Qui paiera pour sauver la SLN ?

Le 31 décembre, Doniambo devrait être proche de son objectif annuel de 45 000 tonnes de nickel métal, soit un rebond de 10 % après une année 2022 catastrophique. L’an prochain, la cible sera 48 000 tonnes, annonce Jérôme Fabre.© Archives DNC / G.C.

Eramet conditionne son soutien financier à un accord politique global. Comme l’État, son propre actionnaire, le groupe lie sa décision à des concessions de la part des indépendantistes sur la question de l’export de minerai, qui est une des ses priorités.

Pour la rentabilité à long terme, Bruno Le Maire a esquissé début décembre un plan d’investissement dans de nouvelles centrales éléctriques. Pour le moyen terme, qui durera « entre 5 et 10 ans », le ministre de l’Économie envisage de subventionner l’énergie, faite de charbon et de fioul. Mais à très court terme, pour survivre, les trois usines doivent trouver des financements extérieurs pour éponger leurs pertes. Qui paiera ? La réponse à cette question cruciale, qui n’est pas clairement inscrite dans le projet d’accord sur le nickel, figure au cœur des négociations.

Début 2023, après un exercice déficitaire de 30 milliards de francs, la SLN avait reçu un prêt de 4,8 milliards de la part de l’État. Le contribuable métropolitain pourrait être sollicité une fois de plus, mais Paris exige que toutes les parties prenantes fassent un geste. Politique, sur l’export, côté élus locaux. Financier, côté Eramet. Le projet d’accord dit que les actionnaires « contribueront au redressement » en « structurant le bilan » des usines, ce qui, en jargon financier, signifie apporter du cash. Et les besoins de sa filiale sont énormes.

LE « MUR » DES TRAITES DU GRAND EMPRUNT

La SLN fait face au « mur » du remboursement du prêt de 63 milliards reçu en 2016 – dont 39 venus d’Eramet et 24 de l’État. Théoriquement, les premières traites doivent être versées l’an prochain. Jérôme Fabre ne fait aucun mystère à ce sujet. « On ne va pas pouvoir les payer. C’est notre problématique 2024 », a déclaré vendredi 8 décembre le directeur de la SLN qui, pour prolonger le paiement des salaires, aimerait obtenir des délais supplémentaires pour s’acquitter des impôts et de la part patronale des cotisations sociales.

« En date du 10 novembre, on a ouvert une procédure judiciaire de conciliation pour faire le lien entre toutes les parties prenantes » : actionnaires, Cafat, collectivités… La conciliatrice est « indépendante », insiste Jérôme Fabre. « C’est quelqu’un qui peut dire les choses à notre place. Elle nous aide. »

ERAMET ET L’ÉTAT À L’UNISSON

Eramet, qui répète sa volonté de ne plus mettre un franc dans sa filiale calédonienne, continue en réalité de la soutenir de façon discrète, quoique minimale. Le groupe fournit les garanties financières exigées par le Code de l’environnement de la province Sud, ce qui revient à immobiliser plusieurs milliards de francs utilisables dans le cas de dégradations illégales.

Plus directement, « c’est Eramet qui va payer notre prochain bateau de fioul, indique Jérôme Fabre, et on le remboursera plus tard », à une date qui paraît incertaine. Cette aide de 3 milliards de francs repousse à février la potentielle cessation de paiement. Le géant français des métaux mettra-t-il davantage sur la table ? « S’il n’y a pas de perspective de rentabilité, les usines finiront par fermer », estime Jérôme Fabre.

« S’il y a un accord politique », qui impliquerait de la part des indépendantistes des concessions sur la question de l’export de minerai, « cela change la donne ». Sur ce point, Eramet et son propre actionnaire, l’État, sont à l’unisson. La question du soutien à la SLN sera évoquée lors du conseil d’administration du groupe qui aura lieu vendredi à Paris.

Gilles Caprais

Repères

Usine du Sud : le Soenc en appelle à Trafigura

Prony Resources New Caledonia fait face à un risque de cessation de paiement à très court terme. Estimant que l’entreprise a besoin de près de 250 millions de dollars (27 milliards de francs), le Soenc Nickel a lancé le 1er décembre un appel à Trafigura. Actionnaire à 19 %, le géant suisse du négoce des matières premières est « le seul » à pouvoir payer, estime le Soenc.

KNS : Glencore ne veut plus payer seul

Même si la production augmente, Koniambo Nickel se dirige vers un nouvel exercice largement déficitaire, ce qui creusera une dette dépassant déjà 1 600 milliards de francs. Glencore, actionnaire à 49 %, a annoncé sa volonté de « cesser de financer les opérations de l’usine du Nord à à la fin du mois de février si aucune nouvelle solution de financement n’était identifiée ».

Taxes : le Medef veut savoir

Les petites lignes du contrat proposé par Bruno Le Maire parlent de « renoncement à l’amodiation » et de «compensation de toute nouvelle mesure fiscale ». Dans un courrier daté du 12 décembre, le Medef demande au gouvernement de déclarer une « position officielle » sur le sujet, et l’exhorte à « agir immédiatement pour éviter une catastrophe économique et sociale ».