Les loyalistes aussi unis que divisés pour les sénatoriales

170 sénateurs, dont les deux parlementaires calédoniens, seront élus le 24 septembre au suffrage universel indirect par un collège électoral, composé de ceux qu’on appelle les « grands électeurs ». © Stephane Mouchmouche / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Le 24 septembre, les grands électeurs devront départager trois candidats non-indépendantistes. L’ambition du maire de Dumbéa perturbe les plans du Rassemblement et de la majorité présidentielle.

Qu’est-ce qui a bien pu changer au Rassemblement-Les Républicains depuis 2011 ? Le même parti, qui remportait alors les deux sièges de sénateurs, ne tolère pas aujourd’hui une seconde candidature. Après l’annonce du sénateur sortant Pierre Frogier, déjà présent en 2011 aux côtés de Hilarion Vendégou, le maire de Dumbéa, Georges Naturel, s’est déclaré. Sauf que cela ne passe pas. « Pierre Frogier est la seule candidature officielle », maintient Alcide Ponga, président par intérim du Rassemblement.

Elle a été validée par un comité directeur élargi et a obtenu le soutien du parti national. Les maires de Boulouparis et Koumac, Pascal Vittori et Wilfrid Weiss (Tous Calédoniens), l’appuieraient. « Il a assumé tous les mandats électoraux qu’on peut avoir en Nouvelle-Calédonie et de nombreux mandats nationaux, sauf celui de député européen. Il a été l’un des artisans des accords, met en avant Alcide Ponga. Je ne suis pas pour un renouveau brutal de la classe politique, il faut garder ce fil conducteur. » Georges Naturel, quant à lui, n’aurait jamais saisi le président ou le bureau du Rassemblement. « Je ne me suis pas réveillé un matin en voulant devenir sénateur, conteste le premier édile de la deuxième commune la plus peuplée du territoire. J’en avais parlé aux instances du parti. La décision a été prise sans m’écouter. »

« CHANCE » OU DISSIDENCE

Le renouvellement partiel du Sénat est crucial pour la Nouvelle-Calédonie. Les deux sénateurs, au même titre que les deux députés loyalistes élus en 2022, auront une mission particulière dans les discussions sur son avenir. Le vote d’un nouveau statut passera devant le Congrès du Parlement réunissant, à Versailles, les deux chambres. Georges Naturel voit une chance dans ce duo qu’il pourrait former avec Pierre Frogier, entre « un sénateur sortant et un maire de terrain ». Conforté par des « retours positifs » et « son expérience » locale, l’ancien président de l’Association française des maires de Nouvelle-Calédonie, membre du bureau depuis une quinzaine d’années, ne se retirera pas. Il envisage de porter « la voix de l’ensemble des communes » jusqu’au bout pour participer aux discussions institutionnelles « qui ont du mal à démarrer » et défendre sa « vision de la distribution des compétences des collectivités ».

Le Rassemblement ne l’entend pas de cette oreille. Sa candidature fragilise un pacte conclu avec la majorité présidentielle locale (Renaissance) pour proposer un sénateur de chaque mouvance. « Au retour de Paris, nous avons voulu travailler ensemble, explique Alcide Ponga. La cartographie des grands électeurs nous montre que, chacun de notre côté, nous ne sommes pas capables d’avoir une majorité. » Cette alliance de circonstance servirait à montrer l’« entente » des non-indépendantistes dans les hémicycles nationaux et à leur garantir les deux sièges. Du côté de Calédonie ensemble, rien n’est pour l’instant acté. Le sortant Gérard Poadja dit ne pas s’être décidé à laisser sa place ou à retenter sa chance. En face, les indépendantistes prépareraient deux candidatures que le FLNKS n’a toujours pas officiellement confirmées.

PREMIER TOUR OU « PRIMAIRE »

En 2017, Pierre Frogier et Gérard Poadja (Calédonie ensemble) avaient justement fait le même calcul. Ils s’étaient ralliés sur une liste commune pour être élus dès le premier tour face à Isabelle Lafleur, candidate du parti de Sonia Backes (Les Républicains calédoniens), et aux deux indépendantistes. En 2023, le premier tour fera office de « primaire », prévient Georges Naturel. Ces élections, organisées à l’intérieur d’un parti politique avec ses adhérents, permettent de choisir son candidat en vue d’un scrutin. En septembre, il s’agira donc de départager les trois représentants du camp non-indépendantiste. La troisième ne serait autre que Sonia Backes pressentie pour représenter la majorité présidentielle, dont elle est la cheffe de file localement. Le nom de la présidente de la province Sud avait déjà circulé avant d’être réfuté lors de sa nomination au ministère de l’Intérieur et des Outre-mer.

Si la campagne semble avoir déjà commencé, les aspirants ont le temps. Tous devront se déclarer auprès du haut-commissariat de la République entre le 4 et le 8 septembre. Les grands électeurs voteront ensuite le 24 septembre. Contrairement aux législatives ou à la présidentielle, les sénatoriales se déroulent au scrutin universel indirect à deux tours. Ce sont les deux sénateurs sortants, les deux députés, les 76 élus provinciaux et les 498 délégués des conseils municipaux qui choisiront les deux Calédoniens qui siégeront au Palais du Luxembourg les six prochaines années.

Brice Bacquet