Les échecs, le retour du roi

Les échecs connaissent un retour en grâce au niveau mondial. Reconnus en tant que sport à l’échelle nationale depuis 2022, ils s’apprêtent à intégrer le Comité territorial olympique et sportif (CTOS). Des Calédoniens devraient participer aux prochaines compétitions internationales.

Depuis fin décembre, le club d’échecs de Lifou est de nouveau officiellement affilié à la fédération nationale, avec 20 licenciés. Son renouveau accompagne celui d’une discipline tout entière : les échecs ont de nouveau le vent en poupe depuis Le Jeu de la Dame, succès de Netflix sorti en 2020.

La série a attiré un grand nombre de joueurs sur Internet en temps de confinement, puis dans les clubs, à tel point que les effectifs de la Fédération française sont au plus haut, dépassant les 55 000 licenciés. En avril 2022, les échecs ont même été reconnus en tant que sport à part entière par les autorités nationales. Une consécration espérée depuis près de 20 ans, toujours refusée aux autres disciplines parfois qualifiées de « cérébrales » comme le poker et le bridge, et qui donne accès à des subventions pour développer le haut niveau.

En Nouvelle-Calédonie, une reconnaissance similaire est imminente : la Ligue d’échecs a formulé auprès du CTOS une demande d’adhésion qui devrait être validée lors du prochain conseil d’administration, fin janvier.

« UNE VRAIE DIMENSION SPORTIVE »

« La famille s’agrandit, et c’est tant mieux », se réjouit Michel Quintin, directeur du Comité territorial et sportif, pour qui le débat sur la nature des échecs appartient définitivement au passé. « Nous n’avons pas de discipline similaire, c’est vrai, mais il y a une vraie dimension sportive. Les tournois peuvent durer plusieurs heures, on en sort épuisé mentalement et physiquement. Et c’est un super exercice de concentration qui peut être bénéfique à bien d’autres égards. »

Julien Bellier, président de la Ligue de Nouvelle-Calédonie, n’hésite pas à qualifier son sport d’« école de la vie ». « On acquiert des compétences d’analyse, de travail ou encore de rigueur qui sont transposables dans la vie personnelle et professionnelle. »

2 000 à 3 000 joueurs réguliers

Fondée en 1956 par Jacques Héritier, la Ligue compte 150 licenciés et cinq clubs : Nouméa, Païta, Mont-Dore, Thio et Lifou.

Julien Bellier estime qu’entre 2 000 et 3 000 Calédoniens sont des joueurs réguliers, ce qui est « énorme ».

La pratique s’est notamment développée par des cours en milieu scolaire, mais aussi au Camp-Est.

Les échecs peuvent être « une solution au problème de l’illettrisme », estime Warson Maperi, qui donne des cours au collège de Thio et en tribu. « Après l’atelier, je vois du changement. Je vois des élèves stimulés, qui ont envie de lire encore, de se surpasser. »

Ce raisonnement a convaincu Érick Roser, le vice-recteur, décidé à fortement relancer la pratique à l’école. En avril, une quarantaine d’enseignants ont été formés par Alexandre Merenciano, joueur de niveau national, titulaire d’un très respectable classement Elo 2200.

Le directeur technique de la Ligue voit du potentiel. « On sent que les gamins, de toutes origines, ont l’esprit vif. Ils ont cette sorte d’instinct de la gagne, ce sont des battants. »

À LA RECHERCHE D’UN PORTE-DRAPEAU

En raison de sa faible population, « la Nouvelle-Calédonie ne produira vraisemblablement pas de très grand champion », estime Julien Bellier. « Mais on peut avoir de bonnes surprises, comme en Corse », territoire précurseur, où tous les élèves jouent une heure par semaine depuis plusieurs années, et où des joueurs « âgés de 14 ans » ont atteint le niveau de maître international.

« On ne cherche pas forcément à former des pépites », précise Alexandre Merenciano, méfiant vis-à-vis des prodiges « qui prennent la grosse tête ». « Mais avoir un porte-drapeau, ça donne envie aux suivants, ça fait progresser tout le monde. »

Il est impatient de voir les jeunes Calédoniens se mesurer à des adversaires internationaux lors des Oceania, au mois de mars, et éventuellement aux Olympiades d’échecs, en 2024 en Hongrie.

Gilles Caprais

Photo : « Après un tournoi d’une journée, on va dormir tout de suite. La fatigue est physique, mentale et psychique », décrit Alexandre Merenciano, directeur technique de la Ligue, qui jouait une partie simultanée, le 26 décembre, pour fêter le renouveau du club de Lifou. / DR