Philippe Germain : « Tout ça pour autant de platitudes ? »

Applaudie, tant par les plateformistes que dans les rangs indépendantistes, la déclaration de politique générale (DPG) de Philippe Germain est maintenant digérée des sphères politiques. Au bout du compte, elle apparaît comme creuse et sans vision d’avenir. Ni financements. Exemples.

D’abord sur la forme. – Le texte du président s’articule autour de la répétition à sept reprises de l’expression « Au service d’une société en confiance, notre responsabilité collective est… », une expression assez vide de sens. On est dans « l’incantatoire », comme se plaît souvent à le dire Philippe Gomès. Le quotidien comme la plupart des radios l’ont relevé : Philippe Germain avait pour mission de rassurer, après avoir inquiété… Et de tenter de « redonner confiance aux milieux économiques », après les avoir matraqués fiscalement des mois durant…

Confiance ? – Alors, qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire être « au service d’une société en confiance » ? Pourquoi et surtout comment la société pourrait-elle être en confiance ? La lecture de la déclaration n’apporte, bien évidemment, pas de réponses à ces questions. Plus encore : répéter la formule incantatoire à la confiance à sept reprises ne contribue pas à la clarifier et n’en fait pas une vérité pour servir de feuille de route au gouvernement !

Lieux communs. – Mais ce n’est pas la seule platitude entendue par les élus du boulevard Vauban. Ainsi apprennent-ils que le référendum constitue une « échéance historique »… Quelle nouvelle ! On peut ensuite s’interroger sur cette prétendue DPG, qui devrait constituer la feuille de route du gouvernement. Mais ne décline que de manière simpliste une énumération, genre catalogue, de thèmes abordés en de vagues termes sans réels engagements, susceptibles de mettre la société « en confiance ».

D’abord en matière économique. – Philippe Germain utilise de manière inattendue un concept nouveau : celui du « signal à lancer à l’économie ». Toujours est-il qu’un « signal » ne remplace pas une politique publique. Idem lorsque le président du gouvernement prétend apporter de « nouvelles solutions à l’économie », en finançant l’investissement. N’est-ce pas ce qui se pratique depuis des décennies dans toutes les économies non-communistes du globe ?

La jeunesse ensuite. – Le président du gouvernement nous apprend qu’il faut « se mobiliser ! » Formidable, chacun adhère à la devise, mais encore… Énumération de ce qui a déjà été fait, depuis bien avant l’arrivée de Philippe Germain en politique. Pour le reste : « Waterloo morne plaine », disait le poète qui ne pensait pas encore à Philippe Germain.

Perle sur la délinquance. – Le président de l’Exécutif est clair : il nous faut « lutter contre ! ». Pas d’objection, bien sûr dans l’hémicycle. Mais comment ? Réponse du speaker : « Il est devenu impératif de changer en profondeur les mentalités » et il faut que le trafic et la consommation de cannabis deviennent « l’un de nos combats ». Ce combat n’était donc pas le sien pendant les dernières années passées au gouvernement ? A sa décharge, il a été beaucoup plus convaincant sur la lutte contre l’alcoolisation de masse de Calédonie… Mais il est vrai que l’architecture des textes est prête depuis le plan ISA de Sylvie Robineau, qui date d’il y a 8 ans !

Auto satisfecit. – Le président réélu du gouvernement se délivre cependant un autosatisfecit pour « la bonne gouvernance des affaires publiques ». Non seulement, il aurait tenu tous ses engagements, mais il aurait « fait mieux avec moins de moyens ». Affirmation sans justification qui n’a valeur que d’appréciation et tombe encore une fois à plat. Même analyse pour les régimes sociaux, dont entend se saisir le gouvernement de toute urgence. Philippe Germain annonce une avance de trésorerie de 700 millions pour le Ruamm : indispensable pour passer le cap de fin d’année et notamment payer les libéraux de santé. Mais nul ne sait où seront ponctionnés ces subsides…

Les platitudes génèrent des interrogations et les interrogations des doutes. Or le doute est l’ennemi de la confiance, que vous recherchez, Monsieur le président.


Des fissures dans la plateforme

Après la DPG, on comprend mieux la répartition des rôles : Philippe Germain se cantonne dans « l’opérationnel », ou ce qu’il croit être l’opérationnel.

Mais abandonne le « dur », c’est-à-dire la politique à ses « grands chefs » que sont Philippe Gomès pour Calédonie ensemble et Pierre Frogier, pour le Rassemblement : les initiateurs de la plateforme. Or, là aussi des voies d’eau commencent à menacer la flottabilité de la Biscaïenne. Quand le sénateur Frogier, dénie par exemple au député Gomès d’utiliser les termes « peuple souverain » en désignant la population calédonienne appelée aux urnes pour le référendum de 2018. Pourquoi ? « La Constitution de la République ne reconnaît qu’un seul peuple, c’est le peuple français ; un autre peuple souverain serait donc forcément indépendant », sémantiquement parlant le sénateur a parfaitement raison. Mais, quand il affirme qu’en disant cela, le député Gomès s’exprimait au nom de Calédonie ensemble et certainement pas au nom de la plateforme… Le doute gagne néanmoins les Calédoniens qui se posent alors une question : « Mais alors, que font-ils donc ensemble ces deux-là ? »