Que contient le pacte sur le nickel ?

D’après le projet de pacte, les industriels doivent prévoir « les investissements suffisants pour maintenir l’appareil productif à moyen terme ». (© Archives Y.M.)

La dernière version en date du pacte sur le nickel, plan censé relever la filière, mentionne les engagements de l’État, des industriels et des collectivités. DNC a pu consulter le projet de texte.

Le 25 mars à Paris, l’État prévoit la signature du pacte sur le nickel, le plan proposé par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire pour redresser cette industrie en Nouvelle-Calédonie. Après quatre mois de négociations avec les opérateurs, le gouvernement ou encore les provinces, cette « feuille de route » non chiffrée, selon le directeur général de la SLN Jérôme Fabre, détaille les engagements des uns et des autres.

À la lecture de la « V7 », la dernière version du document à ce stade, à laquelle DNC a eu accès, les industriels déploient « leurs meilleurs efforts pour atteindre à l’horizon 2027 la production nominale », tout en maîtrisant leurs coûts notamment par « une modération salariale ». Les pyrométallurgistes doivent viser « l’objectif stratégique de produire de la matte de nickel ». Et « en contrepartie des subventions reçues de l’État », est encouragée la mise en place d’« un mécanisme de priorisation du marché européen s’agissant des produits destinés au marché des batteries ».

L’État, de son côté, soutiendra « sur 10 ans un programme d’investissement, sous le contrôle de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), permettant la fourniture aux métallurgistes d’une énergie stable, fortement décarbonée à un prix compétitif sans subvention ». Les modalités de cofinancement du programme seront détaillées une fois les travaux de la CRE rendus.

Pendant son déploiement uniquement, Paris instaurera « un mécanisme de subvention à l’énergie pour les sociétés métallurgiques », dont le montant serait « plafonné et décroissant au fur et à mesure du programme d’investissement ». Et « cette subvention sera cofinancée avec les collectivités de Nouvelle-Calédonie ».

RECETTES SUPPLÉMENTAIRES DE TGC

La participation du territoire est justement précisée dans ses engagements : 8 milliards de francs « dès 2024 » financés « notamment par des recettes supplémentaires de TGC, sous réserve d’une contribution de l’État au moins égale à ce montant ». D’après des échos, le coût annuel et global de cette subvention à l’énergie serait estimé à 24 milliards de francs. L’Inspection générale des finances a évoqué, dans son rapport, une cible pour la facture moyenne de l’électricité des trois opérateurs à 80 euros le mégawattheure, ou 87 dollars US, contre 200 dollars ou un peu moins payés aujourd’hui. Or, les concurrents en Indonésie se placent entre 50 et 70 dollars.

Dans la « V7 » du pacte, le gouvernement calédonien doit proposer « une loi de pays réformant le code minier pour ouvrir temporairement l’exportation de minerai brut des réserves géographiques métallurgiques de Goro, Koniambo et Tiebaghi, dans la limite de 1 million de tonnes par an pour chacune de ces réserves ». Sur cette ligne d’un assouplissement des dispositions, les exportations de minerai brut des opérateurs métallurgiques seront soumises à simple déclaration dans la limite de deux fois les quantités fondues l’année précédente.

En outre, l’exécutif, pour ne pas accroître la charge sur les métallurgistes bénéficiaires de l’aide à l’énergie mais déficitaires, est invité à suspendre « la mise en œuvre du régime spécial de l’amodiation » et à instaurer « un bouclier fiscal […] pour toutes les nouvelles mesures fiscales adoptées depuis le 1er janvier 2023 ». Les provinces, elles, « faciliteront l’accès des entreprises à leur domaine minier », notamment par la pratique administrative.

« Le pacte nickel est prêt, il est important de le signer le plus rapidement possible », a insisté Jérôme Fabre de la SLN. Prony Resources NC tient un conseil d’administration ce vendredi pour en décider, mais le principe de la signature devrait être acté. KNS est toujours en discussion avec Paris. La SMSP n’a pas reçu d’invitation pour le paraphe du document dans la capitale tricolore, selon l’actionnaire majoritaire de Koniambo Nickel, et s’interroge sur cet engagement alors que l’opérateur recherche un repreneur des parts de Glencore. À la demande du gouvernement, le pacte sur le nickel sera présenté jeudi 21 mars au Congrès.

 


Polémique : Jérôme Fabre précise

Le propos a soulevé la controverse. « La Nouvelle-Calédonie pourrait devenir un territoire “purement minier”», avait rapporté le journal britannique Financial Times fin février, après avoir rencontré la PDG d’Eramet, Christel Bories. « Mais c’est en aucun cas ce qu’elle souhaite », a expliqué Jérôme Fabre, directeur général de la SLN, deux semaines plus tard. « C’est une alerte, un cri d’alarme. Le risque est réel, il n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui. » Pour autant, à Doniambo, selon le dirigeant, « nous ne sommes pas dans une logique de recherche de repreneurs ».

Ultimatum

L’État a accordé en février un nouveau prêt à la SLN d’un montant de 60 millions d’euros (7,1 milliards de francs) en urgence. Ce qui va permettre à Doniambo de tenir jusqu’à la mi-avril. D’où la recherche de financements complémentaires. Et sans le prêt de Paris de 140 millions d’euros (16,7 milliards de francs) en plusieurs tranches, dont le versement est conditionné à la signature du pacte sur le nickel, Prony Resources NC survivra jusqu’à la fin avril.

Yann Mainguet