Péril sur les océans et les zones glaciaires

Le dernier rapport du Giec, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, a été rendu public le 25 septembre à Monaco, quelques jours après l’ouverture du sommet sur le climat de l’Onu, à New York. Pour la première fois, les scientifiques se sont penchés sur l’évolution des océans et de la cryosphère (zones glaciaires). Les conclusions font froid dans le dos…

Le document, 900 pages au total, est le dernier volet de trois rapports commandés au Giec par l’Onu permettant de dresser un état des lieux scientifique sur des thématiques jusqu’alors peu étudiées par les dirigeants politiques.

Cette fois, ce sont les interactions entre réchauffement climatique et évolution de la mer et de la cryosphère, c’est-à-dire l’ensemble des zones glaciaires à la surface du globe terrestre, qui ont été observées. Les scientifiques sont formels : le réchauffement climatique poursuit inexorablement sa course affectant profondément les dynamiques physiques et écologiques de l’océan… Avec pour conséquence des changements de configuration sur les côtes, les îles, les écosystèmes, les glaciers, les îles et bien sûr, les récifs coralliens. L’impact se fera sentir partout dans le monde entraînant des catastrophes naturelles, des bouleversements des conditions de vie, des activités et des risques sans précédent pour les organismes vivants, les animaux, les écosystèmes et les communautés humaines.

La cryosphère fond comme neige au soleil

« Au cours des dernières décennies, le réchauffement climatique a entraîné une réduction généralisée de la cryosphère. Cela se traduit par des pertes de masse des calottes glaciaires et des glaciers, la réduction des couvertures neigeuses et celle de l’étendue et de l’épaisseur de la banquise arctique », souligne le rapport du Giec.

À titre d’exemple, sur les deux dernières décennies, cette perte a doublé au Groenland et triplé en Antarctique. Au pôle Nord, les glaces pérennes, c’est-à-dire celles qui ne fondent pas en été, on perdu 96 % de leur surface en près de trois décennies. Plus de trois millions de kilomètres carrés étaient recouverts de glace pérenne en 1988 et cette année, cette surface n’est plus que de 116 000 km2. Au pôle Sud, où les températures sont pourtant les plus froides de la planète, la calotte polaire géante est également en très grand danger. « Le fonte de l’Antarctique aura des effets sur nos côtes durant des milliers d’années », alerte Didier Swingedouw, l’un des experts climatologues du Giec.

La mer bientôt en surchauffe

Les océans n’ont cessé de prendre des degrés, mais le rapport du Giec pointe surtout le rythme de ce réchauffement, qui a plus que doublé depuis 1993 avec l’apparition de vagues de chaleur océaniques et, forcément, des impacts sur la biodiversité marine. Et ce n’est pas fini : si le niveau d’émissions de gaz à effet de serre ne diminue pas, d’ici 2100, la couche supérieure de l’océan – jusqu’à 2 000 m de profondeur – pourrait se réchauffer entre cinq et sept fois plus vite. Les scientifiques évoquent des risques de canicules marines plus fréquentes, plus intenses et aussi plus longues, des cyclones, ainsi que des impacts sévères sur les récifs coralliens comme le blanchissement des coraux tous les ans d’ici 2030. Il est démontré que c’est dans ces récifs que la vie marine se reproduit et que 500 millions de personnes à travers le monde en dépendent. Sans parler de la menace sur les herbiers et les mangroves, qui pourtant stockent bien mieux le carbone que les écosystèmes terrestres.

Le niveau de l’eau monte

Au cours du XXe siècle, le niveau des océans est monté de 15 centimètres. Cette hausse, aujourd’hui deux fois plus rapide, continuera à s’intensifier avec la fonte des glaces. Les conséquences de ce mélange d’eau salée et douce sont encore inconnues au niveau du système météorologique, climatique et des écosystèmes marins. Ce qui est certain, en revanche, c’est que même avec une émission de gaz à effet de serre réduite et un réchauffement climatique contenu en dessous de 2 degrés, l’élévation du niveau de la mer pourrait néanmoins atteindre plus d’un mètre d’ici la fin du siècle. Tous ceux qui vivent au bord de l’eau seraient touchés, surtout les populations autochtones du Pacifique, de l’Arctique, de l’Asie, mais aussi les mégalopoles comme New York, Shanghai, les deltas du Gange, du Mékong. Au total, plus d’un quart des habitants de la planète serait directement menacé.

Inondations, cyclones, sécheresses

Par ailleurs, « plus le niveau de la mer est haut, plus les événements extrêmement importants deviennent probables et nombreux», explique de son côté Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche sur les océans au CNRS et coauteur du rapport.

Aujourd’hui, avec seulement +1°C de réchauffement, les impacts se font déjà lourdement sentir, des tempêtes aux inondations, en passant par les sécheresses et les canicules. Certaines de ces catastrophes naturelles, telles que les ouragans de catégorie 4 ou 5, pourraient s’accentuer et se déclencher une fois tous les dix ans et, dans les scénarios les plus pessimistes, une fois par an.

S’adapter, une nécessité

S’il n’est pas dans les attributions du Giec de proposer une feuille de route destinée aux décideurs, ce rapport montre néanmoins que la réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, la protection des écosystèmes, le recours aux énergies renouvelables et la gestion des ressources naturelles marines sont une priorité. « Plus nous agirons rapidement et de manière décisive, plus nous serons en mesure de faire face aux changements inévitables, de gérer les risques, d’améliorer nos vies et d’assurer la durabilité des écosystèmes et des populations du monde entier – aujourd’hui comme demain », a conclu Debra Roberts, coprésidente du groupe de travail II du Giec.


143 millions de migrants climatiques ?

Le dérèglement climatique s’inscrit désormais parmi les moteurs de migration, alertait la Banque mondiale en 2018. 143 millions de personnes pourraient être concernées d’ici 2050 sans retour possible. Cette « redistribution » devra donc être anticipée et surtout organisée sur plusieurs générations. La plupart des atolls tropicaux deviendront d’abord inhabitables avec une contamination de l’eau douce par les inondations marines, avant d’être englouties d’ici 2100.


Des digues oui, mais…

Des protections contre la montée des eaux pourrait réduire de 100 à 1 000 fois les risques d’inondations, à condition de pouvoir investir des centaines de milliards de dollars par an. Les régions les plus pauvres n’auront probablement pas les moyens d’engager de tels travaux, notamment les petits États insulaires et leurs 65 millions de personnes déjà lourdement impactées par le changement climatique aujourd’hui.