Lucas, en trombe

La dépression tropicale Lucas s’est abattue sur le territoire, mardi et mercredi, avec des records de précipitations. Le phénomène a surpris les prévisionnistes ainsi que les Calédoniens et il a causé des dégâts considérables sur les réseaux d’eau, d’électricité et de télécoms… 

Jeudi matin, Lucas, devenue dépression tropicale faible, s’est éloignée du sud- ouest de la Nouvelle-Calédonie. Les alertes cycloniques avaient été levées la veille. Lors de son passage sur le territoire, Lucas n’a pas étonné par sa trajectoire qui l’a menée, comme prévu, sur les îles Loyauté, mardi soir, et entre le sud de la Grande Terre et l’île des Pins, mercredi. Mais le phénomène a été pour le moins capricieux. Arrivé dans notre zone en dépression tropicale forte, il s’est amoindri avant de se renforcer mercredi matin et de quasiment s’évanouir dans l’après- midi. Résultat dans le Sud : Lucas était fort en alerte 1 et inconséquent durant l’alerte 2. Dans le Grand Nouméa, de nombreux Calédoniens sont allés travailler et ont dû repartir dans des conditions assez dangereuses. D’autres n’ont pas pu rentrer chez eux, en particulier à Païta et Dumbéa. Alors que certains phénomènes se caractérisent par la force des vents, Lucas a surtout apporté énormément d’eau.

Records

Les cumuls de pluie ont atteint, sur 24 heures, plusieurs records : 430 mm à Ouvéa, 400 mm à Dumbéa. Météo France NC a également recensé 330 mm à la montagne des Sources,270 mm à Goro, 220 mm à Lifou, 230 mm à Yaté et 150 mm à Nouméa.

Au niveau des vents, Lucas a soufflé en rafales à 165 km/h à Lifou (contre 158 km/h durant le cyclone Donna), 150 à Goro, 140 à l’île des Pins, 135 à Nouméa et 130 à Ouvéa. Conséquence, on a surtout vu des routes et des radiers inondés : la Savexpress à Savannah, la RT1 à Magenta Trois-Vallées, le col de la Pirogue à Port Laguerre, la RM3 et le rond- point des Fraisiers à Païta, la route de Bouraké, de Saint-Louis, l’axe RT1 à Bourail, à Dumbéa… ou encore en province Nord, la RPN3 au pont de Méré, à Kouaoua. La Koghi et la Tamoa sont notamment sorties de leur lit.

Jeudi midi des habitations étaient encore isolées au Mont-Mou et à Tamoa.
Durant le passage du phénomène, les moyens de secours communaux et extra communaux ont été sollicités pour réaliser des sauvetages, des mises en sécurité et des évacuations vers les centres d’accueil.

©DR

Dégâts

Lucas n’a heureusement fait aucune victime. Il a, en revanche, causé de nombreux dégâts des eaux sur les infrastructures publiques, chez les particuliers et certaines entreprises. À Nouméa, les sinistres les plus importants ont été observés à l’Anse-Vata ou encore à Ouémo et au musée maritime où des bateaux se sont échoués.

Autre conséquence, des désagréments sur les réseaux d’électricité et d’eau. Plus de 16 000 foyers ont été privés d’électricité mercredi. À Lifou, Canala, Nouméa, Mont-Dore, Dumbéa, Thio et Bourail pour EEC. À Maré, Ouvéa, Kouaoua, Dumbéa Nord, île des Pins, Païta, Sarraméa, Yaté, et Boulouparis pour Énercal. La remise en service est restée tributaire du déblocage des accès. Plus de 8 700 foyers étaient encore concernés jeudi midi.

À noter également, de très fortes perturbations sur tous les réseaux de télécommunications (fixe, mobile, internet, liaisons louées, radiodiffusion et VHF marine) en raison d’une coupure du transport de la fibre optique, survenue entre Nouméa et Tontouta (pont de la Tamoa). Les interruptions ont été recensées sur la côte Ouest à partir de Tontouta, dans le Nord de la Calédonie, à Ouvéa et Lifou. Enfin, les réseaux d’eau ont également été troublés. Il y a eu des fuites ou manques en eau en raison de problèmes sur les captages, à Païta (Tongouin, Mont-Mou, Tamoa), au Mont- Dore (Saint-Louis, Yahoué, La Coulée), avec un risque de turbidité général, ou à Auteuil.

En attendant que les routes soient de nouveaux praticables pour les agents, il y a eu, à certains endroits, un appel de la Calédonienne des eaux à réduire la consommation au strict minimum.

Enseignements

Sur la gestion de la sécurité et des alertes, les Calédoniens ont eu le sentiment d’un échec certain, ce que n’a pas remis en cause la Sécurité civile. Les décisions de passage en alerte, qui sont prises en collégialité par un conseil de direction composé des représentants des trois provinces, des maires du Grand Nouméa, des représentants des associations de maires, du Haut-commissaire, des présidents des assemblées et de la Direction de la Sécurité civile présidée par le gouvernement, n’ont pas été adaptées pour le Sud. A priori, ils ont pensé, le mardi vers 18 heures, qu’un passage en alerte 2 le mercredi n’était pas probable et qu’il ne fallait pas arrêter l’activité économique.

Sauf que les conditions ont été bien plus mauvaises que prévu. La dépression s’est développée et du temps a été perdu pour remettre la machine décisionnaire en route. Nos gestionnaires font parfois preuve de trop de précautions, mais cette fois, l’alerte a été activée trop tard (comme en 2003 lors du cyclone Érica), ce qui aurait pu avoir de graves conséquences. Certains Calédoniens ont suivi leur instinct en restant à la maison ou en indiquant à leurs employés de ne pas prendre de risques, quand d’autres ont simplement écouté les consignes ou leurs employeurs et circulé dans des conditions dangereuses…La fameuse phase de sauvegarde s’est déroulée la nuit sans aucune utilité et le coup d’ouest annoncé sur les ondes n’a pas été ressenti.

La téléphonie a été considérée comme un autre point noir pour la Direction de la Sécurité civile et de la gestion des risques durant cet évènement, les coupures rendant les appels aux secours impossibles ou même les remontées de terrain. Même la VHS marine est tombée en panne avec cette dépression, une première !

Un bilan est engagé sur le terrain et en interne avec les instances techniques et décisionnaires pour améliorer le dispositif de protection des populations. S’il est considéré comme étant en « constante évolution », on ne peut néanmoins nier le fait que les mêmes erreurs se reproduisent. Sachant évidemment que la météo n’est pas encore une science tout à fait exacte.


De nombreux appels et interventions à Nouméa

©Nouméa ma ville 

La ville de Nouméa a activé son plan de sauvegarde communal avec l’ouverture d’un centre d’accueil d’urgence à la salle Anewy (150 personnes) et la mise en place d’une cellule de crise, mercredi midi, en anticipation du passage en alerte 2.

La commune a reçu 1 300 appels entraînant de nombreuses interventions des pompiers et de la police (secours aux personnes, dégagement des voies encombrées par des arbres déracinés) conjointement avec EEC. Les dégâts les plus importants concernent le littoral de l’Anse-Vata. Des plaisanciers en détresse ont été secourus, notamment les propriétaires de deux embarcations dont les amarres ont rompu en petite rade et qui se trouvaient à bord.


Précisions

La Sécurité civile a apporté quelques précisions pour répondre aux interrogations des Calédoniens. Elle explique ainsi que le critère de classification des dépressions et cyclones repose exclusivement sur « la vitesse du vent maximum près du centre moyennée sur dix minutes et des rafales associées ».

À cette vitesse s’ajoutent des pluies torrentielles, une houle cyclonique importante, des marées de tempête qui peuvent être destructrices de part et d’autre de la trajectoire sur une zone plus ou moins étendue.

Les niveaux d’alerte sont déclenchés par le président du gouvernement sur proposition de Météo France NC et après avis du conseil de direction regroupant les responsables institutionnels et de l’État.

C.M.