Les provinces face à la conjoncture

Les trois assemblées de province ont présenté leur débat d’orientation budgétaire 2021. Si les élus ont mis en évidence les difficultés liées aux baisses des recettes fiscales, le Sud est beaucoup plus impacté en raison de la clé de répartition.

En cette fin d’année, l’heure est au bilan pour les élus des assemblées des trois provinces. Ils ont débattu à tour de rôle sur les orientations budgétaires 2021, une première étape qui dégage les pistes de réflexion avant le vote des budgets dans un mois. Bilan : que cela soit pour le Nord, les Îles ou le Sud, la conjoncture économique est sans appel, elle est en grande difficulté, liée aux baisses des recettes fiscales, conséquence de la crise sanitaire de la Covid.

Pourtant, si la province Nord arrive à relativement s’en sortir grâce à ses efforts menés ces dernières années pour ne dépenser que pour les priorités sécuritaires, si la province des Îles doit faire acte de rigueur, en province Sud, la situation est plus qu’inquiétante. Malgré un recadrage budgétaire amorcé en 2020, le budget ne pourra pas être équilibré si des décisions dures ne sont pas prises par la collectivité.

Financer l’essentiel

La province Nord prévoit, pour la fin de l’année et son compte administratif, une épargne brute de l’ordre de 700 millions de francs et un résultat global positif de 195 millions. Elle dégagerait ainsi une épargne positive pour la troisième année consécutive. Mais pour 2021, compte tenu de la crise sanitaire et de la baisse des dotations de la Nouvelle-Calédonie, l’exécutif de la province Nord table sur des recettes prévisionnelles de 22 milliards, engageant une poursuite des efforts pour contenir l’évolution des dépenses de personnel de 2 %, les aides sociales de 1 % et en continuant le travail sur les dépenses relevant du champ de compétences de la Nouvelle-Calédonie. La province Nord espère ainsi pouvoir dégager 360 millions de francs d’économies et 200 millions de francs d’épargne brute pour l’année 2021, ce qui permettrait d’emprunter deux milliards pour financer l’investissement. Le deuxième vice-président de la province Nord, Yannick Slamet, ajoute qu’il est proposé « un plan pluriannuel d’investissement de sept milliards qui prendrait en compte les crédits de 2020 pour rattraper ainsi les opérations en retard. Il y aurait ainsi très peu d’opérations nouvelles, ça se limiterait aux opérations sécuritaires. Nous ne pouvons faire autrement ».

La situation est sensiblement identique pour la province des Îles. Le vote du budget d’orientation s’est déroulé ce mardi et tout comme pour le Nord, la rigueur est de mise. L’assemblée annonce une baisse des dotations de la Nouvelle-Calédonie de 10 %. Avec un taux d’épargne brut insuffisant et un fond de roulement en baisse, l’institution est contrainte de revoir ses priorités pour 2021. Pour les élus, la situation n’est pas dramatique, mais délicate. Il va falloir prendre des mesures pour remplir l’objectif que s’est fixé l’assemblée, celui d’honorer les opérations d’investissement maîtrisés tout en revoyant à la baisse les interventions de la collectivité.

Situation grave dans le Sud

Jamais deux sans trois ! Si la rigueur est de mise aussi en province Sud, cela ne va pas suffire, malgré un recadrage budgétaire amorcé par la nouvelle mandature en 2020. Avec une réduction des dépenses de fonctionnement de 43 à 32 milliards de francs et un début de restauration du taux d’épargne passant de 3,9 à 8,9 %, ces efforts ont été très largement contrariés par la crise sanitaire et le seront par la baisse annoncée des recettes fiscales. Comme le détaille le premier vice- président de la province Sud, Philippe Blaise, « la dotation devrait chuter de 110 milliards à une fourchette comprise entre 98 et 102 milliards. Ce qui veut dire que la province aura 4,2 milliards de recettes en moins. Il faudrait qu’on se sépare de la moitié de nos enseignants, que l’on supprime nos subventions à hauteur de 30 % et ce n’est pas réaliste ». La province Sud se doit donc de trouver des solutions pour équilibrer son budget 2021, malgré la baisse annoncée des dotations .

Retour de compétences

Pourquoi la province Sud est-elle plus impactée que la province Nord ou la province des Îles par les effets de la crise et comment la collectivité peut-elle s’en sortir ? Sonia Backes a donné les éléments de réponse qui pourront se retrouver dans une prochaine assemblée, juste avant le vote du budget 2021. Pour la présidente de la province Sud, tout découle de la clé de répartition. « Aujourd’hui, la clé de répartition étant figée, la province Sud accueille 7 % des Calédoniens et ne recevant que 50 % des recettes, on est arrivé au bout du bout de ce que la province est capable d’assumer. » Selon elle, la solution doit donc passer par « la prise de décisions dures ». Elle explique ainsi qu’aujourd’hui « la province Sud assume, en plus de ses propres compétences, des compétences qui relèvent de la Nouvelle-Calédonie. Alors, si la fiscalité n’augmente pas au niveau de la Nouvelle- Calédonie ou si la Nouvelle-Calédonie n’obtient pas de l’argent supplémentaire, sollicité de la solidarité nationale, eh bien, la province Sud sera obligée de rendre un certain nombre de compétences à la Nouvelle-Calédonie. Comme l’aide médicale, par exemple ». Sonia Backes précise au passage, qu’en prenant de telles décisions, la province Sud ne rompra pas avec ses missions de service public.

La balle est donc aujourd’hui dans le camp de la Nouvelle-Calédonie, c’est-à-dire du Congrès et de son outil, le gouvernement. Mais au fond, cette situation confirme que la clé de répartition doit être revue, qu’elle touche à sa fin et par la même occasion, l’Accord de Nouméa aussi. Il est donc urgent que les élus, aidés par la société civile, comme l’a souhaité Sébastien Lecornu, se mettent au plus vite autour de la table pour définir les contours de la Calédonie de demain. La conjoncture économique et sociale en dépend.

D.P.

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