Prony Resources cherche son modèle

PRNC visait une production de 36 000 tonnes en 2023. La réalité serait un peu en dessous. (© Y.M.)

Confronté à un tarissement accéléré de sa trésorerie, l’opérateur de l’usine du Sud est en quête à la fois de liquidités immédiates et d’un partenaire financier fiable sur le long terme.

Son passé était déjà mouvementé. Mais, en un peu plus de trois ans, l’usine du Sud a encore connu quatre événements majeurs : des destructions sur fond d’affrontements, une refonte de son capital avec l’entrée du géant suisse Trafigura, une conversion vers le nickel pour les batteries des véhicules électriques, enfin des difficultés comptables importantes aujourd’hui. La trésorerie a en fait fondu.

À sa naissance en avril 2021, Prony Resources New Caledonia disposait d’un cash initial réparti en 500 millions de dollars US laissés par le groupe Vale, 420 millions d’euros de l’État et la contribution en capital de Trafigura. Ces fonds ont soutenu le projet Lucy, un procédé innovant permettant l’assèchement des résidus humides produits par l’usine, ou encore le paiement des garanties environnementales.

Mais diverses déconvenues ont cassé l’envol de l’aigle pêcheur, symbole de l’entreprise : de la nette augmentation du prix des matières premières à la déception au niveau de la production et la chute du cours du nickel. En un an, la valeur du métal à la Bourse du LME a dégringolé de plus de 40 %. Souci, Prony Resources New Caledonia, dont le capital est composé d’« intérêts calédoniens » à hauteur de 51 %, ne peut assurer son autonomie financière.

Selon des échos, le besoin immédiat de trésorerie serait estimé à environ 200 millions d’euros, soit près de 24 milliards de francs. D’où viendra ce chèque ? Actionnaire à 19 %, Trafigura, l’un des leaders mondiaux du négoce de matières premières, qui a pourtant réalisé des profits en 2023 qualifiés d’« hors norme » par les analystes, refuse visiblement d’accorder des fonds.

Pire, le partenariat commercial est un échec cuisant pour la société calédonienne, selon le parti Calédonie ensemble. Puisque, toujours d’après les leaders du mouvement politique, le négociant de classe mondial aurait pratiqué des marges commerciales très confortables sur la production de l’usine du Sud, alors que l’opérateur à Prony était déficitaire.

VERS LE MARCHÉ EUROPÉEN

Qui paiera donc la somme permettant de renflouer la trésorerie ? La balle est dans le camp de l’État, sollicité pour un soutien en liquidités. « Composé de 37 % de nickel et de 2 à 3 % de cobalt », le produit intermédiaire peu raffiné de PRNC « constitue la matière première des batteries lithium-ion/nickel utilisées dans la fabrication de véhicules électriques », écrit le métallurgiste, et cette production s’inscrit totalement dans la stratégie avancée par les ministres Gérald Darmanin et Bruno Le Maire : privilégier l’alimentation du marché européen en nickel destiné à la fabrication de ces batteries. Prony Resources a signé en 2021 un accord de fourniture avec le constructeur automobile américain de voitures électriques, Tesla.

Et il y a demain. Ainsi, « la pérennisation de l’outil nécessite de travailler sur une révision de l’actionnariat de l’entreprise en recherchant un actionnaire de référence disposant de meilleures capacités financières pour l’accompagner sur le long terme », mentionne le communiqué conjoint de la société, de la province Sud et de l’État, publié le 19 janvier. « Dans ce contexte, la recherche d’un nouveau partenaire est d’ores et déjà engagée. »

Ce partenaire financeur, investisseur, viendra-t-il aux côtés ou à la place du groupe de négoce Trafigura ? La question se pose. Si l’usine d’assèchement du projet Lucy est achevée, la phase 2 correspondant à la réalisation de la zone de déposition des résidus asséchés a été repoussée, vu la conjoncture. Ce report représente une difficulté pour les sous-traitants.

Yann Mainguet