L’identité calédonienne sensorielle de Stéphane Foucaud

L’exposition emmène le visiteur dans un voyage visuel et olfactif, « deux sens pour parler du pays ». / © A.C.P.

L’odeur d’un omaï, les vapeurs d’un platier à marée basse… Dans son exposition Ûdè, Stéphane Foucaud questionne « ce qui fait qu’on reconnaît un Calédonien », sa capacité à identifier les senteurs du pays.

Ce qui rapprocherait les Calédoniens serait-il leur faculté à reconnaître les odeurs si typiques du territoire ? C’est en partant de ce postulat que le peintre Stéphane Foucaud a imaginé son exposition, une sorte de « carte sensorielle qui confirme la spécificité » du pays. « Seul un Calédonien sait quand la marée basse est là. » Des senteurs si caractéristiques, uniques, qu’il serait le seul à savoir identifier. « Je parle des boosters qui gravissent le Ouen Toro », laissant derrière eux ce fumet d’huile. Les niaoulis en fleurs, « l’herbe sèche détrempée par une fugace pluie diluvienne ». Des fragrances « un peu clichées » mais connues de tous. Et puis, il y a celles plus personnelles, empreintes laissées par les souvenirs. « Quand on va à Pouébo, il y a l’odeur de la terre humide, de la banane aussi, il y a beaucoup de feuilles de bananier brûlées au bord de la route. »

Ces parfums font écho à lidentité calédonienne, pressent Stéphane Foucaud, alors que les « clivages politiques malmènent certains quand à leur appartenance au pays ». Le peintre a capturé des dizaines dodeurs dans 18 tableaux, « l’essence, l’âme du pays que j’ai essayé de mettre en image ». Et que le nez calédonien Marion Habault s’est attaché à mettre en bouteille. Une mission délicate, notamment avec certaines œuvres, comme BBB, blocage, bâche, barbecue, sur les grèves et les syndicats. « C’était compliqué, il fallait l’odeur du barbecue, du pneu brûlé et de la fleur de tiaré, parce que je rends hommage à un leader syndicaliste décédé aujourd’hui. C’est très réussi. »

À partir de senteurs, Stéphane Foucaud retrace certaines périodes de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. La route du santal, les mines de nickel, l’épopée du café. Chaque tableau, fruit d’un travail de recherche, est accompagné d’un texte, disponible dans le catalogue de l’exposition. « J’ai de plus en plus besoin d’écrire. » Il le fait déjà dans ses toiles, où il réintègre aussi des mots en langue. Une place volontairement redonnée à la linguistique. « C’est un devoir de mémoire. Puisque certaines langues disparaissent, cela permet de laisser une trace. Quand on parle d’identité, il faut un témoignage pour savoir d’où on vient et comment ça évolue. »

Anne-Claire Pophillat

À voir jusqu’au mardi 21 novembre à l’Amirauté, 15 rue des frères Carcopino à Nouméa, du lundi au dimanche de 10 heures à 18 heures.

Kal Kiss

« Il s’agit d’un souvenir d’enfance, l’histoire d’un petit Calédonien amoureux d’une petite Métropolitaine.  L’affection passe par le culinaire, elle lui fait goûter des Petits Beurres, lui du Oro et des Omaï. Il y a une  représentation de l’école, des jeux d’enfants, et on voit que la piñata de la petite s’apparente à un dawa, c’est aussi une façon de s’intégrer. Ça raconte que son papa est un colonel très rigoureux et que celui du jeune Calédonien est un pêcheur qui a une bière à la main. Ce sont peut-être des clichés, mais j’adore la rencontre de ces mondes-là. Marion Habault a créé un parfum pour enfants avec beaucoup de notes sucrées dont du Tulem. »

 

Kus Kus

« Kus Kus, c’est le mot un peu indien de Madagascar pour dire le vétiver royal. On l’utilise ici pour reboiser les sols miniers. Il y a juste une touffe d’herbe, mais les racines peuvent faire trois mètres de long, ce qui permet de réhydrater les sols et de lutter contre l’érosion. On s’en sert aussi beaucoup dans la parfumerie. C’est épatant tout ce qu’on peut faire avec : on l’utilise contre les diarrhées, mais également comme un aphrodisiaque. Et c’est une pièce rapportée, ce qui montre que c’est plein de métissage chez nous. Je raconte l’histoire du vétiver royal, qui va jusque sur l’île des Pins. Kus Kus a son parfum à base de cette plante. »

 

Le Souffle du lagon

« J’évoque l’arrivée des baleines dans le sud
et ces femmes qui le savent déjà avant même d’entendre leur souffle, c’est presque un don. C’est la saison des ignames, on prépare le champ. Derrière, il y a l’histoire d’une femme kanak cheffe et guerrière et de son casse-tête. On n’en parle pas beaucoup, et je voulais faire sortir des choses peu connues. Ce casse-tête se trouve aujourd’hui dans la maison d’une femme qui accueille celles qui sont battues, et elle s’en sert un peu pour repousser les maris violents qui essaient de venir les récupérer. Le Souffle du lagon, c’est le seul tableau pour lequel il y a un parfum d’ambiance. »