Pollution : Scal’Air surveille le port

Thomas de Gubernatis (à gauche), directeur adjoint de l’AFD, Brice Kiener, directeur du port autonome, et Nina Julié, présidente de Scal’Air. Les trois structures participent au financement de l’opération, qui s’élève à 4,9 millions de francs. (© A.-C.P.)

L’association de surveillance de la qualité de l’air va mesurer les gaz polluants émis par l’activité portuaire. Une façon de s’assurer que les bateaux accostant à Nouméa respectent la réglementation. Les prémisses de la transition énergétique du port autonome.

Quel est l’impact des activités du port autonome sur la qualité de l’air à Nouméa ? C’est pour répondre à cette question que l’établissement vient de lancer, avec Scal’Air, une campagne sur le terrain, concrétisée par la signature d’un partenariat, jeudi 24 août. L’étude s’inscrit dans le cadre de l’élaboration du Schéma directeur de la transition écologique et énergétique (TEE) de la structure portuaire. L’objectif est, entre autres, de s’assurer que les bateaux de commerce ou de croisière respectent les normes en vigueur. « On pourra vérifier que les navires qui accostent en Nouvelle-Calédonie se conforment aux seuils mentionnés par la réglementation internationale, un fioul avec un taux maximum de 0,5 % de soufre », annonce Brice Kiener. Les paquebots, notamment, consomment beaucoup, car leurs moteurs continuent de tourner même quand ils sont à quai.

« DÉTERMINER OÙ IL Y A DES PROBLÉMATIQUES »

Concrètement, plusieurs capteurs vont mesurer le dioxyde de soufre (S02), le dioxyde d’azote (NO2), les poussières fines (PM10 et PM2,5), les métaux lourds (dont lenickel) et les composés organiques volatiles BTEX (dont le benzène), couvrant l’ensemble de l’activité portuaire. « On est allé voir toutes les activités : le roulage, la manutention, le carénage, la peinture… », raconte Alexandra Malaval-Cheval.

Le laboratoire mobile prendra la suite afin d’assurer un suivi continu, avant un rapport final fin 2024. Les résultats seront couplés avec le planning des arrivées de bateaux. « On pourra voir si, en cas de pic sur une journée, cela provient des paquebots, des navires de commerce, etc., et déterminer où il y a des problématiques. »

Mais, le port se trouvant à proximité de la CAT (centrale accostée temporaire) de la SLN et d’un axe routier très fréquenté, la VDO, comment savoir si les gaz polluants émanent bien de cet endroit ? « Nous avons des outils qui permettent de différencier les traceurs de ces pollutions, on est capable de dire si ça provient de l’activité portuaire, de la SLN ou autre », affirme Nina Julié, présidente de Scal’Air. Et si une analyse ne correspondait pas aux normes fixées par la loi ? Scal’Air s’engage à le signaler au port, aux institutions et au grand public, comme elle le fait déjà pour ses autres stations. « Notre travail est aussi de donner des préconisations, notamment en cas de dépassement », ajoute Alexandra Malaval-Cheval.

« RÉPONDRE AUX EXIGENCES DES GRANDS PORTS »

Le port aurait-il pris du retard en matière environnementale ? « Un peu, oui », recon naît le directeur. D’autant qu’aucun arrêté ne l’oblige à opérer ce suivi, à l’inverse de la SLN ou de Prony Resources, par exemple. « Là, on va un peu plus loin, on amorce le schéma directeur. L’analyse atmosphérique nous aidera à mieux adapter les travaux d’aménagement et de transition énergétique prévus. »

Au-delà de ce partenariat qui « lance une dynamique », assure Brice Kiener, le port autonome réalise d’autres actions. Achat de véhicules hybrides, mise en place d’un système d’éclairage du grand quai par Led, installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures ou encore suivi annuel de l’état des récifs coralliens, qui « restent stables ».

L’enjeu, dans les années à venir, être plus autonome et verdir l’électricité utilisée. Et, surtout, électrifier les quais afin que les paquebots puissent se brancher et couper leur moteur une fois accostés, conclut Brice Kiener. « C’est ce vers quoi on veut tendre afin de répondre aux exigences des grands ports. »

 

Ce que dit la réglementation internationale

Le port autonome se base sur la Convention internationale pour la prévention de la pollution marine par les navires (Marpol) adoptée par l’OMI, Organisation maritime internationale, autorité chargée de réglementer les transports maritimes, en 2020. Ce traité environnemental oblige les bateaux à utiliser un fioul dont la teneur en soufre est limitée à 0,5 % m/m (masse par masse) au lieu de 3,5 % m/m auparavant. À titre de comparaison, indique Nina Julié, présidente de Scal’Air, celui de « la CAT de la SLN est à 2 % et 0,7 % quand certaines conditions météorologiques contraignent la SLN à passer en fioul TBTS (très basse teneur en soufre) ».

La France s’inscrit dans une stratégie nationale portuaire datant de 2021. Elle précise les moyens à mettre en place afin de favoriser la transition énergétique : fourniture de carburants alternatifs pour les navires, branchement électrique à quai et production d’hydrogène pour l’industrie portuaire et les petits bateaux. À noter que dans l’Hexagone, seuls les ports de plus de 250 salariés sont obligés d’évaluer leur empreinte carbone.

 

 

Nouméa, 2e port de l’outre-mer
Le port autonome accueille entre 280 et 300 porte-conteneurs chaque année.

« C’est par là qu’arrivent 95 % des marchandises en Nouvelle-Calédonie », précise Brice Kiener, directeur du port autonome, ce qui en fait le deuxième en outre-mer après celui de La Réunion. Sa spécificité ? Il accueille tous les secteurs d’activité, pétrolier, cabotage, fret, croisière. Et il tourne avec 43 effectifs. « À Tahiti, ils font deux fois moins que nous et ils sont 120. »

Entre 280 et 300 porte-conteneurs par an passent par le quai n°8, situé dans la grande rade. Les touchers de paquebots ont connu une année record en 2017 avec 271 arrêts en Nouvelle-Calédonie pour un total de 817 294 passagers, dont 201 à Nouméa (472 177 croisiéristes). En raison du Covid, le trafic a été interrompu entre mars 2020 et début octobre 2022. Les derniers mois de l’année dernière ont vu accoster 23 bateaux contre 149 navires et 343 962 passagers en 2019. Pour les années à venir, 2023-2027, 185 escales sont prévues à Nouméa, soit 400 000 croisiéristes, avec une saison haute de novembre à mars et un pic en décembre et janvier.

 

Anne-Claire Pophillat