« On apprend à cogner pour de vrai »

Une participante apprend à parer et à riposter face à l'entraîneur Clément Leroux. © G.C.

Le Comité de karaté dispense gratuitement des cours d’autodéfense au sein du Centre d’information droits des femmes et égalité (CIDFE) de la province Sud, à Port-Moselle. On y apprend à sortir de l’état de sidération qui paralyse souvent les victimes d’agression.

Face à une agression, le chat fuit prestement. Le chien se retourne et mord. « Ce sont deux attitudes formidables. Et puis, il y a le lapin, qui reste dans les phares de la voiture, tétanisé. Il faut essayer de ne pas être le lapin. » Pour donner l’esprit de la séance, Clément Leroux, entraîneur de karaté et président du Comité régional, aime à convoquer ces trois figures animales. Mais dans le monde réel, l’agresseur est humain. « La plupart du temps, c’est un homme. » Et le premier coup vient généralement de sa main droite. Il faut le parer. Si le combat est engagé, il faut riposter. Tour à tour, les participantes – une quinzaine, de tous âges- se présentent face aux deux instructeurs. Les premiers coups sont timides. Puis les protections en plastique reçoivent de vraies claques, retentissantes, et même quelques coups de pied avec élan.

LA PEUR DE LA RUE

Marie-Lou, 32 ans, a participé à la séance du 26 septembre. Elle a « adoré ». « L’ambiance est super bienveillante, et on apprend à cogner pour de vrai. Ça donne de la confiance en soi pour pouvoir affronter les situations que l’on rencontrera peut-être un jour. » Grâce aux enseignements du jour, et à ceux de prochaines séances, elle espère échapper à l’état de sidération qui frappe souvent les victimes d’agressions. « On voudrait être plus sûres de nous quand on sort dans la rue. » D’autant que « le risque augmente au fil des ans », estime Adena, 29 ans, qui a déjà pratiqué la boxe anglaise. « Les coups sont différents, mais j’ai trouvé la séance très intéressante. Ce sont de bons outils de défense. »

Sa copine Mathilde, 35 ans, est venue chercher des techniques pour répondre aux agressions comme celle qu’elle a subie, il y a cinq ans. « Exploiter l’effet de surprise, j’ai trouvé ça hyper intéressant. Il faudrait un entraînement régulier pour arriver à l’utiliser pour de vrai, donc ça m’a donné envie de continuer. » Elle suivra prochainement les cours du lundi soir, au club de Ouémo.

« ÊTRE UN PEU PARANO »

Réagir rapidement à une situation dangereuse implique d’être « connecté » à son environnement. « Pour ne pas se faire surprendre, il faut avoir le temps de se préparer mentalement », insiste Clément Leroux qui déconseille notamment l’utilisation des écouteurs dans l’espace public. « Il faut être un peu parano. Pas trop, sinon on ne vit plus… Mais un peu quand même. »

Pour limiter l’avantage physique d’un agresseur, il faut s’en éloigner, « garder ses distances ». Il faut aussi savoir le surprendre, le « déstabiliser » pour mieux lui échapper. Le son strident d’un coup de sifflet, qui alerte à des dizaines de mètres à la ronde, « est l’une des plus belles armes d’autodéfense ».

Gilles Caprais

200 femmes initiées

Depuis le début du partenariat avec le Comité régional de karaté et disciplines associées de Nouvelle-Calédonie (CRKDANC), près de 200 femmes ont été initiées à l’autodéfense dans les locaux de la province Sud. Les ateliers reviennent tous les un à deux mois (le prochain a lieu le 24 octobre, renseignements au 20 37 40), et Joane Païdi, la responsable du CIDFE, espère que la collaboration se poursuivra encore longtemps. « C’est un partenariat que l’on juge efficace. Il permet aux femmes d’apprendre à sortir de l’état de sidération, d’acquérir d’autres schémas de réponse face à l’agression. »

 

Le foyer, pas toujours un lieu protecteur

L’enquête publiée en 2022 par l’Institut de la statistique et des études économiques (Isee) dit que 5 300 personnes âgées de 18 à 75 ans ont déclaré avoir subi des violences physiques et/ou sexuelles au sein du ménage au cours de l’année précédente. Les femmes (70 %) et les membres de la communauté kanak (59 %) sont largement majoritaires. Hors ménage, 6 100 ont subi des violences physiques, surtout dans la rue ou sur leur lieu de travail, dont 2 200 victimes d’agressions sexuelles (67 % de femmes).