L’opposition questionne le projet en solitaire de Jacques Lalié

Jacques Lalié. (© Archives Y.M.)

Le président de la province des Îles veut remplacer fin 2025 le Betico 2 par le futur Havannah 2, soit le public par le privé. Les élus d’opposition affichent leur soutien aux salariés, mais modèrent leurs critiques, soucieux d’éviter un nouveau conflit ouvert au sein de l’assemblée.

La mobilisation du personnel de la SAS SudÎles n’a rien changé à sa position. Pour Jacques Lalié, le Betico 2 a fait son temps, point final. « En comptant l’entretien et le déficit, il a coûté 340 millions de francs à la province l’année dernière. » Le président de la province des Îles ne voit pas d’intérêt à lancer le projet du Betico 3, sur lequel reposent les espoirs des 57 salariés. « Le bateau
coûterait 2 milliards de francs. Je ne vois pas comment la province et la Sodil* pourraient financer un tel projet. »

La seule option réaliste pour les finances provinciales, estime Jacques Lalié, est de confier la desserte des Loyauté au privé. En l’occurrence, à la Compagnie maritime des îles (CMI), qui a d’ores et déjà commandé à un chantier naval asiatique le Havannah 2, un monocoque capable de transporter des passagers mais aussi une importante quantité de fret.

En réaction à ce projet présidentiel, les partis d’opposition ont tour à tour affiché leur soutien aux salariés de la SudÎles, se rendant régulièrement aux Wali Wahetra (Palika), à gauche, espère renouer les fils du dialogue avec Jacques Lalié. mobilisations du jeudi, quai Ferry.

« LA QUALITÉ DE SERVICE NE SERA PAS COMPARABLE »

Le Betico 2 « doit continuer à faire partie du paysage de la province des Îles », estime Omayra Naisseline (Dynamique autochtone-LKS). « Il offre un service public incontournable et de qualité. On n’a pratiquement pas eu de grève en dix ans », souligne la Maréenne, qui ne s’oppose pas pour autant à l’arrivée du navire concurrent. « Le Havannah 2… Pourquoi pas ? Le privé est libre de faire ce qu’il veut. Il va apporter de la concurrence sur le fret et sur le transport de passagers. » Mais Omayra Naisseline n’est pas convaincue que le nouveau navire gagnera la préférence des voyageurs. Deux fois plus lent que le catamaran, le monocoque mettra plus de 10 heures, soit la nuit entière, pour relier Nouméa à Lifou. « La qualité de service ne sera pas comparable », constate-t-elle.

« Est-ce que la population est prête à voyager de nuit ? Quand on voit le mouvement social, on se pose des questions… », dit Wali Wahetra (Palika), qui doute également du bien-fondé du changement. « On sait que le Betico est déficitaire. Mais qu’est-ce qui prouve que le Havannah ne le sera pas ? »

Wali Wahetra (Palika) espère renouer les fils du dialogue avec Jacques Lalié. (© Archives G.C.)

Le premier parti d’opposition s’estime dans l’impossibilité de répondre à ces interrogations, faute d’informations précises et de débat en assemblée de province. « On n’a pas été associés à ce projet. On apprend les détails par les médias, et ce n’est pas la première fois… » Les critiques n’iront pas plus loin : le Palika refuse de laisser filer le dossier du Betico, mais veut tenter d’éviter un nouveau conflit ouvert avec Jacques Lalié, un an à peine après la crise qui avait paralysé l’assemblée provinciale. Faute de majorité ‒ l’Union calédonienne n’occupe que 6 des 14 sièges ‒ le vote du budget 2023 avait été retardé.

RÉUNION AVEC LE HAUT-COMMISSAIRE

Dans un courrier daté du 2 février, Kadrilé Wright et Faisen Wea adoptent une demande identique mais un ton plus ferme. « Nous exigeons qu’un débat soit ouvert sur le changement de modèle économique de la desserte maritime », écrivent les deux élus du Parti travailliste, qui veulent profiter de cette séance pour régler un dossier plus urgent encore, celui des suites de la faillite de l’Asee (Alliance scolaire de l’église évangélique). Les associations qui ont pris le relais de l’enseignement protestant « ne peuvent toujours pas percevoir les aides de la collectivité pour la simple raison que vous n’avez pas anticipé », lors du budget 2024, « la signature des conventions avec ces établissements ».

Au milieu de ce terrain miné, le haut-commissaire est appelé à jouer les casques bleus : mercredi après-midi, à Nouméa, le représentant de l’État devait accueillir une réunion entre élus de la province des Îles pour avancer sur les questions financières urgentes.

Gilles Caprais