Les jeunes agriculteurs à l’appel

L’établissement de régulation des prix agricoles organisait, mardi, sa première journée néocalédonienne des jeunes agriculteurs sur le domaine de Deva, à Bourail. L’événement qui devrait être reconduit vise à mettre en relation les jeunes avec le monde agricoles et favoriser leur installation.

L’agriculture est un des piliers historique et culturel de la Nouvelle-Calédonie. Les politiques agricoles conduites pendant plusieurs décennies n’ont toutefois pas permis de maintenir l’existant, notamment en raison de la construction d’une opposition entre agriculture marchande et vivrière. Ces politiques se sont traduites par une érosion des productions de la grande majorité des filières et une difficulté à renouveler la population des exploitants.

Si les nouvelles politiques publiques mettent toujours en avant une agriculture marchande toujours plus mécanisé et productive, elles laissent davantage de place aux petites structures et à la production vivrières. Dans une optique d’accroissement de l’autonomie alimentaire, les pouvoirs publics cherchent à diversifier les différentes voies de commercialisation tout soutenant financièrement l’installation des jeunes et en facilitant l’accès au foncier.

« Le plus dur, c’est l’accès foncier, souligne Ludovic Souqué, agriculteur de 29 ans qui a remporté un des trophées des jeunes agriculteurs, remis à la fin de la première journée néocalédonienne des jeunes agriculteurs qui se tenait à Deva, mardi 6 septembre. Une problématique particulièrement prégnante sur le territoire où le prix du foncier est particulièrement élevé, de par sa rareté mais aussi du fait que la vente des terres constitue souvent la retraite des anciens exploitants en l’absence de régime spécifique.

La terre attire les jeunes

Ludovic Souqué est assez représentatif sur cette question. Après un Deust revégétalisation et gestion de l’environnement minier, le jeune homme entre à la SLN et commence à économiser. Sans liens familiaux à la terre, il décide, en parallèle de son activité à la mine, de lancer son exploitation agricole il y a sept ans. Il fait un prêt pour acquérir 10 hectares de terrain pour se lancer dans l’agroforesterie. Il doit toutefois diversifier son activité avec du maraichage et de l’élevage de cerf pour joindre les deux bouts, en plus de son activité à la mine. Une double activité qu’il compte bien cesser une fois que son exploitation sera suffisamment solide. « Je pense qu’il faut un retour à la terre », souligne celui qui a passé près d’une dizaine d’années dans l’industrie minière.

Comme le précise Marie-Noëlle Ayçoberry, la directrice du lycée agricole et général Michel Rocard de Pouembout, Ludovic Souqué n’est pas un cas isolé. « On s’aperçoit qu’il y a de nouveaux profils, assure la directrice. Il y a toujours les enfants d’agriculteurs mais désormais, il y a aussi des citadins de Nouméa qui viennent faire des formations agricoles. La nature, l’environnement et la terre sont des domaines qui attirent les jeunes. En métropole, on connaît ce phénomène depuis une quinzaine d’années. Il est plus récent ici et ces jeunes urbains veulent autre chose, une autre agriculture. Ils veulent de plus petites exploitations, de l’agriculture raisonnée ou bio. Une demande qui a entraîné des changements au niveau des formations qui font davantage de place au développement durable et à l’agriculture raisonnée et au bio.

Si le profil des apprenants évolue, le nombre connaît aussi une évolution relative mais sensible. Il existe de multiples voies de formations et notamment les lycées agricoles privé, Do Neva à Houaïlou, ou public, le lycée Michel Rocard de Pouembout. Si le privé a des effectifs relativement stable (autour d’une centaine d’élèves), le public a connu une véritable explosion. Dimensionné pour accueillir 180 élèves, le lycée public en accueille plus de 300 chaque année. De même, après un vide éducatif entre 1993 et 2017, la province Sud propose à nouveau une formation agricole initiale au lycée du Mont-Dore. Après une première vague de 24 places dans deux CAP, le lycée devrait pouvoir accueillir près de 50 élèves dès l’année prochaine.

Réunir tout le monde pour faciliter l’installation

Le monde rural bouge mais tout le monde ne le sait pas. C’était l’un des enjeux de cette première journée organisée par l’Erpa, l’établissement de régulation des prix agricoles. « Les informations circulent parfois assez mal, estime Nicolas Metzdorf, le président de l’Erpa. Nous souhaitions réunir tout le monde pour que toutes les infos sur les différents dispositifs soient disponibles en un seul lieu. » De ce point de vue, l’événement a plutôt atteint ses objectif en parvenant à rassembler une très grande majorité d’acteurs du monde agricole qu’il s’agisse de professionnels, d’institutions, d’établissements de formation, de représentants des assurances, des financeurs ou encore d’associations soutenant la distribution de la production.

Seul ombre au tableau, le manque de mobilisation du public et notamment des scolaires. Mais comme le soulignait les organisateurs, l’idée est de pérenniser le rendez-vous de façon à créer une dynamique. Le monde agricole est, d’une certaine manière, en profonde mutation. Ces changements prendront du temps et se passeront sans doute mal sans accompagnement à commencer par celui des plus anciens. Roger Galliot, Guy Monvoisin et Gérard Pasco, trois grandes figures du monde agricole calédonien, étaient présents pour échanger avec des jeunes captivés par leurs aînés. Ils en ont profité pour rappeler que la gestion était essentielle mais, qu’avant tout, ce qui permet à une exploitation de tourner, c’est l’amour du métier.


Ça bouge au marché broussard

Créé en 2011, le marché broussard compte aujourd’hui près d’une soixantaine de membres. Cette association qui œuvre au marché de gros à Ducos s’est fixée pour mission de mettre en valeur les producteurs locaux en favorisant notamment le circuit-court. Outre le marché du samedi matin, elle organise des marchés décentralisés. Le marché travaille également sur un nouvel outil, le drive broussard, à l’instar des drives fermiers qui existent en métropole. « L’idée est de regrouper, des agriculteurs, des pêcheurs mais aussi des transformateurs et des artisans pour les aider à écouler leur production », explique Marie Pluquin, la coordinatrice du marché broussard. Le drive est une plateforme sur internet où, chaque semaine, les professionnels mettent à disposition leur stock. Dans la foulée, les clients composent leurs paniers à leur convenance avant de venir le chercher en fin de semaine au marché de Ducos, le paiement se faisant directement sur internet. Les drives sont une forme de circuit-court qui rassemble différents producteurs, une formule que l’on retrouve déjà d’une certaine manière avec certains paniers qui passent par Facebook. Si des conseils sont donnés par l’association, ce sera aux producteurs de mettre en valeur leurs produits et de les distinguer par rapport aux autres. Les revenus sont reversés chaque mois aux producteurs moyennant une retenu de 10 % qui permet de financer la commercialisation ou encore la communication. Le drive compte déjà une trentaine de producteurs et pourrait entrer en service d’ici à la fin de l’année ou en début d’année 2018. L’idée est de proposer une nouvelle voie de distribution, complémentaire des marchés du samedi, touchant une cible plus jeune et disposant de peu de temps mais tout aussi soucieuse de son alimentation. Dans un premier temps, seul les clients de la province Sud auront accès à ces produits en provenance de l’ensemble du territoire. Il est néanmoins envisagé de créer des points relais en province Nord et Îles après une première phase d’expérimentation. L’élaboration du catalogue des produits est actuellement en cours. Pour les producteurs intéressés, il leur suffit de contacter le marché broussard au 72 71 71 ou par mail à contact@marchebroussard.nc.

Toujours dans l’optique de favoriser l’écoulement et le développement de la production, le marché travaille par ailleurs à d’autres formules. Face aux difficultés administratives et à l’isolement de certains producteurs, l’association envisage notamment la possibilité d’assurer l’écoulement de la production de ces personnes.


Des produits locaux dans nos assiettes

L’autonomie alimentaire passe aussi par un changement de nos habitudes de consommation. Neofood, lancé notamment par le chef Gabriel Levionnois, milite activement pour la mise en œuvre d’un système alimentaire durable en Nouvelle-Calédonie. Cette démarche participative s’appuie sur la bonne volonté et la conscientisation de l’ensemble de la population, que l’on soit simple citoyen ou responsable politique. Ce concept est d’autant plus intéressant qu’il envisage l’alimentation comme un tout et non pas de simples aliments dans une assiette. Si les institutions ont leur part de responsabilité, dans le fait par exemple que le code des marchés publics ne prend pas en compte la production locale pour la restauration collective (en France, un pourcentage minimum est obligatoire), la population doit également prendre sa part, notamment au travers de ses habitudes de consommation. La société calédonienne a développé un modèle de consommation à l’européenne nécessitant la culture de légumes européens. Comme le fait valoir Thierry Reydellet, à la tête de la direction de économie, de la formation et de l’emploi de la province Sud, il existe sur le territoire 72 variétés de fruits mais nous n’en consommons finalement que très peu. De la même manière, il existe une multitude de variété de légumes-feuilles qui poussent particulièrement bien en saison chaude, moment où les légumes européens ne poussent quasiment pas. Favoriser la production locale, c’est consommer localement mais aussi consommer des propres à la Nouvelle-Calédonie.


La Calédonie innove en matière de formation

Il existe de nombreuses formations agricoles initiales ou continues. Les jeunes ont notamment la possibilité de suivre des BTS en métropole. Chaque année, une vingtaine d’élèves s’y rendent pour suivre des cursus qui n’existent pas sur le territoire. Pour aider les étudiants, la Nouvelle-Calédonie a mis en place en 2015 un système de coaching qui permet aux élèves de mieux définir leur projet. Une aide en soutien scolaire leur est également apportée au travers du CNPR, l’équivalent du CNED en agriculture. Les résultats sont en nette amélioration.

Il existe une autre voie moins connue, celle des maisons familiales et rurales. Il en existe quatre, une à Bélep, une à Koné, une à Poindimié et une à Pouébo. L’idée de ces maisons comme leur nom l’indique, permet à des enfants de se former sans forcément partir dans des centres urbains et de rester en famille. Ces maisons sont gérées par les parents d’élèves et la formation est axée sur la ruralité et la transmission. L’éducation y est aussi importante que l’enseignement. Elles comptaient encore 500 élèves au début des années 2000. Après un passage à vide, elles sont doucement en train d’être relancée.