendantistes tiennent à aller jusqu’au bout de l’Accord de Nouméa avec un troisième référendum pour tenter à nouveau d’obtenir une Calédonie autonome, enfin plus qu’elle ne l’est déjà ! Ces 18 mois supplémentaires risqueront pourtant d’accentuer l’éclatement du FLNKS et de son projet. Preuve en est, la position récente de la Dynamique autochtone de Maré, qui appelle à voter non à l’indépendance, car, selon elle, le projet du Front « ne reconnaît même pas la légitimité des chefferies traditionnelles ». Pour le parti, « voter non, c’est voter contre la mainmise des appareils politiques sur la revendication du peuple indigène ».

Changer les institutions

Pour le camp des non indépendantistes, le 5 octobre ne pose aucun souci puisqu’on reste dans la France. Rien ne bougera ? Si ! Car pour le front des Loyalistes, si le 4 octobre, c’est le non qui l’emporte une nouvelle fois, il faudra, dès le lendemain, se poser la question de la nécessité du troisième référendum. Comme l’explique Sonia Backes, « Est-ce vraiment nécessaire de continuer et de poser une troisième fois la question ? Nous considérons que le pari de l’intelligence est de se mettre tous autour de la table pour trouver une solution qui permette aux indépendantistes de gagner leur autonomie, d’avoir des symboles qui leur permettent de s’y retrouver et aux loyalistes d’avoir ce qu’ils souhaitent, c’est-à-dire le maintien de la protection de la République française. »

Effectivement, partant du principe que tout a été mis en œuvre depuis 30 ans pour obtenir la décolonisation, scrutins d’autodétermination et restriction du corps électoral à l’appui, et que les Calédoniens l’auront refusée déjà par deux fois, pourquoi aller une troisième fois vers un référendum qui ne changera en rien le résultat ? Pour les Loyalistes, dès le 5 octobre, il faudra donc engager un travail pour sortir enfin des accords par le haut. Principalement pour désamorcer les tensions qui opposent les deux camps et se durcissent avec le temps. C’est pourquoi ils proposent de définir avec les indépendantistes des institutions représentatives d’un destin commun et sous la bannière d’une véritable démocratie. Des institutions représentatives de la population et de l’électorat calédonien.

La solution pourrait bien passer par le levier des provinces en leur redonnant du pouvoir. Comme l’a expliqué Thierry Santa : « C’est un principe qui est l’esprit initial des accords de Matignon-Oudinot, qui ont permis à la Calédonie de retrouver la paix dans une logique de partage des responsabilités. Une logique qui a perdu du chemin au détriment du poids du Congrès, alors même que les provinces sont les seules à réellement représenter dans le poids des suffrages leurs populations ».

Donner plus de poids aux assemblées de province, redéfinir ou en terminer avec le Congrès ? Encore faut-il que tous les protagonistes de l’avenir de la Calédonie veuillent se retrouver autour de la table, ici et non à Paris, pour en débattre. Arriver à parler d’une seule voix pour définir un destin commun demandera sûrement à beaucoup d’entre eux de faire preuve de bon sens pour enfin faire passer l’intérêt général avant le leur. Le chemin semble encore long et périlleux et les trente dernières années ne semblent pas avoir servi à la cause, si ce n’est d’obtenir la plus grande autonomie possible, tout en étant toujours bénéficiaire des largesses de l’aide de l’État.

D.P.

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