Plusieurs voies, diverses destinations

« Je pense que la scorie peut devenir un produit d’export au même titre que le minerai ou la crevette », estime Yves Veran, chef du projet de valorisation du coproduit. (© Y.M.)

Pour la conception de routes, de béton, et même leur potentiel en magnésium, les scories commencent à voyager. L’export vers les États-Unis pourrait être doublé cette année et atteindre 80 000 tonnes. Le Royaume des Tonga a des projets en tête.

♦ L’ATTENTE CALÉDONIENNE

Les scories de la SLN sont conformes aux normes européennes et australiennes des granulats. En revanche, la reconnaissance dans le référentiel de la construction de la Nouvelle-Calédonie, ou RCNC, est « en cours. Le processus est assez long » observe Yves Veran, chef de projet valorisation des scories à la Société Le Nickel, qui vise une validation cette année. Ce qui permettra d’abolir le dernier frein à l’utilisation de la scorie comme granulat, à la place d’une partie du sable naturel, dans le béton. « Avoir le RCNC donnera accès ou rassurera nos partenaires du Pacifique. » La SLN mise aussi sur l’application routière de la scorie comme « couche de forme » sur laquelle va s’appuyer la chaussée, en remplacement de matériaux naturels. Voh en a réceptionné, en 2023, 4 000 tonnes pour la réalisation d’une voie vers des tribus de la chaîne. Autre idée travaillée avec un industriel du BTP : l’intégration de la scorie dans la formulation du bitume. Une société, Resco, se met en place ici par ailleurs pour développer une production de matériaux de sablage à partir du coproduit de Doniambo.

♦ LE POTENTIEL VANUATAIS

En 2018, la SLN avait envoyé un bateau de scories à Efate pour la réfection de routes. Des projets s’ébauchent en ce moment à Santo et à Malekula. Toutes suspicions potentielles de contaminations biologiques devront être auparavant levées, ces deux îles étant indemnes du scarabée rhinocéros.

♦ L’ESSOR AMÉRICAIN

Des clics sur le net ont permis la rencontre entre la SLN et des opérateurs américains pour un marché : le sablage sur métal. Face au coût de matériaux naturels et à la raréfaction des scories de charbon en raison de la fermeture des centrales, des sociétés US comme la Texane MineralTech recherchaient un nouvel abrasif, avec « la volonté de faire “green”, plus vert », note Yves Veran, directeur de Doniambo Scories, filiale dédiée à leur commercialisation. Les études ont abouti à l’ouverture d’un marché aux USA depuis trois ans « qui est pérenne, qui fonctionne », établi en moyenne à 40 000 tonnes annuelles. Cette année, la perspective se place à 80 000 tonnes parce que MineralTech, dont les représentants ont visité Doniambo en février, se développe. Les liens commerciaux entre l’Américaine et la Nouméenne se sont renforcés l’an passé avec l’intervention d’une entreprise calédonienne, la société VPI (Valorisation de produits industriels), filiale de Salmon, chargée du criblage avant envoi pour améliorer la qualité du produit.

Après un poste électrique en 2017, la nouvelle infirmerie de la SLN à Doniambo a été construite début 2019 avec un béton composé de scories. (© Y.M.)

♦ LE RETOUR AUSTRALIEN

Est-ce le Covid ou un brin de conservatisme chez les voisins… La SLN n’a pas réussi à percer le marché australien. Mais une tendance nouvelle se dessine. Par l’intermédiaire d’un des dirigeants de VPI d’origine australienne, les fabricants de produits de sablage ont été approchés, avec une validation de la scorie pour cet usage spécifique à la clé. La SLN vend des petits volumes pour l’instant. Par ailleurs, un fabricant de briques, qui a prévu un déplacement sur le Caillou, cherche à remplacer une partie des produits naturels possiblement par la scorie de ferronickel. Enfin, une société australienne travaille sur la récupération du magnésium dans cette ressource calédonienne pour la production de l’aluminium. Les premiers tests sont concluants.

♦ LA PROMESSE TONGIENNE

Les plages souffrent de l’exploitation du sable aux Tonga, îles frappées par un tsunami en janvier 2022. Quelques mois plus tard, le roi a inauguré une maison construite avec des scories de la SLN après réception de 40 tonnes. Un projet pilote. Un deuxième chantier démonstrateur à court terme est évoqué : la réalisation d’une route avec 200 tonnes de scories. Un sponsor pour le transport des dix conteneurs est recherché. D’autant que la réunion du Forum des îles du Pacifique avec les chefs d’État se tient en août aux Tonga. Et le royaume espère voir plus grand, avec un approvisionnement potentiel de 35 000 tonnes de scories made in SLN, à des fins notamment de remblai. Le diplomate Viliami Lolohea a déjà repéré un port en eau profonde avec un quai adapté au déchargement et une zone de stockage à Nuku’alofa, la capitale. Les fonds de l’État de Polynésie étant limités, il faut faire appel à des financements extérieurs. Différents établissements internationaux sont sollicités.

Yann Mainguet