L’épilation intégrale du maillot n’est pas sans risque

Les spécialistes et la communauté médicale mettent en garde contre l’épilation intégrale du maillot alors que 60 % des personnes la demandent, hommes compris. La chasse aux poils n’est donc pas sans risque même si c’est très tendance, ici comme ailleurs.

Si l’Organisation mondiale de la santé a déjà mis en garde, que les dermatologues le confirment, de récentes enquêtes enfoncent le clou. S’épiler intégralement le maillot ne serait pas sans risques pour la santé des femmes, et ce, quelle que soit la méthode utilisée. En effet, si le rasoir, la cire ou l’épilateur sont jugés bien utiles pour éliminer les poils disgracieux, ils agresseraient aussi les muqueuses vaginales et favoriseraient l’apparition d’infections.

La dernière étude menée par l’université de Californie-San Francisco, publiée dans la revue Jama Dermatology révèle tout d’abord à quel point la chasse aux poils est devenue monnaie courante. Ainsi, sur les 3 316 femmes interrogées, 84 % s’épilent, dont 62 % intégralement. Une tendance bien plus nette chez les plus jeunes (18-24 ans) que chez les 45-65 ans, mais aussi chez les femmes les plus diplômées, notamment celles ayant été à l’université. Une tendance confirmée par une enquête de l’AFP qui indique que 70 % des jeunes s’épilent intégralement. Tout y passe, aussi bien chez ces demoiselles que chez les messieurs.
Le SAENC (Syndicat artisanal des esthéticiens de Nouvelle-Calédonie) avance que « la tendance est en train de changer. Si près de deux femmes sur trois ont l’habitude de s’épiler intégralement le maillot, on remarque que les jeunes femmes qui le faisaient habituellement au départ elles-mêmes pour des raisons financières, contactent très rapidement les instituts de beauté pour réaliser leur épilation intégrale. »

Autre tendance, la SAENC confirme que la grande nouveauté, « c’est qu’en Calédonie, la demande chez les hommes a beaucoup augmenté, suivant la tendance des pays développés. » Et tout y passe y compris le sillon interfessier. Seul épargné : le poil facial pour les hommes avec la barbe de trois jours qui est depuis quelques années très à la mode, gage de virilité.

Le dos, les épaules, les jambes, le torse, puis le ventre, ça existait déjà. Mais pour l’intime chez les hommes, la demande a au moins triplé depuis cinq ans. Pour les instituts de beauté, qu’importe le prix, c’est une façon de vivre et surtout un confort sexuel. Mais attention sur ce dernier point, l’épilation intégrale du maillot n’est pas sans risque pour la santé.

Exit la barrière protectrice

Si la principale raison évoquée dans les sondages et les différentes enquêtes par les personnes qui s’épilent le maillot sont les rapports sexuels ou une demande de leur partenaire, dans une moindre mesure, les femmes choisissent d’éliminer leurs poils pubiens pour se sentir à l’aise en maillot de bain ou avant de consulter un médecin.

Enfin, six femmes sur dix indiquent s’épiler pour une question d’hygiène. Une fausse idée pour le monde médical. En arrachant les poils, l’épilation supprime une barrière protectrice naturelle contre tous les agents pathogènes que sont les bactéries et virus avertissent professionnels de santé et les organisations de santé comme l’OMS.

Le monde médical tire la sonnette d’alarme : l’irritation et l’inflammation causées par l’épilation peuvent également provoquer des microcoupures et traumatismes au niveau de la peau. Dans un environnement humide, il y a là un terrain propice au développement d’infections sexuellement transmissibles comme l’herpès. Un constat qui pousse les chercheurs, médecins et spécialistes à vivement déconseiller les épilations intégrales et à recommander d’opter donc pour une épilation échancrée, sans toucher à la région vulvaire.

La guerre au poil l’emporte

Pourtant, même si les professionnels de santé montent au créneau et mettent en garde les personnes qui s’épilent intégralement le maillot, rien ne change. L’effet de mode est posé et met en avant une tendance « hygiéniste » d’après le sociologue Christian Bromberger, auteur du livre Sens du poil (édition Créaphis) : « On est entré dans une époque obsédée par les bonnes odeurs. C’est l’idée du net, de l’aseptisé, de l’inodore, une lutte contre l’animalité », indique-t-il. Fini le « ticket de métro » qui venait différencier les femmes des petites filles.

« Cette génération opère une petite révolution », selon l’expert : la bande de poils qui coupait encore l’enfance de la puberté a disparu. Les jeunes plongent dans « un futur androgyne tels les héros de science- fiction totalement imberbes ».

Pour Michel Fize, chercheur au CNRS, spécialiste des questions de l’adolescence, de la jeunesse et de la famille, ciné X et imagerie publicitaire ont fortement contribué à ce glissement pour ces enfants de la « génération YouPorn ». Il explique qu’il y a « des canons qui viennent de l’extérieur, notamment de la sexualité sur internet (…) ou le mâle sportif tel qu’on nous le représente : nos grands nageurs médaillés sont tous épilés, même si c’est pour des raisons techniques au départ. Idem dans certaines publicités. »

Les poils n’ont plus la cote, les raisons sont psychologiques et esthétiques et non hygiéniques. Mais attention, sans poils, plus de barrière protectrice naturelle alors prudence…

C.S.

Sources : Jama Dermatology, CNRS, SAENC