L’indépendantiste, le chantre présumé de l’indépendance-association et le loyaliste pur jus

La deuxième circonscription est la seule où un indépendantiste pourrait l’emporter : Jean-Pierre Djaïwé avait déjà viré en tête du premier tour en 2012 avec 36,2 % des suffrages*. Philippe Gomès ne l’avait emporté que grâce au report de voix des autres partis loyalistes, avec 52,55 %, soit 28 398 voix. Convaincu par Harold Martin de vouloir « préparer l’indépendance- association dans le dos des Calédoniens », il peine dans sa campagne. Ainsi, avec 9 candidats en lice, cette circonscription, composée de la brousse et de l’agglo, est beaucoup plus ouverte aujourd’hui qu’il y a quelques semaines…

Tour de force. – Une chose est sûre : qu’il gagne ou pas, Harold Martin aura réussi le tour de force politique d’attirer tous les prétendants sérieux à la députation sur son terrain. Celui du « complot machiavélique fomenté par Alain Christnacht avec la complicité de Philippe Gomès et le soutien tacite des indépendantistes pour nous imposer l’indépendance-association », selon l’expression du maire de Païta, moult fois répétée et scandée sur toutes les ondes.

Proximité. – Tous les candidats non indépendantistes ont été contraints de lui emboîter le pas : Pascal Vittori (Tous Calédoniens), immédiatement ; Bianca Hénin (FN), avec force et conviction, et même Gil Brial, plus récemment. La campagne s’est donc jouée sur le terrain choisi et borné par l’ancien président du gouvernement. Pourtant, chacun dans son registre, a fait une campagne de proximité, bien nourrie de réunions publiques, de rencontres et de meetings.

Mapou n’est pas Djaïwé. – Côté indépendantiste, Louis Mapou (Uni-Palika) se prive d’abord du soutien de l’UC, qui s’est retirée du scrutin. Et ne bénéficie pas en outre de la notoriété d’un Jean-Pierre Djaïwé, qui savait séduire au-delà de sa famille politique par sa nature posée et réfléchie, sans heurter un électorat métropolitain pas plus hostile à l’indépendance qu’au maintien dans la France : car de passage.

La revanche de 2012. – Finalement, cette campagne apparaît comme une revanche en parfait miroir pour Harold Martin qui s’était fait accuser en 2012 de favoriser les indépendantistes et d’avoir « monté avec Pierre Frogier le drapeau kanak dans le dos des Calédoniens ». Alors que les candidats de Calédonie ensemble promettaient de le faire redescendre des mâts, fissa ! Pour mémoire, il flotte partout aujourd’hui, même à Ouvéa. Mais pas à La Foa, c’est vrai !

L’effet Christnacht. – Philippe Gomès (Calédonie ensemble), pour qui sa réélection apparaissait comme une promenade de santé une fois obtenue la double investiture (UDI et Les Républicains), s’est embourbé à contrer et démentir les allégations d’Harold Martin. Quitte à revenir sur de récentes déclarations et de se faire accuser de « rétropédalage » par Harold Martin. Quant à Christnacht, le réservé et discret conseiller d’État : plus il parle, dément et se défend, plus il accrédite la thèse de Martin, auprès d’un électorat rendu chatouilleux par l’élection de Macron à l’Élysée.

La ministre vend la mèche. – Le rédacteur du préambule de l’Accord de Nouméa aurait dû davantage méditer la leçon donnée, bien involontairement, par la nouvelle ministre des Outre-mer, Annick Girardin. Voilà une quinzaine, elle avait imprudemment garanti que « Quel que soit le choix des Calédoniens, la France serait aux côtés de la Calédonie ». Aux côtés ! « Si c’est l’indépendance, la France peut être à nos côtés. Si ce n’est pas l’indépendance, la France ne peut pas être à nos côtés puisque nous resterons DANS la France », lui avait très finement rétorqué l’historien Luc Steinmetz. L’autre cas, ce serait quoi alors ? L’indépendance-association ?

Et si Martin avait raison ? – Alors, à quelques jours du premier tour de scrutin, force est donc de constater qu’Harold Martin a « détourné les enjeux de la législatives, pour en faire les grandes manœuvres de la campagne référendaire », comme le soulignait Ismet Kurtovitch dans le dernier Club politique de RRB. Ainsi, les questions liées au naufrage de l’économie, à la ponction fiscale des classes moyennes du gouvernement Germain/ Dunoyer et au chômage sont plus saillantes dans la première que dans la seconde circonscription. Idem pour l’insécurité, alors que Saint-Louis est bien situé dans cette deuxième circonscription.

« Faillite de la Calédonie ». – Pourtant, sentant le vent et analysant les derniers chiffres publiés sur l’économie et les comptes sociaux, Harold Martin, mais surtout Grégoire Bernut, son suppléant, ont vivement accentué la campagne sur les « risques de faillite de la Calédonie vers laquelle la conduisait le gouvernement Calédonie ensemble de Philippe Germain ». Des termes forts, mais qui parlent à quiconque fait ses courses et voit la valse des étiquettes à la hausse, quand on lui avait promis une baisse de 10 % des prix. Belle arnaque !

Incertitude. – Reste une incertitude de taille dans cette 2de circonscription : l’UC, qui boude en apparence le scrutin législatif, donnera-t-elle, en sous-main, des consignes pour favoriser la candidature de Louis Mapou ? Ou, comme il se dit sous le boisseau, préfèrera-t-elle « l’élection d’un Gomès plutôt que celle d’un Uni-Palika », comme l’affirment les éditorialistes du Club politique de RRB.

Certitude. – Bien malin qui peut aujourd’hui donner le score de dimanche soir. Une chose est certaine cependant : si le député sortant est reconduit dans quinze jours, il le sera avec les voix de son parti, certes, mais avec celle des indépendantistes aussi : c’est mathématique.

* Jean-Pierre Djaïwé était en tête du premier tour en 2012 avec 15 890 voix contre 14 470 pour Philippe Gomès (32,96 % des suffrages).

M.Sp.


Les 9 candidats de la 2de circonscription

Dans l’ordre d’inscription au haut- commissariat :

1 – Manuel Millar, (suppléant : Pelekualoa Tuakoifenua).
2 – Bianca Hénin, (Christopher Bourgine). 3 – Philippe Gomès, (Gérard Poadja).

4 – Oscar Diaz, (Julien Dubrana).
5 – Louis Mapou, (Jean Creugnet).
6 – Gil Brial, (Mme Joann Winchester).
7 – Henry Bodeouarou, (Pelenato Kavahuumai). 8 – Harold Martin, (Grégoire Bernut).
9 – Pascal Vittori, (Wilfried Weiss).