Pour Patrick Tuifua, tous les chemins mènent à l’équipe de France

Contre l’Irlande, Patrick Tuifua (1,91 m, 113 kilos) a montré les qualités qu’espérait voir l’encadrement de l’équipe de France. (© FFR)

Auteur d’un essai, le troisième ligne formé à la JSL Normandie a réussi ses débuts en équipe de France U20 samedi, à Aix-en-Provence, malgré la défaite contre l’Irlande (31-37). Installé en Nouvelle-Zélande, un choix atypique pour un joueur français, il est une révélation pour les Bleuets.

Arrivé sur la pointe des pieds en équipe de France, Patrick Tuifua s’est fait remarquer dès sa première sélection : un essai inscrit en force après une pénalité jouée à la main à 5 mètres de la ligne irlandaise, 57 mètres gagnés au cours du match, 18 plaquages… « Il devrait très vite se faire un nom », prédit le journal spécialisé dans le rugby Midi olympique, impressionné par « la puissance » du troisième ligne calédonien, que personne n’avait vu venir en équipe de France… à part l’entraîneur national Sébastien Calvet, bien renseigné par ses contacts en Nouvelle-Zélande.

Car Patrick Tuifua était quelque peu sorti des radars de la fédération, lui qui, en 2020, avait rejoint Lindisfarne College, tout près de Napier, sur la côte Est de la Nouvelle-Zélande. Un choix atypique, puisque la plupart des espoirs calédoniens rejoignent les centres de formation des clubs de Métropole, mais pas rarissime non plus.

LE « PROFIL TYPIQUE » DU 3e LIGNE NÉO-ZÉLANDAIS

« À Lindisfarne, au total, on a accueilli 33 Calédoniens et 5 Wallisiens et Futuniens », indique Laurent Simutoga, qui fut le premier d’entre eux, en 2005. Passé par le Stade français et La Rochelle en tant que joueur pro, le pilier s’est réinstallé à Lindisfarne pour sa reconversion dans l’entraînement, en 2012.

Depuis, il scrute les jeunes Calédoniens qui participent à des tournois en Nouvelle-Zélande. Il est par ailleurs l’oncle de Patrick Tuifua, ce qui a grandement facilité le choix du jeune joueur. « Quand il est arrivé, il était très timide. Je lui ai apporté un soutien familial, mais de toute façon, les Néo-Zélandais accueillent les gens à bras ouverts. » Et les bonnes performances de son neveu ont facilité son intégration. « Il a un profil typique du troisième ligne néo-zélandais : athlétique, rapide, agressif, qui fait mal à l’impact, il réunit toutes les conditions pour faire un bon numéro 8, qui sort de la mêlée et gagne des mètres à chaque fois. »

« TOUT A ÉTÉ TRÈS VITE POUR LUI »

C’est également l’avis de l’équipe des Hawke’s Bay Magpies, qui l’a recruté en août 2023. En deuxième division néo-zélandaise, l’écho de ses charges a retenti jusqu’à Marcoussis, quartier général des équipes de France de rugby. L’encadrement des Bleuets s’est empressé de convoquer l’espoir du bout du monde. Patrick Tuifua participera à la deuxième journée du Tournoi des Six nations samedi, contre l’Écosse, puis retrouvera les Magpies, pour préparer la prochaine saison. « On en avait discuté dès le départ avec l’entraîneur de l’équipe de France et avec Laurent », précise Jean-Philippe Tuifua, son père, convaincu par la formation néo-zélandaise et soucieux de ne pas brûler les étapes.

« En l’espace d’un an, tout a été très vite pour lui. On se doutait qu’il réussirait, mais là… Il a dépassé les espérances », souffle le président des Vikings 988 (anciennement JSLN). « On a eu de belles propositions en Métropole, mais Patrick n’est qu’au début de sa formation. Le faire partir cette année, pour moi, ce serait une erreur. Il perdrait tous ses repères. Il a appris le rugby en Nouvelle-Zélande. En France, ce ne sont pas les mêmes façons de faire. Il faut qu’il continue sur sa lancée, sur son chemin d’apprentissage. »

Gilles Caprais

« On n’oublie pas qu’on est français »

Le choix de la Nouvelle-Zélande suscite une certaine méfiance, regrette Laurent Simutoga. « On n’est pas très bien vus en Nouvelle-Calédonie… » La raison : les équipes nationales sont autorisées à sélectionner des joueurs étrangers, à condition qu’ils évoluent dans le pays depuis cinq ans au moins. En 2025, Patrick Tuifua serait donc devenu sélectionnable par les All Blacks s’il n’avait pas joué pour les Bleuets dans le cadre du Tournoi des Six nations.

« Ce n’est pas parce que l’on vient en Nouvelle-Zélande que l’on va jouer pour les All Blacks. C’est au choix des parents, des joueurs. Et on n’oublie pas qu’on est français », assure Laurent Simutoga, lui-même passé par l’équipe de France U21, qui défend l’« expérience de vie » qu’est la vie chez les Kiwis. « Les jeunes apprennent l’anglais. Ils gèrent un compte bancaire, ils deviennent autonomes. Et si le pays leur manque, Nouméa n’est qu’à trois heures de vol. »