Quatre questions pour y voir plus clair

Noumea, Saturday, October 24, 2020. Official visit of the Minister of the Overseas Territories Sebastien Lecornu. Some Caledonians came to show their attachment to France with tricolore flags.Photograph by Theo Rouby / Hans Lucas. Noumea, samedi 24 octobre 2020. Visite officielle du ministre des outre mers Sebastien Lecornu. Quelques caledoniens sont venus montrer leur attachement a la france avec des drapeaux tricolores. Photographie de Theo Rouby / Hans Lucas.

Le long séjour sur le territoire de Sébastien Lecornu a permis de marquer le retour de l’État dans le dossier calédonien. Mais le ministre des Outre-mer a repris la direction de Paris, en laissant surtout le soin aux Calédoniens de préparer l’avenir. Il a, au passage, annoncé que troisième référendum ou pas, il y aura inévitablement un nouvel accord.

Que retenir du séjour de Sébastien Lecornu en Nouvelle-Calédonie ? La première est que l’État signe son retour et qu’il a voulu rompre avec les habitudes. Entre les consultations des formations politiques par visioconférence imposées par la situation sanitaire ou sur le terrain, les rencontres avec les représentants des collectivités, la jeunesse, les représentants économiques et de la société civile, les dépôts de gerbes, tout a été organisé pour y mettre les formes. Mais c’est dans les tout derniers jours que les temps forts ont émergé avec la création de la place de la Paix et la « retraite des leaders » à l’îlot Leprédour. L’objectif semble atteint, pour Sébastien Lecornu. « Les trois parties historiques à cet accord politique et au processus que l’on connaît depuis de nombreuses années se sont retrouvées, là où les deux campagnes référendaires, et singulièrement la dernière, avaient pu créer de la distance », a-t-il résumé.

La forme et le fond

La forme a été soignée avec la reconnaissance de la poignée de main entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, à Nouméa, et la réunion à Leprédour. Sur le fond, ses différentes interventions ont aussi démontré une certaine volonté de bousculer les uns et les autres pour qu’ils précisent exactement ce qu’ils veulent vraiment pour les Calédoniens. Un positionnement salué par l’ensemble des composantes politiques. Sonia Backes, pour les Loyalistes, a déclaré que c’était « très encourageant de voir que l’État reprend son rôle, car il est vrai que nous nous sommes sentis abandonnés pendant plusieurs mois. C’est donc une très bonne chose que l’État ait repris sa place. Les fils du dialogue ont été renoués. Alors évidemment, le chemin va être long, il va être escarpé, mais je pense que nous sommes sur la bonne voie. »

Du côté indépendantiste, Daniel Goa a indiqué que le ministre a « essayé d’insuffler un nouvel état d’esprit, c’est ce qu’il a fait avec l’aide de Madame Tjibaou et Madame Isabelle Lafleur et la maire de Nouméa, en inaugurant d’abord ce futur projet de statue. Simplement pour faire comprendre que deux hommes ont donné leur vie, de convictions opposées, mais qui arrivent à se préoccuper des Calédoniens. Ce n’est qu’une première discussion et après, d’un côté comme de l’autre, on va faire des efforts pour essayer de trouver une solution commune. »

Travailler dans l’intérêt de la Nouvelle-Calédonie

Le ministre des Outre-Mer a effectivement appelé les politiques calédoniens, à trouver une solution commune « dans l’intérêt du territoire et de ses habitants ». Pour cela, il faut qu’ils justifient leurs motivations et leurs intentions avant que le Congrès décide ou non d’un troisième référendum. Sébastien Lecornu leur a précisé qu’il fallait que les partenaires des accords travaillent sur le oui et sur le non. Pour lui, il faut arriver à répondre à ces quatre questions : « Qu’est-ce que ça veut dire l’indépendance, qu’est-ce que ça veut dire la souveraineté, qu’est-ce que ça veut dire être Français aujourd’hui et qu’est- ce que la relation avec la France ? » Quand les politiques locaux auront répondu, « on y verra plus clair sur l’avenir de la Calédonie », a déclaré le ministre.

À cette méthode, Sébastien Lecornu a ajouté une condition : un certain devoir de confidentialité. Il a d’ailleurs souligné : « Nous avons six mois de discussions devant nous et un peu de discrétion, après une campagne référendaire dans laquelle on a parlé beaucoup, ne fait pas de mal. Ce n’est pas pour se mettre à distance de la population, c’est, au contraire, pour mieux travailler. » Voilà pour la méthode Lecornu, répondre aux questions que se posent les Calédoniens, aidée également par la société civile que le ministre a appelée à participer largement au débat afin de faire avancer le dossier. Une réunion avec les membres du Cese (Conseil économique, environnemental et social) s’est d’ailleurs tenue le jour de son départ, l’institution se voyant confier la mission de recueillir les attentes de la société civile calédonienne.

Un nouvel accord

Concernant le calendrier enfin, il est clair puisque déjà défini. Pour Sébastien Lecornu, « on a six mois utiles ». Le ministre n’en a pas dit plus sur le maintien ou pas de la consultation, expliquant simplement que si elle était demandée, « elle serait organisée », mais en ajoutant surtout que « quoi qu’il arrive, il y aura un nouvel accord, parce que si le non l’emporte de nouveau, il faudra se remettre autour de la table, parce qu’une continuité du processus va se produire inévitablement, plein de questions vont se reposer, le corps électoral, le processus de décolonisation, la reconnaissance de la culture kanak, etc. » Dans l’optique où le oui l’emporterait, le ministre a déclaré qu’il y aura « forcément un accord de transition. On ne va pas plier le drapeau le lendemain, on n’abandonnera personne ». Enfin, dernière option, si les élus décident qu’il n’y aura pas de troisième référendum, ce sera un « cas d’école, explique le ministre, et là aussi, de toute façon, il faudra un nouvel accord ».

Quoi qu’il arrive, pour le représentant de l’État, il est urgent et inévitable que les discussions s’engagent en fonction de ces trois possibilités. Ces discussions devront se faire entre les dix de Leprédour, mais avec la collaboration des représentants de la société civile, avec les élus du Congrès, les parlementaires… de manière à ce que l’État prenne, peut-être, des initiatives politiques, comme l’ont fait Michel Rocard et Lionel Jospin.

D.P.

©Théo Rouby / Hans Lucas via AFP