Les sénateurs se rebiffent

Créé en 1998 par l’Accord de Nouméa, le Sénat coutumier n’est décidément pas une institution comme les autres et les remous qui l’agitent cette semaine ne sont finalement rien d’autre que la manifestation des difficultés qu’il y a à mettre en place une telle structure et à lui donner du pouvoir. Car le Sénat coutumier, qui n’est pas une instance politique, mais l’émanation des autorités coutumières du pays, peine depuis son origine ou presque à trouver sa place dans le millefeuille institutionnel calédonien. Depuis quelques années déjà, les « intrusions» du Sénat dans le débat public, la volonté des sénateurs d’être impliqués systématiquement, comme le stipule d’ailleurs leur statut, dans tout de ce qui concerne les questions liées à l’identité kanak et plus généralement celles en rapport avec les évolutions de la société à l’approche de la sortie de l’Accord de Nouméa, irritent y compris dans le camp indépendantiste.

Le dernier épisode en date est symptomatique de cette situation puisque depuis au début de cette semaine et de manière officielle, les membres du bureau du Sénat coutumier se sont plaints de l’attitude du président en exercice, Joanny Chaouri, accusé tout à la fois de faire cavalier seul, c’est-à-dire de ne pas respecter la règle du consensus, mais aussi d’être l’instrument des « politiques ». Dans le viseur des membres du bureau qui portent ces accusations, le président du gouvernement et le membre du gouvernement en charge des affaires coutumières, mais également les partis indépendantistes, avec lesquels le torchon brûle, et globalement toutes les instances,politiques à qui le Sénat, par la voix de Gilbert Téin, reproche « le sabotage de l’identité kanak ». Il ressort de cet épisode de tension qu’à l’approche des échéances de 2018, le Sénat coutumier entend enfin prendre toute la place prévue dans son statut, il souhaite que les préconisations édictées par exemple dans la charte des valeurs kanak soient prises en compte par les instances politiques comme il estime que son « plan Marshall » en faveur de la jeunesse kanak est ignoré par les mêmes instances. Plus au fond, cette phase de turbulence pose la question de la place et du rôle des autorités coutumières et de leur représentation au sein des institutions de la Nouvelle-Calédonie et cette année, c’est loin d’être hors sujet.

C.V.