Nouméa, ville multiple

Lydie Gardet, chargée de programmation pour le service médiation culturelle et patrimoniale de Nouméa, commente l’œuvre d’étudiants du lycée professionnel Saint-Joseph de Cluny, qui ont, entre autres, dessiné et pris des clichés de la ville. © A.-C.P.

La ville rassemble. Lieu de mémoires, d’espaces et d’identités communs, mais aussi de toutes les singularités, chacun se l’appropriant à sa façon. L’exposition Urbains, à la Maison Higginson, le raconte. Visite guidée.

UNE VILLE, C’EST QUOI ?

« À un moment donné, l’homme a réfléchi à sa façon d’habiter le monde. Il a décidé de faire société et de se réunir, introduit Lydie Gardet, chargée de programmation pour le service médiation culturelle et patrimoniale de Nouméa. La ville, c’est l’accumulation, la concentration de personnes, d’habitations, de voitures, etc. » Une entité en perpétuel mouvement, complexe, protéiforme. « Elle juxtapose des espaces privés, partagés, publics, des usages professionnels, de loisirs, de commerces, de services… et des identités. »

« Urbains : regards sur la ville à travers la collection municipale du fonds d’art », à la maison Higginson, propose de l’explorer. En prenant pour cas particulier Nouméa. D’hier à aujourd’hui. Depuis les premières cartographies jusqu’aux récents travaux de scolaires, en écho avec une vingtaine d’œuvres du fonds d’art. À travers des livres, des tableaux, des plans, des photos, des cartes postales, etc.

Particularité de l’exposition : elle est amenée à s’enrichir des participations des habitants. « On travaille le lien à la population, et ce que nous avons tous en commun, c’est la ville. » Les gens sont invités à venir témoigner de ce qu’elle représente pour eux, comment ils la vivent au quotidien, l’habitent.

Une partie du mobilier d’exposition a été réalisée par l’entreprise d’économie sociale et solidaire d’upcycling Hanvie avec des matériaux de réemploi.© A.-C.P.

19 % DE REMBLAIS

Ce qui définit d’abord une ville, c’est sa situation géographique, le climat, le type de sol sur lequel elle se trouve, des éléments qui vont influencer son édification. « Là, une carte fait apparaître que Nouméa est construite sur 19 % de remblais, ce qui est quand même beaucoup. » Doniambo, Ducos, Sainte-Marie… De nombreux quartiers sont concernés. Or, cela s’oublie, parfois, au fil des générations. Pourtant, ces remblais successifs ont façonné son aménagement.

« Ils ont non seulement créé le trait de côte actuel, mais derrière, c’est aussi un pan de l’histoire, parfois douloureuse, des travailleurs. » C’est le concept de l’exposition : distiller, par touche, des angles de vue, représentations qui ont changé au fil du temps. « Quand on traverse une ville, on rencontre des gens, notre regard tombe sur un oiseau qui s’envole, etc., c’est une sorte de pêle-mêle parfois contradictoire, d’où le côté flash de la présentation. »

UN RAPPORT SENSIBLE

« Cœur de ville », « centre névralgique », « artères », de nombreuses images inspirées du corps humain sont utilisées pour décrire la cité. « Ça nous parle de notre rapport sensible. » Au centre de la pièce, des installations. Un livre sur l’urbanisme sensoriel. Un puzzle 3D du relief de la ville fabriqué par des étudiants en licence d’aménagement. Un projet de cartes sonores… « Tous les sens sont un peu exacerbés en ville, on entend beaucoup, on sent plein d’odeurs… On le sait, mais c’est tellement intégré qu’on n’y pense pas », poursuit Lydie Gardet.

Plusieurs établissements scolaires ont participé, et ce genre de partenariats est amené à se développer. « Leurs productions devraient agrémenter l’exposition au fur et à mesure, c’est évolutif. » Une ville, c’est aussi des matériaux, des organes pour décider, gérer, se retrouver, travailler, se déplacer. Une mairie, des musées, des usines, une gare, un marché, etc., mis en valeur par des photos de différentes époques.

L’exposition s’est construite à partir
d’une vingtaine d’œuvres du fonds d’art
de la ville. Ici, un tableau de l’artiste Johannes Wahono visible dans la salle consacrée
aux activités économiques.© A.-C.P.

LES BÂTISSEURS

Les urbanistes, concepteurs paysagiste et architectes, pensent la ville en amont. « On travaille avec les médiateurs sur des jeux de compréhension pour jouer à l’urbaniste. » Viennent ceux qui la construisent. Sous terre, comme l’histoire de l’adduction en eau potable, « une sacrée aventure ». Et sur terre, avec le chantier de la France Australe, classée au patrimoine.

L’occasion de découvrir les métiers d’antan, disparus, et ceux qui n’existent pas encore. Le falotier, ou allumeur de réverbères ; la marchande d’arlequins, sorte de Restos du cœur, ou encore le knocker-upper, qui réveillait les travailleurs pour qu’ils soient à l’heure à l’usine. De nouvelles professions apparaissent, notamment dans les domaines du numérique et du relationnel, et ce n’est que le début. « Selon une étude américaine, 80 % des emplois de 2030 n’existeraient pas encore », indique Lydie Gardet. Comme le musardeur, dont le rôle sera de ralentir le rythme effréné de la société.

ACTIVITÉS, LOISIRS, RENCONTRES

À l’étage du bâtiment, chaque salle est dédiée à une thématique. Activités économiques, loisirs, lieux de rencontres. Pour relier ces espaces, dans le couloir, d’anciennes cartes postales du Quartier-Latin et du centre- ville. Là aussi, les écoles ont été sollicitées. « On a travaillé avec des collégiens de Portes- de-Fer. On va sortir des photos qu’ils ont prises de leur quartier en carte postale. » Plus loin, c’est un élève de Kaméré qui expose une paire de basket peintes, retraçant son parcours. Le visiteur pourra aussi s’amuser à reconstituer un puzzle géant du centre-ville et de la Grande rade.

S’il quitte la maison Higginson en interrogeant son quotidien, en se demandant « quelle odeur à ma ville, quels en sont les bruits », en revoyant « ses habitudes » et en étant « à nouveau surpris », le pari sera gagné, affirme Lydie Gardet.

Anne-Claire Pophillat

Du mercredi au vendredi, de midi à 17 heures, et le samedi, de 10 heures à 17 heures. Visite accompagnée les samedis 30 septembre, 7 octobre, 28 octobre et 25 novembre, de 9 heures à 11 heures (sur inscription). Entrée libre et gratuite. 7, rue Sébastopol. Tél: 24 84 17.