Les « blue boats » démantelés

L’arraisonnement de deux nouveaux « blue boats », fin novembre, montre que la filière vietnamienne de braconnage n’a pas encore dit son dernier mot. Les autorités estiment cependant que le travail de coopération et la diplomatie portent leurs fruits. En parallèle, une filière de démantèlement des bateaux commence à voir le jour.

 

La zone économique exclusive de Nouvelle-Calédonie est un trésor convoité. Depuis juin 2016, 16 bateaux de pêche vietnamiens ont été interceptés au large de nos côtes. Les premiers contenaient uniquement des holothuries alors que les derniers transportaient aussi des ailerons de requin, désormais protégés dans l’ensemble des eaux calédoniennes.

Si deux nouveaux navires ont été repérés le 30 novembre, aucune autre incursion n’avait été enregistrée depuis près de huit mois. Une vraie satisfaction pour Thierry Lataste, le haut-commissaire, qui estime que le travail des différentes autorités porte ses fruits. « La coopération avec nos voisins et les actions diplomatiques de la France et de l’Union européenne ont eu un effet, souligne-t-il. Nous avons une coopération opérationnelle avec l’Australie. Les deux derniers bateaux nous ont été signalés par les Australiens qui les avaient repérés dans leurs eaux. Ils ont pu être interpellés et déroutés vers Nouméa. »

Du point de vue diplomatique, une démarche commune a été engagée par l’Australie et l’Union européenne. Elles sont notamment intervenues auprès des autorités vietnamiennes pour leur faire part de leur désapprobation de ces pratiques. « L’Union européenne a dressé un carton jaune, c’est-à-dire qu’elle a constaté que le Vietnam n’était pas un état qui appliquait les règles internationales en matière de pêche, précise le haut-commissaire. Cela menace les exportations du Vietnam vers l’Europe et doit permettre de décourager la poursuite de ces pêches illégales dans nos eaux. »

Démantèlement, dépollution, récupération

Sur les 16 bateaux, six ont été saisis par la justice et sont amenés à être démantelés au port autonome, à Nouville, au niveau du poste 8. Les autorités ont fait appel à l’Afpa, Association pour la formation professionnelle des adultes, dans le cadre d’ateliers d’insertion. Derrière cette initiative, l’idée est aussi de mettre en place une filière de démantèlement qui fait défaut sur le territoire. Il manque des infrastructures permettant de sortir les bateaux et les traiter dans les normes, notamment au niveau de la dépollution. Si l’équipe tablait sur une quinzaine de jours pour démanteler un bateau, le travail s’est avéré plus compliqué que prévu et a nécessité en réalité près d’un mois. Une importante dépollution a dû être réalisée avant que les stagiaires de l’Afpa ne commencent à s’attaquer à un bois extrêmement dur et festonné de pièces métalliques.

Si l’objectif est de récupérer un maximum d’éléments pouvant être réutilisés, les pièces abîmées ou irrécupérables sont envoyées à l’ISD de Gadji. L’Afpa est toutefois dans l’attente de résultats d’analyses pour savoir si la peinture ne contient pas de produits toxiques. Si c’était le cas, ces déchets ne pourraient pas être enfouis et devront faire l’objet d’un traitement spécifique. Mais il s’agit bien de sauver ce qui peut l’être. Une note a été envoyée à l’Efpa, établissement de formation professionnelle pour adultes, et la province Sud afin de proposer une solution pour de grandes sections de coque des navires. Le responsable du chantier de démantèlement suggère que les sections soient renversées pour en faire des petits lodges. L’idée intéresse la province qui devait visiter le chantier.

Pas d’impact budgétaire

Un débouché qui permettrait de valoriser ces bateaux. Mais d’une façon générale, le démantèlement n’aura pas d’impact budgétaire pour les collectivités. Le chantier a été intégralement financé par la revente des holothuries. Les ventes des produits des pêches ont rapporté 27 millions de francs. La cargaison des deux derniers bateaux arraisonnés s’élève, quant à elle, à une vingtaine de millions de francs. De quoi assurer la déconstruction des navires, mais aussi d’accorder une subvention à la province Nord pour équiper les pêcheurs de Bélep, en première ligne face à ces pêcheurs illégaux, de matériel de télécommunications. La Nouvelle-Calédonie a également bénéficié d’une partie des recettes pour acquérir un dispositif de traçage des pêches dans la zone économique exclusive.