Quel avenir pour le tourisme international ?

La levée progressive des mesures sanitaires ouvre la voie à un retour des touristes internationaux. À la veille de la reprise, les questions de fond ressurgissent avec plus de force que jamais. Stratégie pour attirer les touristes, position au sujet de la croisière, préservation de la nature, taux d’occupation des hôtels haut de gamme, relance de l’aérien… Politiques, techniciens et professionnels donnent leur avis.

 

Deux paquebots par semaine à l’Île des Pins, « c’est trop »

La pandémie ne semble plus faire obstacle au retour des navires. Mais chez les Kunié, certains estiment que revenir à une centaine de touchers par an ne serait pas raisonnable pour des raisons environnementales ou sociales. Charles Vakié, premier adjoint au maire, souhaite ralentir la cadence.

Les navires de croisière n’ont pas jeté l’ancre en baie de Kuto depuis deux ans et Louise Kouathé n’est pas pressée de revoir leur silhouette. « Je suis contre la croisière. Je n’aime pas le tourisme de masse, cela détruit plus qu’autre chose. » La gérante du camping Atchu s’inquiète des « quantités de crème solaire » qui rejoignent les eaux de la baie de Kanuméra, à deux pas de chez elle. « On a déjà limité à 100 bateaux par an, mais ils sont de plus en plus gros ! Au début, c’était 1 200 passagers, et puis c’est passé à plus du double… C’est trop. »

Son confrère, Jacques Apikaoua, est moins pessimiste. « Ce n’est plus le tourisme d’avant. Les croisiéristes sont beaucoup plus respectueux de l’environnement. Ils sont accueillis, guidés, donc ils causent moins de dégâts que les touristes qui se baladent seuls », assure le patron des Trois banians, « impatient » de revoir les croisiéristes sur la plage de Kuto. Les jours de toucher, il faisait partie des vendeurs de brochettes, de cocos verts, de beignets… « Cela faisait une petite rentrée d’argent pour tout le monde. Avec deux touchers par semaine, les gens vivaient bien, estime celui qui n’imagine pas un instant que les paquebots soient bannis de Kunié. On ne peut pas fermer aux croisiéristes. La croisière est incontournable sur l’île des Pins. »

« Juste ce qu’il faut pour vivre »

Charles Vakié, premier adjoint au maire, n’envisage pas l’arrêt, mais pense qu’une nouvelle limitation des touchers est nécessaire. Il affirme qu’elle est souhaitée par les habitants. « C’est un effet positif du Covid. La population s’est rendu compte que l’on peut avoir un tourisme différent. »

Charles Vakié, premier adjoint au maire de l’île des Pins, souhaite procéder à une nouvelle limitation du nombre de touchers.

 

Pour l’élu municipal, la croisière entraînait trop de dégradations « environnementales » et « sociales ». « Quand un transporteur gagne 150 000 francs grâce à quelques journées de travail avec les paquebots, il se détourne de son champ. C’est un problème pour notre culture. La solution, c’est de ne pas chercher le volume, d’accueillir juste ce qu’il faut pour vivre. » Où placer la limite ? « Deux touchers par semaine, c’est trop. »

Passer à un mouillage par semaine serait une division par deux par rapport à la fréquence de 2020. Cette question est appelée à être discutée entre autorités politiques, coutumières, et représentants des entreprises du tourisme. Ces discussions étant peu avancées, il est improbable que les paquebots de Carnival, compagnie américaine qui pesait 80 % du marché, soient de retour avant plusieurs mois. La commercialisation des croisières auprès de la clientèle anglo-saxonne commence généralement près d’un an avant le départ.

Objectif luxe

Les choses pourraient aller plus vite avec la compagnie du Ponant et ses navires haut de gamme, dont le Lapérouse, d’une capacité de 184 voyageurs. « Nous avons entamé des discussions avec le Ponant, indique Charles Vakié, persuadé que l’île des Pins gagnera à développer des prestations de luxe. On a une nature exceptionnelle. Traverser le plateau à VTT ou à pied, faire de la voile, apporter son paddle à l’île des Pins, c’est du luxe. Le but, c’est que les gens viennent, puis reviennent chez nous. »

Louise Kouathé souscrit complètement à cette vision et assure que les deux tourismes ne sont pas compatibles. « Les gens réservaient en fonction des arrivées de paquebots pour les éviter. Le tourisme de tous les jours, c’est mille fois mieux. Ça nous permet de garder notre authenticité. »

 


CCI : la reprise des croisières, « une opportunité extraordinaire »

Jennifer Seagoe, présidente honoraire de la CCI.

 

Les croisières reprendront-elles en 2022 ? « Pour l’instant, on ne sait pas, mais c’est l’espoir des compagnies maritimes », indique Jennifer Seagoe, présidente honoraire de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), qui « fait tout pour soutenir la croisière ». L’activité a généré des retombées économiques annuelles allant jusqu’à 500 millions de francs à Lifou et 1 milliard à l’Île des Pins, estime la Chambre de commerce et d’industrie.

De plus, la période actuelle offre « une opportunité extraordinaire ». Les compagnies ont « complètement changé de stratégie, annonce Jennifer Seagoe. Elles ont admis la nécessité de participer au développement, et donc de contribuer à certains investissements », comme l’amélioration des installations d’accueil dans les Îles. « Il ne faut absolument pas rater cette opportunité. »

 

 


65 navires en 2019

En 2016, l’Île des Pins avait reçu 109 bateaux transportant 243 000 passagers. Lors de la dernière année pleine, 2019, le bilan était de 65 navires et 156 000 passagers, notamment en raison des limitations et du renouvellement de la flotte de la compagnie Carnival.

 

Gilles Caprais (© G.C. et CCI)